Régulation de l’impulsivité chez les enfants

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L’impulsivité, c’est agir sans réfléchir et sans délai. A l’inverse, l’inhibition de l’impulsivité, c’est se contrôler, retenir un geste ou une réponse automatiques, résister à la distraction et s’imposer un délai. Dans son livre L’apprentissage visible : ce que la science sait sur l’apprentissage, John Hattie rappelle que la volonté se trouve amoindrie (et même vaincue) par la combinaison de deux facteurs :

  • des éléments fortement stimulants offrant un plaisir immédiat (exemples : des bonbons à côté des fruits pour le goûter, une sortie avec des amis au moment des révisions, la présence du smartphone sur la table de chevet le soir…)
  • l’ensemble des pensées relatives aux bénéfices immédiats d’y succomber (ce qu’on se dit sur le niveau de plaisir et de bien-être vécu si on cède à la tentation, la minimisation des conséquences négatives ou la relativisation comme “je regarde mon téléphone juste 5 minutes et je me couche” ou “c’est juste une sortie un soir, je travaillerai deux fois plus demain” ou encore “je peux bien me faire plaisir”).

Quand les pensées sont orientées vers le plaisir immédiat, on dit que la cognition est “chaude”. Mais il est possible d’apprendre des techniques pour “refroidir” la cognition (et éviter de subir les conséquences négatives d’avoir cédé à la tentation).

Le problème du contrôle de soi, c’est de parvenir à supprimer la puissance de signaux situationnels en engageant un traitement froid de l’information. Les stratégies de refroidissement mental empêchent de ruiner ses intérêts à long terme lorsqu’on fait face à des menaces. – John Hattie

5 stratégies pour développer le contrôle de soi chez les enfants

Il est possible d’outiller les enfants avec des stratégies de régulation de leur impulsivité sans passer par des punitions ou des interventions coercitives. Eduquer est synonyme d’enseigner, non pas de punir. Je vous propose 5 stratégies d’auto-régulation qui peuvent être proposées aux enfants dès 4 ans afin de maîtriser leurs réponses impulsives et mieux vivre leurs relations avec les autres.

  • 1.Distraction

Il n’est pas possible d’écarter les pensées sources de distraction par un simple effort de volonté, mais il est possible de les réguler en planifiant consciemment des stratégies. Les mots clés ici sont “consciemment” et “stratégies” : les efforts sont efficaces s’ils sont planifiés à l’avance dans une démarche volontaire.

Dans la célèbre expérience des chamallows (menée par une équipe de l’université de Stanford dans les années 1970), des scientifiques ont évalué la capacité d’enfants de maternelle à différer une récompense dans le temps. Ils ont posé un chamallow sur la table devant les enfants en leur promettant deux chamallows s’ils ne mangeaient pas le premier pendant les 15 minutes d’attente. Les enfants restaient donc dans la pièce avec le chamallow et en toute connaissance de la proposition (en avoir deux plus tard à condition de ne pas manger celui qu’ils avaient sous les yeux).

Une méthode efficace enseignée aux enfants pour les empêcher de manger le premier chamallow était de les inciter à imaginer que les bonbons étaient des petits nuages ou alors des petites lunes rondes et blanches.

L’idée est de transformer une tentation en diversion plaisante pour ne pas stimuler la cognition chaude.

 

  • 2.Évitement

S’organiser de manière à éviter les distractions est une manière proactive de gérer les tentations. Comme on s’organise pour ne pas tomber nez à nez avec les tentations, on n’a pas besoin de faire d’intenses efforts de volonté pour y résister. Mieux vaut faire en sorte de ne pas s’exposer à des situations risquant de conduire à la déconcentration, à l’épuisement ou à une possible perte de contrôle de soi que de devoir recourir à des efforts épuisants et inefficaces une fois devant le fait accompli.

Les gens ayant un faible contrôle d’eux-mêmes doivent recourir à des efforts de volonté intenses; ils semblent moins capables de planifier des routines permettant d’éviter de foncer tête la première vers les difficultés de l’existence. Ainsi, les étudiants qui procrastinent ou négligent leurs études doivent ensuite faire preuve d’une forte volonté pour bachoter intensivement à la veille d’un examen important. Une stratégie plus sûre consisterait à établir des routines fondées sur des habitudes, des horaires et des lieux. – John Hattie

 

  • 3.Élaboration de scénarios construits sur le modèle “si…alors”

Il est possible d’enseigner aux enfants et adolescents comment élaborer des programmes construits sur le modèle “si… alors”. L’objectif est de se créer des scénarios alternatifs solides pour réorienter les intentions. Ces programmes consistent en des affirmations spécifiques à se répéter dans la tête en guise de consignes à soi-même.

Exemple : Si mon frère me propose de faire une partie de foot avec lui, alors je lui dirai que je révise jusqu’à 17h45.

Cette manière d’aborder le contrôle de soi permet d’anticiper les obstacles et tentations puis de trouver des solutions efficaces afin de les surmonter. Il est plus efficace d’anticiper les tentations et de tout faire pour les éviter plutôt que d’essayer d’y résister.

 

  • 4.Stop et Réfléchis : est-ce que ce que je m’apprête à faire va améliorer les choses ou les empirer ? 

Il est possible d’inviter les enfants à faire des pauses avant d’agir et à utiliser ces temps de pause pour se poser une question simple : est-ce que ce que je m’apprête à faire va améliorer les choses ou les empirer ? Nous pouvons convenir d’un signal avec les enfants afin de leur rappeler ce temps de pause : cela peut être la prononciation des mots “Stop et réfléchis” ou un signe de la main. Avant que l’enfant ne soit capable de se demander lui-même si les choses vont empirer ou s’améliorer, l’adulte peut lui poser directement la question.

L’idée est que les enfants réalisent par eux-mêmes que ce qu’ils s’apprêtent à faire est une mauvaise idée et, avec la pratique, ils deviendront capables de se poser la question mentalement avant d’agir ou de parler afin d’adapter leur comportement.

 

  • 5.Une signalisation Stop/ Moins fort/ Encore 

Une manière d’apprendre aux enfants à réguler leur impulsivité est de convenir d’une signalisation graduelle qui indique quand le comportement est OK, quand le comportement a besoin d’être tempéré et quand le comportement doit cesser. Cela peut passer par des mots et un panneau du type feux de circulation. 

Il arrive que les enfants soient tellement excités, tellement pleins d’énergie ou tellement jeunes qu’ils ne peuvent tout simplement pas réguler leurs émotions sans aide. Un enfant de 3 ou 4 ans qui arrive dans la cour de récréation et bouscule ses camardes pour monter sur le toboggan ne le fait pas par méchanceté mais a besoin du soutien d’un adulte pour apprendre à adopter un comportement socialement approprié. Plutôt que dire à cet enfant “calme toi” (ou, pire, le punir et l’isoler), nous pouvons commencer par reconnaître son enthousiasme et son énergie débordante : “Wow, tu es plein d’énergie aujourd’hui et tu as vraiment envie de faire du toboggan.  J’ai l’impression que cette énergie a besoin d’être évacuée !” Dans un deuxième temps, nous pouvons utiliser la référence aux feux de signalisation pour indiquer que son enthousiasme a besoin d’être modéré dans la zone du toboggan : “L’aire de jeu est une zone Orange, ça veut dire qu’il faut ralentir. Montre moi comment tu fais pour ralentir.” Il est possible de rediriger le comportement de l’enfant vers une autre activité : “Tu peux courir dans la zone goudronnée, c’est une zone Verte.”

Réguler l’impulsivité est un processus qui prend du temps et la signalétique des feux de circulation représente un support visuel utile. Il est possible d’entraîner les enfants à ralentir en dehors de situations “chaudes” mais lors de séances dédiées. On découpera un rond rouge, un rond orange et un rond vert dans du carton puis on demandera aux enfants de courir en montrant le rond vert, puis de ralentir en montrant le rond orange et enfin de s’arrêter en montrant le rond rouge. Le feu rouge signifie stop, comme pour les voitures ! On pourra conserver les cartons à portée de main en classe ou lors des récréations pour les montrer en fonction des besoins rencontrés.

 

D’autres outils peuvent compléter ce type de jeux pour mettre en place un cadre propice à la régulation de l’impulsivité chez les enfants (notamment les enfants porteurs d’un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité) :

  • une charte de classe ou de famille  (règle de vie, règles d’utilisation des espaces et des jeux) qui peut être co-construite avec les enfants;
  • un outil de mesure du temps (Timer);
  • un casque anti-bruit;
  • des cartes émotions pour indiquer l’humeur, qui peut être complété par un tableau des besoins (voir cet article : Le tableau des émotions : un outil de paix)
  • des cartes paroles (ou bâton de parole) que l’enfant peut apporter à l’adulte pour lui faire part de son désir de parler (à décliner pour d’autres besoins : “carte pause” pour les enfants qui auraient besoin de s’isoler par exemple).

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Inspiration : L’apprentissage visible : ce que la science sait sur l’apprentissage de John Hattie (éditions L’Instant Présent). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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