L’amour et les garçons : comment les garçons apprennent-ils à aimer à travers leur socialisation ?

amour-comment-garcons-apprennent-aimer-socialisation

La socialisation des garçons et des filles au sujet de l’amour est bien différente. Plusieurs points de différence majeure peuvent être relevés et expliquer comment les stéréotypes se construisent et s’entretiennent.

Une romantisation des relations entre filles et garçons dès le plus jeune âge

Dans son livre Tu seras un homme -féministe – mon fils !, Aurélia Blanc estime que les adultes ont tendance à romantiser les relations de jeu entre garçons et filles comme si jouer était équivalent d’entrer dans une relation amoureuse. Qui n’a jamais entendu des remarques du type “T’as vu comme ils sont mignons ces bébés. Dans vingt ans, on va les marier !” ou “Léo, 2 ans, fait du charme aux dames de la crèche” ? Aurélia Blanc regrette que, sous vernis d’humour, ces remarques renforcent et valident les stéréotypes de genre (les garçons sont des dragueurs et multiplient les conquêtes, les filles cherchent un mari et sont à conquérir, les relations hétérosexuelles sont le seul chemin à suivre).

Tout se passe comme si un garçon qui entretient des amitiés avec des filles serait, au choix, un don juan, une mauviette ou, pire dans l’esprit de certains adultes, homosexuel. Pourtant, avoir des amis des deux sexes est sain et normal et l’amitié n’a aucun besoin d’être sexualisée.

L’amour est omniprésent dans le “monde” des filles dès le plus jeune âge

Les relations amoureuses (et amicales) sont bel et bien le fruit d’un apprentissage social, et cet apprentissage est différent selon que l’on soit une fille ou un garçon. Ainsi, les enfants intègrent très tôt que, dans notre société, l’amour se conjugue au féminin. Déjà parce qu’ils l’observent quotidiennement autour d’eux, à travers les jouets, les vêtements, les livres ou, plus tard, les séries qui leur sont proposées. Dans l’univers des filles, les sentiments sont omniprésents – il n’y a qu’à voir tous les “Love”, “bisous” et autres cœurs qui ornent leurs tee-shirts et bracelets. Ce qui n’est évidemment pas le cas dans le monde des garçons, où les références aux sentiments, et plus encore à l’amour, relèvent de l’exception. – Aurélia Blanc

Les garçons estimés trop féminins ou préoccupés par l’amour sont remis sur le droit chemin par leurs camarades

Les garçons qui s’intéressent d’un peu trop près au sujet de l’amour ou qui s’aventurent sur ce terrain socialement réservé aux filles (ex : porter un tee-shirt avec des coeurs) sont critiqués, raillés et, parfois même, insultés. Le risque de se montrer préoccupés par l’amour est donc dangereux à plusieurs titres pour les garçons : ils peuvent être victimes de moquerie, parfois même de harcèlement; ils peuvent perdre leurs amis garçons; ils mettent en jeu leur réputation et risquent le rejet de leurs camarades.

Les adultes confortent la “division genrée” des sentiments

Aurélia Blanc écrit que les adultes ne vont pas toujours reprendre les enfants qui se moquent des garçons jugés trop sentimentaux et peuvent être amenés à ne pas tenir le même discours aux filles qu’aux garçons (ex : demander aux filles si elles ont un amoureux et valoriser le sentiment amoureux; se moquer des garçons qui leur confient leurs sentiments).

 

Ces facteurs se combinant, de nombreux garçons rejettent le sentiment amoureux et estiment que “c’est un truc de fille”. La seule manière d’aborder l’amour devient alors de jouer les durs en abordant les filles comme des objets ou à exclure l’amour (et ce qui s’y rattache : la tendresse, le contact physique, les pleurs…) de leur registre émotionnel.

Toutefois, il existe des exceptions tant chez les adultes (qui font en sorte de casser ces stéréotypes) que chez les garçons (qui refusent de laisser l’amour en dehors de leur vie). Ce phénomène est souvent soutenu par une socialisation différente proposée par des parents conscients qui valorisent l’expression des émotions et où le père montre un exemple d’éducation sentimentale ouverte.

Modifier la socialisation des garçons au sujet de l’amour

Aurélia Blanc formule quelques suggestions pour ne plus entretenir l’idée selon laquelle l’amour serait réservé aux filles.

Parler sentiments avec les garçons (autant qu’avec les filles)

Il n’y a pas de honte à éprouver des émotions et des sentiments. Nous pouvons inviter les garçons (sans les forcer ou violer leur intimité pour autant) à partager leurs émotions, de manière naturelle en toute simplicité, lors de discussions informelles. Parents, autant hommes que femmes, nous pouvons également parler de nos propres émotions et sentiments librement en évoquant nos moments de joie, ce qui nourrit l’amour (pas forcément conjugal mais aussi familial au sens large) ainsi que des souvenirs d’enfance et d’adolescence.

Lire aussi : Autorisons les garçons à pleurer ! (reconnecter les garçons avec leurs émotions)

Impliquer les pères dans l’éducation sentimentale des garçons

En voyant leur père (ou leur oncle, ou l’ami de la famille) parler de sentiments, de relations amoureuses, [les garçons] intègrent l’idée que l’amour – comme l’amitié – n’a pas de genre. Ils sauront que l’on a le droit d’avoir des sentiments, que l’on peut avoir besoin ou envie de s’en ouvrir à ses proches… et que l’on n’en est pas moins un homme. – Aurélia Blanc

Encourager les amitiés filles/ garçons sans y apposer de romantisation ou d’étiquette

Les filles sont des personnes à part entière avec leur personnalité, leurs goûts, leur valeur d’être humain (et pas seulement des “mauviettes” moins fortes au foot ou des conquêtes en devenir). Les garçons peuvent s’amuser, se chamailler, faire du sport et partager des moments d’amitié aussi bien avec des garçons qu’avec des filles.

Proposer des modèles qui vont à l’encontre des stéréotypes de genre

L’idée est de trouver dans le quotidien (entourage proche, sportifs, artistes..) et dans les productions culturelles (livres, films, séries, dessins animés…) des personnes qui se libèrent des stéréotypes (comme la princesse Mérida du film d’animation Rebelle qui préfère l’indépendance au mariage ou le héros de Jack et la mécanique du coeur qui tombe amoureux d’une fille malgré son cœur gelé).

De même, nous pouvons introduire l’homosexualité dans les références que nous proposons aux enfants. Certains garçons n’auront pas d’amoureuse plus tard mais un amoureux (de même que certaines filles n’auront pas d’amoureux mais une amoureuse). Parler d’homosexualité avec les enfants ne les “rend” pas homosexuels et le fait qu’un enfant soit attiré par un enfant du même sexe ne remet pas en cause sa valeur d’être humain unique.

Encourager la politesse à l’égard de tous (plutôt que la galanterie au seul égard des filles)

Aurélia Blanc estime que le concept de galanterie peut poser plusieurs problèmes :

  • la galanterie ne s’adresse aux femmes, comme si les garçons ne méritaient pas le même respect;
  • cela suppose que les femmes sont par nature fragiles;
  • l’idée de “retour en nature” est souvent associé aux efforts galants (puisque l’homme a aidé la femme ou a payé l’addition, cette femme est “en dette” – en général, de sexe).

 

Tenir la porte à quelqu’un, l’aider à porter ses courses, laisser sa place dans le bus : cela relève du savoir-vivre, et ce dernier nous concerne tous, hommes ou femmes. […] Montrons à nos enfants que nous pouvons être bienveillants avec tout le monde, et pas seulement avec les filles (qui ne sont pas des princesses et qui, par ailleurs, ne sont pas redevables à un homme au motif qu’il s’est montré gentil avec elles). – Aurélia Blanc

………………………………..
Source : Tu seras un homme -féministe – mon fils ! de Aurélia Blanc (éditions Marabout). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

Commander Tu seras un homme -féministe – mon fils ! sur Amazon, sur Decitre, sur Cultura ou sur la Fnac