Sur le chagrin et le deuil : les 5 stades du deuil pour vivre pleinement la perte d’un être cher

chagrin et deuil

Elisabeth Kübler-Ross est médecin psychiatre pionnière dans l’accompagnement des personnes en fin de vie. Elle a conçu avec son collègue David Kessler les cinq stades du deuil :

  1. le déni
  2. la colère
  3. le marchandage
  4. la dépression
  5. l’acceptation

Il ne s’agit pas pour autant de diviser l’évolution d’un processus complexe en paliers clairement distincts les uns des autres. Par ailleurs, chaque deuil est unique et, bien que ces cinq stades fassent partie du cheminement au cours desquels les humains apprennent à vivre avec l’absence de l’être perdu, tout le monde ne passe pas forcément par chacun de ces stades et les réactions ne suivent pas toujours le même ordre. Il y a parfois des entrelacements, des retours en arrière.

Ces stades du deuil sont des réactions à des sentiments éprouvés tour à tour et peuvent durer chez certaines personnes quelques heures ou même quelques minutes seulement.

Le déni

Le déni est à prendre au sens symbolique. Même si une personne sait que l’être cher est décédé, elle ne parvient pas à assimiler cette information inconcevable dans le sens où elle peut rentrer chez elle et s’attendre à le voir.

Le déni est un mécanisme de protection psychique.

Cette première étape du deuil permet de survivre à la perte, à ce stade où la vie paraît vaine, le monde dénué de sens, impitoyable. Nous sommes en état de choc, sidérés, paralysés, anesthésiés. Nous nous demandons comment nous allons continuer à vivre, si nous y parviendrons, pourquoi nous le devrions. […] Le déni est un don de la nature, dans la mesure où i met à distance les sentiments que nous sommes incapables d’affronter. – Kübler-Ross et Kessler

La colère

La colère peut être contre le défunt (qui n’a pas assez pris soin de sa santé par exemple), contre soi (de ne pas avoir assez veillé sur lui ou de n’avoir rien vu venir, rien pu faire), contre les médecins ou encore contre le mauvais sort, voire Dieu.

La colère est une phase indispensable au processus de guérison et ne doit pas être réprimée. La douleur couve sous la colère qui est un indice de l’intensité de l’amour porté à la personne décédée. Elisabeth Kübler-Ross compare la colère à une planche de salut.

Il est important de noter que la colère n’éclate qu’une fois que l’on a acquis le sentiment de pouvoir affronter l’avenir sans la personne disparue. Sur le coup, vous serez étonné d’avoir survécu à la tragédie. Puis vous serez assailli par la tristesse, la panique, la douleur, la solitude mais surtout par une violente colère. Vos proches et vos amis pourront être déconcertés par cette réaction émotionnelle survenant juste au moment où vous paraissez commencer à vous remettre. – Kübler-Ross et Kessler

La colère est une réaction saine et naturelle face à l’impuissance et à l’injustice : elle a une valeur réparatrice. L’éprouver, c’est autoriser des sentiments jusque là jugés trop forts pour remonter à la surface.

Plus la colère est forte, plus il y a d’autres émotions en dessous, et notamment la peur et la tristesse. Kübler-Ross et Kessler estiment important de ressentir la colère à fond et de ne laisser personne (pas même soi) la critiquer ou minimiser son importance.

Le marchandage

Kübler-Ross et Kessler écrivent que la culpabilité va souvent de pair avec le marchandage. Nous préférons revisiter le passé plutôt que souffrir au présent. le marchandage permet d’échapper à la douleur et sert à distraire momentanément de la triste réalité en donnant l’espoir d’une restauration possible de l’ordre dans le chaos.

Nous formulons toute sorte de “si seulement…”, de “et si…”. Nous voulons que la vie redevienne comme avant, que l’être aimé nous revienne. Nous voulons remonter le temps : “Si seulement la tumeur avait été décelée plus tôt…”. – Kübler-Ross et Kessler

Le marchandage évolue avec le temps :

  • d’abord pour la survie de l’être aimé,
  • quand la fin est inéluctable, pour une mort sans souffrance,
  • après le décès, pour le futur (ex : protéger à l’avenir les autres membres de la famille des accidents ou des maladies).

La dépression

Après le marchandage, nous revenons brutalement au présent. Un sentiment de vide nous assaille et le chagrin prend possession de nous, plus intense, plus ravageur que tout ce que nous avions pu imaginer. Bien que cette phase dépressive semble sans issue, elle ne signe pas pour autant un trouble mental. C’est la réponse appropriée à une grande perte. On se replie sur soi, happé par un brouillard de profonde tristesse, on se demande à quoi bon continuer de vivre seul. – Kübler-Ross et Kessler

La vie perd son sens, tout paraît dérisoire, l’accablement est immense. Kübler-Ross et Kessler estiment que, le deuil étant un processus de guérison, la dépression est une des étapes nécessaire sur la voie du rétablissement. Ils conseillent de considérer la dépression comme une visiteuse, de faire place à cette invitée sans chercher à la fuir. Ils écrivent que, à partir du moment où on accepte la dépression, elle prendra fin quand elle aura rempli son rôle. Parfois, la dépression peut revenir et c’est ainsi que le deuil fonctionne.

Kübler-Ross et Kessler rappellent que seul un médecin connaissant bien la situation personnelle de l’individu en deuil est à même de prescrire des antidépresseurs. Ils jugent important de rappeler quand l’état dépressif est une réaction adaptée après un deuil, et non une maladie appelant nécessairement des médicaments (à la différence de la dépression chronique). La tristesse, comme la colère, sont à vivre, à accueillir : éprouver des émotions, ce n’est pas être malade, c’est être vivant.

Le rôle de la dépression dans le processus du deuil est de nous permettre de “ralentir” et de faire le point sur la perte. Elle initie une évolution en nous poussant à explorer notre histoire, nos émotions, nos valeurs, nos besoins.

Dans cette grande détresse, nous n’avons pas envie que l’on tente de nous remonter le moral. Au contraire, nous sommes reconnaissants envers ceux qui savent nous prêter une oreille attentive en gardant le silence. – Kübler-Ross et Kessler

L’acceptation

Kübler-Ross et Kessler tiennent à préciser que personne ne se console jamais de la perte d’un être cher. L’acceptation consiste plutôt à accepter que celui ou celle que nous aimions est physiquement parti.e et à admettre la permanence de cet état de fait. C’est le fait d’accepter que la réalité est réalité, dans le sens d’une nouvelle norme.

Pour Kübler-Ross et Kessler, guérir, c’est être capable de se souvenir et de se réorganiser. L’acceptation est un processus de réintégration.

Après avoir refusé de voir la réalité, tout doucement, nous intégrons qu’il n’est pas en notre pouvoir d’arrêter le temps. Notre univers a été bouleversé à jamais et nous devons nous y adapter : redistribuer les rôles, assigner ceux du défunt à d’autres ou les assumer soi-même, ce qui s’avère d’autant plus difficile que notre identité était fortement liée à la personne décédée. – Kübler-Ross et Kessler

Accepter, ce n’est pas voir la situation sous un angle positif : c’est apprendre à vivre avec la perte. Personne d’autre que la personne en deuil ne peut savoir ce qu’elle est capable d’accepter ni en quoi le temps affectera le deuil, avec ses allers-retours émotionnels, ses constructions-destructions, ses investissements-désinvestissements dans la vie. En effet, en reprenant goût à la vie, en passant des moments agréables, certaines personnes vont avoir l’impression de trahir le défunt : l’acceptation est un lent processus, pas un point final.

Enfin, aucune mort n’est préférable à une autre, qu’elle soit brutale ou le résultat d’une longue maladie ou d’un suicide. Une perte est une perte et le chagrin engendré est une douleur forcément subjective que seul connaît la personne endeuillée.

Kübler-Ross et Kessler insistent sur l’importance de ne pas enjoindre les personnes endeuillées à se montrer fortes. La colère, la tristesse, la peur sont des émotions saines à vivre sur le chemin du deuil. Les pleurs sont à accueillir, la peine peut – et doit- se donner à voir.

Shopping, promenade, pêche… La plupart des gens feraient n’importe quoi plutôt que de tenir simplement compagnie à un ami dans la peine. – Kübler-Ross et Kessler

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Source : Sur le chagrin et sur le deuil de Elisabeth KUBLER-ROSS et David Kessler (éditions Pocket)