“Les fessées, j’en suis pas mort”, “c’était pour mon bien”, “sans punition, j’aurais mal tourné” : le déni aide à préserver la vie et le fonctionnement d’une personne traumatisée

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Dans son livre Réveiller le tigre : guérir le traumatisme, Peter Levine écrit que de nombreuses victimes de traumatisme se sont résignées à leurs symptômes (tels que maux de ventre ou de dos, sommeil difficile, humeur instable, ou encore faible taux d’énergie). Ces personnes n’essaient pas de trouver une voie qui les ramènerait à une vie normale et saine (ou alors traitent les symptômes sans penser aux causes). Le déni et l’amnésie jouent un rôle important dans le maintien de cet état de résignation. Ces personnes vont alors nier avoir été traumatisées, clamer qu’il ne leur est rien arrivé, affirmer avec fermeté qu’elles n’ont pas eu peur (et toujours pas peur maintenant) et qu’elles n’ont pas eu mal (certains enfants le disent d’ailleurs déjà : “Même pas mal !”).

Pourtant, il est important de se considérer que ce déni est en lui-même un symptôme du traumatisme. Peter Levine rappelle que le déni et l’amnésie ne sont pas des choix volontaires (ils ne sont pas le signe d’une faiblesse de caractère ou d’un dysfonctionnement de personnalité, ni d’une tentative de manipulation malhonnête).

Ce comportement est inscrit dans la psychologie et la biologie humaines car, au moment de l’événement traumatisant, le déni aide à préserver la vie et le fonctionnement de la personne. C’est par la suite que ce déni devient un symptôme du traumatisme.

Pour Levine, sortir de l’amnésie ou du déni demande beaucoup de courage et la quantité d’énergie libérée alors peut être considérable. Elle ne doit donc pas être sous-estimée et est un moment important sur le chemin de la guérison des personnes traumatisées. Selon Peter Levine, le déni tient la personne traumatisée dans son étau jusqu’à ce que les processus primaires qui bloquent le système décident de la libérer.

Nous pouvons sortir du déni lorsque nous nous sentons en sécurité, lorsqu’un autre événement déclenche un “souvenir” ou lorsque notre organisme nous dit : “c’est assez !”. Même si des amis, des proches et des thérapeutes peuvent fournir une certaine aide (par exemple thérapeutique), une sensibilité à percevoir l’instant propice est essentielle. – Peter Levine

A la lecture de cet éclairage de Peter Levine, je ne peux m’empêcher de penser aux travaux d’Alice Miller et Muriel Salmona au sujet des violence éducatives ordinaires. C’est précisément le déni de la souffrance éprouvée alors qui poussent les personnes qui ont reçu des fessées et des punitions à dire qu’ils n’en sont pas morts et qu’ils remercient leurs parents de leur avoir fait du mal “pour leur bien”.

D’ailleurs, Levine ajoute que le traumatisme, d’une façon insidieuse, contribue à toutes nos motivations et pulsions. Cela signifie qu’une personne qui a été frappée enfant (y compris de “simples” fessées) sera amenée à frapper devenue adulte si aucun travail de prise de conscience n’est entrepris/ déclenché. Le phénomène qui entraîne la répétition des événements traumatiques du passé est appelé “remise en acte“.

La remise en acte est le symptôme le plus contraignant, le plus mystérieux et le plus destructeur pour nous en tant qu’individus, en tant que société et en tant que communauté mondiale. – Peter Levine

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Source : Réveiller le tigre : guérir le traumatisme de Peter Levine (InterEditions). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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