Des pistes pour revisiter les conflits autour des repas avec les enfants

conflits autour des repas avec les enfants

Dans son livre Une journée Montessori, Audrey Zucchi propose de revisiter les conflits autour des repas avec les enfants. Elle reconnaît que les parents français sont particulièrement exigeants à l’heure des repas mais que cela correspond à des valeurs parentales importantes : être en bonne santé à travers une nourriture saine et équilibrer, connaître ses besoins physiologiques, développer son palais, respecter ce qui se trouve dans notre assiette, partager avec d’autres un bon moment à table grâce à des règles de politesse communes.

Malheureusement, les repas se transforment souvent en rapport de force, en conflit avec de forts enjeux affectifs. Audrey Zucchi nous invite à choisir les règles qui comptent vraiment pour nous et de les enseigner avec patience aux enfants et propose de déconstruire certaines phrases toutes faites que nous sortons parfois sans y réfléchir.

Arrête de manger avec tes doigts !

Le fait de manger avec des couverts est un apprentissage qui prend du temps et qui nécessite des prérequis (dont notamment : force et motricité des doigts, coordination œil-main, stabilité du corps, perception visuelle).

Par ailleurs, ces compétences peuvent précisément être acquises par le fait de manger avec les doigts. C’est d’ailleurs un des piliers de la Diversification Menée par l’Enfant. On appelle DME également diversification menée par l’enfant, diversification consciente et diversification autonome; ou en anglais baby led weaning. Cette diversification consiste à ne pas donner des purées ou des compotes, mais à commencer directement avec des morceaux, afin que l’enfant découvre en toute autonomie le plaisir de manger.

L’enfant vivant dans un culture où il est entouré de personnes mangeant avec des couverts, il finira par apprendre à manger avec des couverts. Pour faciliter cet apprentissage, il est possible de proposer des couverts adaptés à l’enfant :  une vraie fourchette qui pique (par exemple, des fourchettes à escargot à trois dents) et un couteau à bout rond qui coupe (par exemple, dans les collections «couverts à dessert» des marques d’arts de la table).

Enfin, certains enfants ont des troubles psyho-moteurs ou neurologiques (type dyspraxie) : ces enfants peuvent trouver réellement difficile de manger avec des couverts.

Il faut manger pour être grand et en bonne santé !

Sauf pathologie grave ou trouble de l’oralité, les enfants ne se laissent pas dépérir de faim.

Il arrive que les enfants aient plus ou moins d’appétit selon les jours ou qu’ils aiment plus ou moins certains aliments proposés. Il est inutile de forcer un enfant à manger : mieux vaut identifier simplement s’il s’agit d’un vrai manque d’appétit, d’un refus de manger tel ou tel aliment ou de l’envie de garder de la place pour le dessert.

Il est possible d’accompagner les enfants avec bienveillance lors des repas :

  • inviter l’enfant à goûter en lui disant que, parfois, les goûts changent : “est-ce que tu veux voir si tes goûts ont changé ?/ est-ce que tu veux faire un essai ?”,
  • reconnaître le manque d’appétit : “hum, tu n’as pas très faim aujourd’hui j’ai l’impression”,
  • mettre peu d’aliments dans l’assiette de l’enfant, quitte à le resservir à nouveau s’il en redemande (ou laisser l’enfant se servir lui-même en fonction de sa faim).

Si tu ne finis pas ton assiette, tu n’auras pas de dessert !

Cette phrase est étonnant dans le sens où elle présuppose que les enfants préfèrent les desserts aux autres aliments et que les enfants vont forcément manger un dessert même s’ils n’ont plus faim. Pourtant, c’est survaloriser les desserts que faire cette supposition (pour l’anecdote personnelle, il arrive souvent que ma fille termine son repas sur le plat et qu’elle ne veuille pas de dessert parce qu’elle n’a plus faim, tout simplement).

Audrey Zucchi propose de valoriser les légumes et les plats principaux en posant des questions : «Tu as essayé de les tremper dans la sauce? Et celui-ci, tu as vu sa drôle de tête? Crois-tu que son goût soit différent?».

Que tu es maladroit !

Les jeunes enfants sont maladroits par nature parce qu’ils apprennent à se servir de leur corps, à coordonner leurs gestes, à se situer dans l’espace (ainsi que leurs membres).

Il est tout à fait possible d’accueillir les maladresses comme des phénomènes normaux de la vie de famille avec des jeunes enfants (et des moins jeunes) et d’inviter les enfants à réparer : «Oh, des pâtes sont tombées de ta fourchette!… Sais-tu où est rangée l’ éponge? »

Tu as bien/mal mangé !

Ce n’est pas “bien” de manger (sous entendu de finir la quantité d’aliments qu’un adulte a estimé normale, indépendamment de l’appétit de l’enfant puisque par définition lui seul en éprouve la sensation) et, a contrario, “mal” de ne pas manger.

Dans les deux cas, manger, c’est manger à sa faim et c’est naturel (quand l’instinct est encore capable de faire son travail de régulation correctement).

Audrey Zucchi écrit que les injonctions du type «Une cuillère pour tatie » ou «Encore trois morceaux et on arrête» empêchent l’enfant de se relier à son ressenti et fait le terreau de mauvais comportements alimentaires comme manger pour faire plaisir aux autres ou «trop manger» pour finir son assiette…

Mettre nos pratiques et nos attentes en perspective pour moins de conflits autour des repas avec les enfants

Ainsi, nous comprenons que nous pourrions gagner en sérénité lors des repas avec les enfants en lâchant du lest et en remettant en perspective certaines de nos pratiques.

Audrey Zucchi nous invite à faire le tour du monde des règles de savoir vivre. Cette approche est bénéfique à la fois pour les parents et les enfants :

  • pour les parents, se rendre compte que nos conventions sociales ne sont pas les mêmes partout dans le monde et qu’il est possible de lâcher prise sur certaines attentes
  • pour les enfants, comprendre que chaque culture est marquée par des pratiques qui soudent les personnes appartenant à cette culture et leur permettent de vivre ensemble

Comme le rappelle Audrey Zucchi : “A table ! n’est pas un ordre, c’est une invitation.”

 

Si les problèmes persistent (avec une incidence sur le poids de l’enfant notamment), il est recommandé de consulter un pédiatre. Les intolérances, les allergies ainsi que les troubles alimentaires existent bel et bien. En cas de doute (peu de prise de poids ou baisse du poids, très faible nombre d’aliments tolérés, problèmes de sommeil…), vous pouvez en parler avec votre médecin ou votre pédiatre qui vous orientera vers des examens complémentaires s’il le juge nécessaire (exemples : allergologues; psychiatres, neurologues ou neuropsychologues; orthophonistes).

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Source : Une journée Montessori : Mettez en pratique la parentalité positive au quotidien ! de Audrey Zucchi (éditions Marabout). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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