ALLER, un acronyme pour l’auto-compassion : nous laisser toucher par notre propre souffrance et notre culpabilité (notamment en lien avec la parentalité)
Faire preuve d’autocompassion, c’est se laisser toucher par sa propre souffrance, c’est développer une acceptation des émotions douloureuses et des limites personnelles. L’autocompassion passe nécessairement par une prise de conscience des sensations, de la nature et de l’intensité des émotions, ainsi que des pensées qui les accompagnent. La finalité de ce processus est de prendre soin de soi et de cultiver sa propre vitalité.
L’acronyme ALLER décrit les 5 étapes du schéma d’autocompassion :
- Admettre (reconnaître les sensations et les émotions)
- Laisser être (accepter d’être en contact avec la douleur, pleurer, crier)
- Légitimer (se donner le droit de connaître des difficultés)
- Encourager (utiliser les émotions douloureuses et en prendre soin)
- Revenir au présent (évaluer les nouvelles sensations, émotions, pensées)
Admettre
Admettre consciemment les pensées, les sentiments et les comportements qui nous affectent, c’est reconnaître ce qui se passe ici et maintenant; c’est dire OUI. L’autocompassion vient remplacer l’autocritique. Nous ne sommes pas obligés de nous juger quand nous nous sentons impuissants, quand nous découvrons que nos croyances reposent sur des mensonges ou des inexactitudes, quand des ruminations mentales nous envahissent ou quand nous n’atteignons pas nos objectifs.
Nous ne sommes pas obligés d’être d’accord avec nos émotions douloureuses, avec nos pensées automatiques; nous ne sommes pas obligés de les aimer mais nous pouvons les reconnaître pour ce qu’elles sont : des messagers. Nous pouvons prendre les émotions difficiles par la main, poser la main sur le corps qui souffre, parler au corps et poser des mots sur ce qui est :
- Où est-ce que ça se passe ?
- Comment ça fait ?
- Si ma sensation avait une couleur, quelle serait-elle ?
- Si mon émotion était une image, quelle serait-elle ?
Les réponses à ces questions peuvent prendre la forme d’un mot (exemples : un qualificatif comme “serré”, “désagréable”, “effrayant”, pénible”), d’une expression ou d’une image. En laissant les réponses se former lentement, il est important de prendre du recul et d’accepter ce qui vient : ”Oui, là, ici et maintenant, j’éprouve de l’inquiétude/ de la colère/ une profonde tristesse”.
Laisser être
« Laisser être » les sensations, les pensées, les émotions et les sentiments veut dire que nous sommes pleinement conscients de ce qui est douloureux. Dès lors, nous acceptons l’expérience entièrement, sans essayer de minimiser ou d’éviter quoi que ce soit.
La première étape consistait à reconnaître les émotions quand elles émergent en nous. Cette deuxième étape consister à les accueillir sans chercher à les réprimer, les nier ou les atténuer, mais plutôt les laisser “faire leur travail”. En effet, les émotions nous donnent des informations sur tout ce qui est important pour nous car nous avons des émotions difficiles quand ce qui est en jeu est important (nos valeurs, nos objectifs, nos besoins).
Cette posture nécessite de regarder les sensations éprouvées, les émotions ressenties, les pensées et les douleurs comme des choses intéressantes, dans le sens où elles ont des choses à dire, des messages à transmettre. Faire preuve de curiosité, c’est observer sans chercher à agir (comme vouloir recadrer les pensées ou diminuer l’intensité de l’émotion, voire changer la nature de l’émotion). Lutter contre nos douleurs émotionnelles est plus dangereux que de les laisser être et d’en prendre soin. En prendre soi, c’est les nommer à partir des différentes dimensions des émotions :
- les sensations : “Je sens une tension dans la mâchoire, c’est crispé et j’ai aussi les épaules tendues. Je sens que ma respiration est saccadée, erratique.”
- la nature de l’émotion : “Je me sens vide, exténué, je n’ai envie de rien et je me trouve nulle. Je dirais qu’il y a de la peur, et aussi de la tristesse.”
- l’intensité de l’émotion : “C’est une profonde tristesse qui se rapproche du désespoir, elle est glaciale et d’un bleu profond, comme un puit sans fond.”
- ce qu’on se dit, les images mentales qu’on se fait : “Je me dis que c’est injuste, que les autres sont égoïstes. Je les vois s’amuser pendant que moi, je suis seul et malheureux dans mon couple”.
- les actions ce qu’on a envie de faire : “J’ai envie de pleurer, de me cacher pendant des jours entiers, de crier très fort et, en même temps, je meurs d’envie d’un vrai câlin chaleureux et enveloppant”.
- les besoins insatisfaits à l’origine des émotions : “J’ai un profond besoin de sentir le sens de cette relation et d’éprouver mon estime de moi-même”.
Légitimer
Légitimer les émotions désagréables passe par une sorte d’enquête qui mêle curiosité et bienveillance. Cette bienveillance curieuse permet de créer un sentiment de sécurité permettant de se rapprocher des souffrances, des peurs et des hontes, non plus avec dureté et critiques mais avec compassion. On se donne le droit de connaître des difficultés.
On ne pourra pas prendre soin d’une chose qu’on choisit d’ignorer. Toutefois, accéder à une douleur, bien que nécessaire, n’est pas suffisant. Ce troisième temps consiste à exprimer l’émotion avec toute l’intensité qu’elle recouvre. En effet, l’autocompassion n’a pas vocation à canaliser les émotions ou à devenir une technique “stop colère” ou “anti-déprime”. La colère est légitime en cas d’agression verbale par exemple car c’est cette émotion qui va nous pousser à nous défendre et à réparer notre intégrité personnelle. La tristesse est une phase indispensable du deuil qui permet de lâcher prise, de se replier sur soi pour traverser la séparation. Les émotions dites “négatives” dans le langage populaire ont toute leur place dans notre vie émotionnelle et il n’y a aucune raison de parler d’émotions négatives ou positives.
Pour aller plus loin : Il n’y a pas de raison de séparer les émotions positives et négatives (+les bienfaits de la colère)
Encourager
Une fois les émotions reconnues et nommées, nous pouvons les utiliser, c’est-à-dire satisfaire les besoins insatisfaits sur lesquels nos émotions attirent notre attention. Le tableau des émotions ci-dessous peut servir de boussole interne et nous aider à mettre des mots sur ce que nous ressentons en identifiant les sensations qui accompagnent les émotions, les pensées qui les font naître et les entretiennent ainsi que les besoins insatisfaits qui en sont à l’origine. Vous y trouverez également des suggestions pour apprivoiser les émotions avec des stratégies de régulation et pour combler les besoins associés aux émotions.
Télécharger au format PDF pour impression : tableau des émotions
Ainsi, nous pouvons nous engager envers nous-mêmes à aborder notre vie intérieure avec auto-compassion, par des paroles encourageantes, de la recherche de soutient d’aide, ou encore des gestes tendres que nous nous adressons.
Encourager, c’est donc s’apporter de la chaleur soi-même, des soins, de la bienveillance, du réconfort, aller chercher ce qui manque. On pourra accompagner cette étape de gestes (se mettre les bras autour de soi, se caresser la joue, se bercer, s’automasser) et/ou de paroles (“Je ne laisserai personne te faire de mal”, “Je suis fier de toi”, “Je ne te laisserai jamais seul”, “Je veillerai toujours à tes besoins”).
Revenir au présent
Revenir au présent, c’est se mettre en contact avec les nouvelles sensations, émotions et pensées, suite aux 4 premières étapes. La dernière étape de ce schéma d’autocompassion permet d’évaluer la souffrance sur une échelle de 1 à 10. Avec de l’entrainement, pratiquer l’autocompassion peut diminuer l’impact des émotions douloureuses qui nous mine et dégrade la qualité de nos relations interpersonnelles.
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