La responsabilité individuelle (ou personnelle) : pourquoi est-ce capital dans la vie ?
Dans son livre “Regarde… ton enfant est compétent”, Jesper Juul définit la responsabilité individuelle comme la responsabilité que nous avons de notre propre vie – notre santé et notre développement physiques, psychiques, mentaux et spirituels.
C’est la responsabilité que très peu d’entre nous ont été éduqués à prendre, mais c’est la plus effective, la plus puissante que nous connaissions quand il s’agit de reconstruire ce qui a été rabougri et d’apporter de l’énergie créative à notre communauté.
Jesper Juul déplore qu’une majeure partie des conflits dans nos sociétés se déroule de manière destructive car les protagonistes ne peuvent ou ne veulent pas assumer leur responsabilité individuelle et utilisent leur énergie à se rejeter réciproquement la faute. Selon lui, cela est dû en grande partie à ce qu’il appelle une éducation de façade : “Pense à te comporter de façon à ce qu’on puisse voir que tu as reçu une bonne éducation !”
L’idée d’une responsabilité individuelle à développer chez les enfants ne doit pas non plus conduire à un “désert parental” : aucun cadre, aucune limite, aucun respect, aucune considération pour autrui, incapacité à ressentir de l’empathie. Cela consiste plutôt à se poser cette question en tant que parents :
Allons-nous élever nos enfants pour qu’ils se construisent une solide autorité intérieure qui puisse les aider à affronter leurs propres choix sociaux et existentiels ou allons-nous leur apprendre à placer toute leur foi dans une autorité extérieure de nature politique, religieuse ou philosophique ?
Comment développer le sens de la responsabilité individuelle chez les enfants ?
Les parents montrent l’exemple et assument leur responsabilité individuelle
S’exprimer en message je (je veux/ je ne veux pas, j’aime/ je n’aime pas, je te demande, je m’attends à, je me sens, j’aimerais que, j’ai envie, j’ai besoin) plutôt que des injonctions impersonnelles (on doit, il faut, c’est comme ça, tous les autres le disent, dans notre famille on a toujours fait comme ça..) C’est ce que Jesper Juul appelle le “langage personnel“. Selon lui, ce langage personnel utilisé par les parents est essentiel pour développer le sens de la responsabilité individuelle des enfants.
Cela se produit seulement quand les enfants ont reçu pendant plusieurs années suffisamment de réponses personnelles de la part de leurs parents et ont vu assez souvent que leurs propos personnels étaient pris au sérieux.
Les parents sont capables de s’excuser quand ils ont tort
Jesper Juul dit et redit que les parents sont les seuls responsables de la façon destructrice dont les relations familiales ont tourné. Son objectif n’est pas de culpabiliser ou d’accuser les parents mais de donner des clés pour sortir de cette situation qui fait souffrir les enfants et les parents. Il propose aux parents qui se sentent mal dans leurs relations avec leurs enfants de s’asseoir et de rétablir le contact :
Nous sommes désolés que vous vous sentiez mal, que nous nous sentions mal et que nous nous sentions tous mal dans notre relation. Nous voulons dire que c’est notre faute. Nous avons toujours cru faire le meilleur pour vous en vous donnant tout ce que vous vouliez/ en vous frappant/ en vous hurlant dessus, mais nous voyons maintenant que nous nous sommes trompés.
En fonction des problématiques rencontrées dans la famille, plusieurs options sont possibles :
- quand les parents utilisent les violences éducatives ordinaires
Je suis désolé de t’avoir frappé. Quand je l’ai fait, je pensais que c’était de ta faute. Ce n’est pas le cas.
Il existe des ressources pour comprendre le mécanisme de la violence éducative (même dite “ordinaire”) et le briser.
- quand les parents sont négligents
Nous étions si désireux que vous soyez heureux et contents que nous nous sommes oubliés nous-mêmes. Nous voyons bien que c’est une erreur et, à partir de maintenant, nous allons réparer cela. Ce ne sera pas facile pour nous, et sûrement pas facile pour vous non plus. Mais nous tenons à ce que ça marche.
Le deuxième pas ici implique que les parents se réapproprient leurs limites, leurs souhaits, leurs besoins, leurs émotions et les formulent sans critiquer, sans faire de chantage ni compter sur une coopération unilatérale et acquise des enfants. Nous pouvons apprendre à formuler nos limites sans attaquer ou culpabiliser les enfants : Exprimer nos limites aux enfants avec la Communication NonViolente
L’enfant est libre de connaître ses besoins et ses émotions qui lui servent de guides
L’éducation n’est pas à envisager comme une lutte pour savoir qui a tort ou raison, qui décide et qui commande. Il s’agit plutôt de concilier avec intelligence les besoins des uns avec les besoins des autres. Prendre au sérieux soi-même et son enfant implique 4 qualités :
- reconnaître le droit de l’autre d’avoir le besoin, le désir, le vécu, les sentiments qu’il éprouve,
- pouvoir voir le besoin, le désir, l’émotion d’un autre de son point de vue à lui, selon ce qu’il est et ce qu’il pense,
- se concentrer sur l’expression avec pour but d’apprendre à connaître sa réalité à lui (plutôt que rassembler des preuves contre lui et ses désirs),
- répondre à ce qu’il en dit en le comprenant tout en prenant notre propre position (besoins, émotions, sentiments) au sérieux.
Les enfants sentent qu’ils ont de la valeur
Les enfants coopèrent volontiers et ont besoin de se sentir comme ayant de la valeur. Ils ont besoin d’obtenir la confirmation qu’ils sont reconnus, que leurs souhaits et besoins ne sont ni insignifiants ni encombrants même si ces besoins sont incompatibles avec ceux d’autres personnes. En revanche, ils n’ont pas besoin d’obtenir systématiquement ce qu’ils veulent.
Jesper Juul cite l’exemple d’une mère et sa fille qui font la queue pour payer dans un magasin. Il fait chaud, c’est long et la petite fille en a marre. Elle commence à s’exciter et demande à sa mère de partir. La mère pourrait alors faire une réponse du type : “Tu as raison. C’est vraiment super pénible avec toute cette chaleur et tout ce monde. Je vais payer avant qu’on ne parte. Pendant ce temps, tu peux peut-être raccrocher les chaussettes tombées par terre ?” Dans cette réponse, la mère reconnaît le besoin et le vécu de sa fille (tu as raison…) Elle assume sa propre responsabilité avec un langage personnel (je vais payer) puis répond au besoin d’utilité de sa fille (trouver une occupation).
Les enfants reçoivent des réponses ouvertes, sincères et personnelles de la part de leurs parents
Jesper Juul nous conseille de débrancher le “répondeur parental” qui enclenche automatiquement des commentaires qui visent à éduquer, conseiller et aider. Pour lui, ces commentaires viennent des générations précédentes de parents ou de “débris flottants” ramassés au gré de lectures de plus ou moins bonne qualité.
La réponse personnelle est la seule forme de communication qui garantit que le sens de la responsabilité personnelle des enfants se développe de façon nuancée et que le contact et la relation commune sont sauvegardés et développés. De plus, les réponses personnelles apportent un bénéfice secondaire : elles rappellent constamment aux enfants et aux jeunes que d’autres gens, d’autres comportements, d’autres expériences de la réalité existent, et contribuent donc au développement de leur responsabilité sociale.
Les parents protègent et passent à l’action sans punir pour développer la responsabilité individuelle des enfants
Les enfants n’ont pas besoin qu’on fasse tout à leur place
Certaines choses sont de la responsabilité du parent (fournir un toit, de la nourriture, assurer la sécurité…), d’autres sont de celle de l’enfant (par exemple, penser à ses affaire de sport pour le cours de piscine, ranger ses affaires). Si nous pensons faire à la place du petit enfant des tâches qui nous paraissent ingrates ou désagréables par amour, il y a fort à parier que, lorsque nous estimerons qu’il est en âge de le faire, il considérera cette tâche comme une contrainte ou une punition.
Prenons conscience que c’est dans la petite enfance que se construit l’adolescence, puis l’adulte. – Emanuelle Opezzo
Aider utilement un enfant est un gage du développement de sa responsabilité personnelle. Si nous ne laissons pas l’enfant essayer tout seul, si nous faisons à sa place, c’est la confiance en soi, l’estime de soi, mais aussi la volonté, la persévérance et la prise d’initiatives qui seront affectées.
On pourra apprendre aux enfants à penser “solutions” plutôt que se décharger sur nous (ou toute autre personne) pour leur trouver des solutions toutes faites (voire les leur imposer par la contrainte) : “qu’est-ce que tu peux faire face à ce problème ? à quelle solution penses-tu ? comment faire pour être sûr que tu penses à… ?” A défaut, on pourra au moins leur laisser le choix entre plusieurs solutions, ou alors partir de nos propositions pour qu’ils inventent la leur.
Chez les enfants occidentaux, le mécanisme permettant de veiller sur soi ne fonctionne que partiellement puisqu’une grande partie de cette tâche est prise en charge par les adultes. Ayant la redondance en horreur, le continnum supprime donc toutes les responsabilités que les adultes reprennent à leur compte. Il s’ensuit une diminution de l’efficacité étant donné que personne d’autre ne peut être plus constant et plus alerte que soi-même. – Jean Liedloff (Le concept du continuum)
Les enfants dont la responsabilité individuelle est bonne sont capables de réparer.
Un de mes objectifs quand je parle de réparation est que ma fille devienne responsable de ses actes et puisse en assumer les conséquences sans se dérober ni se sentir coupable à outrance. Les réparations remplacent les punitions dans une démarche d’éducation émotionnelle et relationnelle.
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Source : Regarde… ton enfant est compétent de Jesper Juul (éditions Chronique Sociale) est disponible chez votre libraire, en médiathèque ou en ecommerce.
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