Éducation bienveillante : l’inévitable culpabilité de ne pas y arriver ?
Un rythme de vie qui ne respecte pas les besoins humains (adultes et enfants)
Notre société ne semble pas être organisée autour de la satisfaction des besoins humains fondamentaux mais plutôt autour des impératifs économiques.
Certains comportements que nous jugeons inacceptables sont des manifestations d’insatisfaction, voire de souffrance due à un rythme de vie en totale inadéquation avec ce que sont les enfants (et les adultes !). – Catherine Dumonteil Kremer
C’est la raison pour laquelle il nous est si difficile d’accueillir l’expression des émotions fortes de nos enfants (chagrin, colère, peur…) que nous avons souvent tendance à punir, nier ou ignorer (notre incompréhension des mécanismes de l’attachement, des stades de développement de l’enfant et du fonctionnement des émotions étant à la fois le fruit de notre stress/ fatigue/ isolement et du manque d’information de notre société au sujet des émotions parce que ce qui est valorisé est le faire plutôt que l’être, la compétition plutôt que la vulnérabilité).
Un exemple du quotidien
Catherine Dumonteil Kremer cite un exemple dans son livre Une nouvelle autorité sans punition ni fessée (éditions Nathan). Lors d’une réunion d’un groupe de parents, Marthe, maman d’une petite fille en maternelle, a évoqué les premiers jours à l’école de sa fille de deux ans et demi :
“A la fin de la journée, je ne reconnaissais plus ma petite, qui était d’ordinaire plutôt calme : elle crachait, hurlait, donnait des coups de pieds dans les meubles. Je n’y comprenais rien et cela me mettait en colère. Je hurlais à mon tour et, terrorisée, elle se mettait à sangloter sans parvenir à s’arrêter. Je finissais par l’isoler dans sa chambre car je n’en pouvais plus.”
C’est seulement quand on a compris l’importance d’accueillir les émotions des enfants et qu’on a appris à pratiquer l’écoute active, qu’on devient capable de comprendre qu’une journée de maternelle demande beaucoup d’efforts aux enfants (contrôle du comportement en collectivité, séparation d’avec les parents, comportements parfois inadaptés des adultes encadrants, petits bobos et disputes avec les autres, fatigue…). Tout cela s’accumule dans le coeur et le corps des enfants depuis le matin sans possibilité de l’extérioriser et de se confier à une figure d’attachement.
Transformer la culpabilité en terreau fertile
Deux types de culpabilité
Plusieurs fois par jour, tous les parents se demandent s’ils font bien ou mal, se demandent comment font les autres parents qui paraissent si calmes (en apparence hein !), pourquoi leurs enfants à eux sont si (ou choix) turbulents, infernaux, pleurnicheurs, agressifs ou collants.
Catherine Dumonteil Kremer propose de voir la culpabilité comme un signal. Au lieu de devenir un sentiment dépréciateur qui enfonce, dévalorise et rend impuissant, la culpabilité saine peut s’avérer utile pour nous indiquer que quelque chose n’a pas fonctionné comme nous l’aurions voulu.
C’est naturel d’éprouver de la culpabilité et de la honte quand on réalise qu’on a fait mal à son enfant, qu’on n’est pas le parent qu’on aurait aimé être. La clé est d’utiliser cette culpabilité pour changer et être le parent qu’on voudrait être. – Isabelle Filliozat
Laisser couler les larmes à l’idée d’avoir crié ou donné une tape à un enfant fait du bien car cela révèle que quelque chose est en inadéquation avec nos valeurs profondes. On peut profiter de cette tristesse mêlée de peur et de colère contre soi-même pour faire le point sur nos besoins et nos valeurs et tirer de l’énergie pour trouver des solutions qui permettent d’améliorer le lien avec les enfants. Se laisser dévorer par la frustration et la culpabilité n’a jamais aidé personne, mais les laisser parler oui :
- trouver des solutions pour faire autrement
comment faire autrement ? comment réparer ? où trouver des ressources pour faire autrement ? à qui demander de l’aide ? que changer dans le quotidien ?
- parler de ce qui se passe en l’enfant pour réparer
« Tu as dû avoir peur », « Tu aurais préféré que… », « A quel point tu as eu peur ? », « Qu’est-ce que ça t’a fait ? », « Tu as raison, ce n’est pas juste »
Ainsi, informer n’est pas culpabiliser mais il s’agit plutôt éveiller les consciences. On ne peut pas faire de choix éclairés, conscients, on ne peut pas être libre tant qu’on n’a pas les informations qui permettent d’avoir accès à des alternatives. Ce cheminement se fait ensuite en conscience et selon la volonté et les capacités de chacun (qui dépendent de l’histoire familiale/ de l’entourage proche, du contexte personnel sur le plan des finances, du type d’habitat, du soutien disponible/ de l’organisation de la société…).
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Nous sommes face à un problème systémique (lié à un système)
Il est difficile d’apporter des réponses individuelles à un problème systémique.
Cela n’a échappé à personne, les critiques envers l’éducation dite bienveillante se multiplient sur les réseaux sociaux. Certains parents se sont sentis tellement sous pression de « bien » faire qu’ils en ont été au bord du burn out, d’autres disent que vouloir être à tout prix bienveillants les a (presque) conduits à la violence éducative… et je veux bien les croire ! Dans cet article, je précise quelques éléments qui me font dire qu’on est face à une problème systémique quand on parle d’éducation bienveillante/ bien-traitante/ positive/ non violente/ respectueuse (quel que soit le nom qu’on lui donne).
Au regard de ces facteurs économiques, culturels, sociaux, historiques, médiatiques, scolaires…, bien sûr que c’est difficile d’être bien traitant.e au quotidien, de garder un calme olympien en toute circonstance, de pratiquer l’écoute active après une journée épuisante au travail alors qu’il y a encore les devoirs et le dîner à gérer… mais est-ce réellement ce qu’on attend des parents ?
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Source : Une nouvelle autorité sans punition ni fessée de Catherine Dumonteil Kremer (éditions Nathan). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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