Les jeux psychologiques (manipulation, mauvaise foi) et les collections de Timbres
Les Timbres Psychologiques : des non-dits à la rancoeur
Dans leur livre Déjouer les pièges de la manipulation et de la mauvaise foi, Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre définissent ce qu’est une collection de Timbres Psychologiques selon l’Analyse Transactionnelle. Les Timbres Psychologiques sont une métaphore pour décrire les sentiments que nous n’avons pas su, pu ou osé exprimer. Ce sont des non-dits. Agnèse et Lefeuvre estiment que les Timbres psychologiques sont la représentation de la rancoeur accumulée, la frustration, la colère, le dégoût ou encore l’injustice ressentis lors d’un jeu psychologique. En Analyse Transactionnelle, un Jeu s’appuie sur les rôles Persécuteur, Sauveur et Victime et génère un moment de confusion mentale et émotionnelle. Les Jeux Psychologiques sont une série de messages cachés et inconscients visant un point faible chez l’autre et aboutissant à un bénéfice caché pour les joueurs (notamment le fait de confirmer une croyance sur soi, sur la vie, sur les autres ou juste de s’amuser).
Un Jeu Psychologique commence si un des Joueurs adopte un rôle après y avoir été invité par un autre Joueur. Quand on accepte de jouer, c’est-à-dire de répondre à un message en Persécuteur, en Sauveur ou en Victime, il y a déni de responsabilité. Les drames psychologiques se nouent quand les joueurs changent de rôle en cours de Jeu (passer de Persécuteur à Victime par exemple). Tout le monde perd même si l’intérêt du Jeu psychologique pour les joueurs n’est pas de gagner mais de confirmer une croyance négative. En Analyse Transactionnelle, c’est le bénéfice négatif du jeu.
Le premier joueur à perdre colle un Timbre Psychologique dans son carnet de Timbres, lui donnant l’impression d’avoir le droit de jouer un nouveau Jeu psychologique plus tard. L’autre joueur colle également un Timbre dans son carnet. Stockés dans les carnets, les Timbres restent en nous.
Conséquences néfastes de la collection de Timbres Psychologiques
Les Timbres Psychologiques entretiennent en nous un état de malaise psychologique ou émotionnel et nous maintiennent dans des humeurs désagréables :
- irritabilité (en cas de non expression de la colère à la bonne personne et au bon moment)
- anxiété (en cas de non expression de la peur à la bonne personne et au bon moment)
- mélancolie (en cas de non expression de la tristesse à la bonne personne et au bon moment)
- mépris (en cas de non expression du dégoût à la bonne personne et au bon moment)
- frustration (en cas de non expression de la joie à la bonne personne et au bon moment)
Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre parlent d’humeur pour désigner ces états émotionnels désagréables : une humeur n’est pas une émotion mais l’expression souvent inconsciente d’un non-dit. Les auteurs prennent l’exemple de la bouderie : une personne d’humeur boudeuse est en attente de quelque chose qu’elle ne parvient pas à demander directement et qu’elle n’obtient justement pas en boudant. La bouderie persévérant, elle risque de devenir rage et d’exploser.
Le problème est que, plus nous laissons les Timbres Psychologiques s’accumuler, plus nous devenons sensibles et réactifs, comme à fleur de peau. La vie quotidienne en est affectée car les difficultés rencontrées vont provoquer des réactions disproportionnées ou déplacées. Les Jeux psychologiques deviennent de plus en plus fréquents, durables et intenses sous l’influence des Timbres collectionnés.
Les ressentiments que nous entretenons parfois sans les exprimer font bouillir intérieurement la marmite de nos émotions. – Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre
On comprend alors tout l’intérêt de dire les choses à la bonne personne, au bon moment, de manière bienveillante, lucide et constructive. Autrement, nous risquons de devenir un Joueur au sens de l’Analyse Transactionnelle, c’est-à-dire une personne qui, au lieu de communiquer avec la conscience de ses émotions et avec responsabilité, invite une autre personne à un Jeu psychologique. On plonge alors dans la mauvaise foi et les manipulations.
5 parades pour déjouer la mauvaise foi et les manipulations (Analyse Transactionnelle)
Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre proposent quelques “parades” pour ne plus mordre à l’hameçon d’un Jeu psychologique et éviter de se laisser entraîner dans des collections de Timbres Psychologiques.
La parade du silence
Il est possible de marquer un temps de silence face à une remarque qui reflète un rôle de Persécuteur, Sauveur ou Victime. Le silence suspend le temps et ouvre un autre possible. Le silence suffit parfois à désarmer un Joueur qui ne s’était pas entendu dans sa violence.
Vide à l’extérieur car sans aspérités auxquelles l’assaillant pourrait s’accrocher, le silence se doit d’être plein à l’intérieur. Plein de souffle, d’inspiration et d’expiration pour être lu comme une reprise d’appui et vu comme une posture de vigilance. – Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre
La parade du silence peut être la première chose à faire et nous invite à résister à l’envie de répondre immédiatement (en contre attaquant, en se plaignant, en se moquant, en niant…). Une (ou plusieurs) autre(s) parade(s) peut ensuite être utilisée.
La parade de la question
Demander “Pourquoi tu-dis ça ?” va plutôt avoir tendance à renforcer l’autre dans son attaque avec une réponse du type” Tu sais très bien pourquoi !”.
Plutôt que de chercher quoi répondre, nous développons le réflexe de chercher quoi demander. La démarche est radicalement différente. Plus ouverte, plus ronde et plus constructive assurément. – Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre
Des questions efficaces peuvent ressembler à “A quoi fais-tu référence ?/ Peux-tu me donner un exemple ?” car pointer vers le contexte évite les questions stériles. L’idée est de poser des questions factuelles, non ironiques ou piégeuses, afin de mettre la réflexion de l’autre en mouvement. Les questions ouvertes (qui n’appellent pas oui ou non comme réponse) sont plus utiles : comment ? qui ? quand ? où ? dans quelles circonstances ?
La parade de la réception
Quand un Joueur invite une personne à jouer à un Jeu psychologique, il ne s’attend pas à ce que cette dernière accueille son attaque mais attend une opposition, une plainte ou un mutisme.
Cette posture comprend deux volets :
- un volet d’expression du ressenti (j’accuse le coup, je suis touché par la remarque de l’autre -> je le signale à l’agresseur par l’expression de mes émotions)
- un volet de reconnaissance du ressenti de l’autre (je prends en compte son émotion sans jamais la dévaloriser)
Il s’agit de traverser la tempête en restant dans l’oeil du cyclone pour éviter d’être emporté soi-même.
La parade méta (ou distance)
Prendre de la distance et de la hauteur pour voir ce qui se passe de plus loin, voici en quoi consiste cette parade. – Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre
Cette parade passe par la demande d’un temps mort pour mettre un terme à l’escalade en cours. Il s’agit de constater avec des mots que la situation s’envenime, que les émotions des deux protagonistes empêchent de trouver des points d’accord et des solutions et de formuler une demande pour repartir de meilleur pied.
Cette parade n’a rien à voir avec de la condescendance et ne doit pas être confondue avec la fuite ou la protection derrière un bouclier. Il s’agit plutôt de décrire factuellement ce qui se passe (les mots prononcés, les émotions ressenties de part et d’autre, le temps passé…) et d’ouvrir une porte de sortie apaisée.
La parade du rendez-vous (lâcher prise)
Le lâcher prise est paradoxal car il demande de la lucidité et du courage pour… arrêter !
Lâcher prise ne signifie pas forcément abandonner ou perdre. Au contraire, celui qui connaît ses forces et ses limites saura laisser les choses aller et prendra le temps de se sentir solide avant d’affronter les périls de la vie. – Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre
Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre proposent de convenir avec l’interlocuteur d’un rendez-vous précis (date, horaire, lieu, ordre du jour, objectifs, éventuellement un médiateur) comme une main tendue avant des mots ou des gestes trop violents.
Ces parades ne sont pas des recettes miracles mais permettent de se protéger en partie. Leur utilisation nécessite de l’entraînement et des ajustements afin de déjouer la mauvaise foi et les manipulations.
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Source : Déjouer les pièges de la manipulation et de la mauvaise foi de Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre (InterEditions). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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