Une étude montre qu’avoir des enfants rend les gens moins heureux (en fait, ça dépend)
Dans son ouvrage Le Livre du Lykke : le tour du monde des gens heureux, Meik Wiking écrit sur le phénomène d’écart de bonheur entre les parents et les non parents, le niveau de bonheur des parents étant plus faible. Il cite quelques articles de journaux dont les titres appatclic déforment les résultats des ces études : “Les enfants volent le bonheur des parents” ou “Une étude montre que vous êtes moins heureux quand vous avez des enfants”. Wiking fait référence à l’étude de Glass, Simon et Anderson : “Parentalité et bonheur: effets des politiques de réconciliation travail-famille dans 22 pays de l’OCDE”, 2016.
Il ne faut surtout pas oublier qu’un titre comme “Avoir des enfants rend les gens moins heureux” génère plus de clics que “Les études montrent que les effets des enfants sur le bonheur sont mitigés, selon les dimensions du bonheur mesurées et la complexité de la relation évoluant tout au long de la vie”. – Meik Wiking
Meik Wiking liste les nuances à apporter à ces gros titres :
- même si le fait d’avoir des enfants peut avoir un impact négatif sur l’une des dimensions du bonheur (comme la satisfaction globale), il peut en avoir un positif sur une autre dimension du bonheur (comme le sens de la vie, la raison d’être);
- les enfants ont un impact différent sur le bonheur des femmes et sur celui des hommes. Comme les femmes portent encore une part plus importante des responsabilités liées à l’éducation des enfants, leur niveau de bonheur est plus impacté à la baisse avec l’arrivée d’un enfant que celui des hommes;
- le niveau de bonheur n’est pas rigide dans le temps et varie en fonction de l’âge des enfants (la privation de sommeil avec des enfants en bas âge n’a pas le même impact que le fait que des enfants quinquagénaires s’occupent de leurs parents octogénaires dépendants).
L’environnement fait une nette différence (politiques familiales et culture)
Meik Wiking se demande pourquoi les parents de jeunes enfants font état d’un niveau de satisfaction dans la vie plus bas que les adultes sans enfant. En réalité, l’écart de bonheur dépend de l’endroit où il est mesuré.
Les parents aux Etats-Unis sont 12% moins satisfaits de leur vie que les non-parents. En Grande-Bretagne, l’écart est de 8%. Au Danemark de 3%. Il existe même un léger écart en Suède et en Norvège, qui se situe vers 2% mais, là-bas, ce sont les parents qui sont plus heureux que les gens sans enfant. – Meik Wiking
Les écarts de bonheur s’expliquent par les différences relatives aux politiques familiales.
Wiking a remarqué qu’une autre différence ressortait : dans les pays qui proposent des politiques familiales favorables, la “pénalité de bonheur parental” diminue. Pourtant, c’est au Portugal que se trouvent les parents les plus heureux (niveau de bonheur de 8% plus élevé que les non-parents). Cela peut s’expliquer par le fait que les grands-parents jouent un rôle de soutien fondamental pour les parents et s’occupent activement des petits-enfants. En effet, 72% des parents portugais interrogés ont indiqué que les grands-parents étaient leurs partenaires privilégiés pour l’éducation de leurs enfants et qu’ils aidaient aux devoirs et aux activités extrascolaires.
Meik Wiking relate l’initiative de plusieurs villes du Danemark qui ont créé un système de “grands-parents du coeur” dans lequel des seniors bénévoles se proposent pour devenir comme des grands-parents adoptifs d’une famille. A notre niveau de voisinage, il est possible d’essayer de mettre en place un système similaire (ou avec d’autres parents pour s’aider mutuellement, le tout étant de créer une tribu sur laquelle compter).
La baisse du niveau de bonheur moyen après avoir eu un enfant, est-ce une fatalité ?
La définition même du bonheur change quand nous devenons parents
Alisa Volkman et Rufus Griscom sont deux entrepreneurs américains, en couple et parents de 3 enfants. Ils ont créé le site babble.com sur le thème de la parentalité et ont donné une conférence Ted sur les tabous qui entourent la parentalité.
Pour Alisa et Rufus, la définition même du bonheur change quand nous devenons parents. Nous échangeons une forme de sécurité et de sûreté d’un certain niveau de contentement atteint à l’âge adulte pour des instants transcendants (comme le babillement d’un bébé, ses premiers pas, les premiers mots lus, les câlins…), lesquels viennent compenser les moments de profonde impuissance.
Quand nous sommes enfants et adolescents, nous avons du mal à gérer nos émotions et le bonheur vient en quelque sorte par à coups, faisant les montagnes russes entre des moments d’extase (trouver un caillou par terre, manger une barbe à papa…) et de désespoir total (se coucher avant 22h, perdre une fleur séchée ramassée la semaine précédente…). Quand nous arrivons à l’âge adulte, notre niveau de bonheur moyen augmente car nous sommes en mesure de mieux réguler nos émotions et nous sommes moins en proie à ces montagnes russes. Or le fait de devenir parents brise cet équilibre et nous redevenons dépendants de ces à coups, à osciller entre bonheur total et profond désespoir.
Agir collectivement sur le niveau de bonheur des parents
Alisa et Rufus se demandent alors : peut-on collectivement infléchir la courbe du bonheur vers le haut pour les parents ? C’est important d’avoir ces moments transcendants de joie, mais ils sont parfois très brefs.
Pour Alisa et Rufus, il faut lutter contre les fausses espérances et les mythes liés à la parentalité : si nous avons les bonnes attentes en lien avec ce que la parentalité représente (mère ET père) et que nous vivons dans un environnement social, culturel et politique qui facilite la vie tant des parents que des enfants, la parentalité pourra devenir une expérience plus gratifiante. Par exemple, les parents suédois ont droit à 60 jours “enfant malade” par an jusqu’aux 12 ans de l’enfant.
C’est en ce sens que de nombreuses voix s’élèvent en ce moment pour un allongement du congé paternité, pour dénoncer l’inégale répartition de la charge mentale dans les couples, pour une meilleure prise en charge de la dépression post partum ou encore pour des politiques de soutien à la parentalité plus accessible.
En parallèle, des images plus réalistes de ce que représente la parentalité (non, ce n’est pas toujours facile et oui, les mères se cachent dans les toilettes ou leur voiture pour pleurer) et une plus grande visibilité des femmes qui ne veulent pas d’enfant ou qui regrettent d’avoir eu des enfants pourraient contrer l’idée que l’accomplissement adulte passe forcément par la maternité ou la paternité. Cela permettrait de faire des choix éclairés et conscients quant à la décision de devenir parent (et mère en particulier puisque le niveau de bonheur des mères est celui qui se dégrade le plus dans un couple hétérosexuel après avoir eu un enfant). Reconnaître que certaines personnes s’épanouissent dans la vie de famille et choisissent de s’y consacrer (père ou mère au foyer) est l’autre face de cette pièce.
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Source : Le Livre du Lykke : le tour du monde des gens heureux de Meik Wiking (éditions Pocket). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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