La honte, une émotion utile mais qui, déréglée, peut être redoutable
Dans son livre Imparfaits, libres et heureux, Christophe André propose des exercices pour dépasser la honte.
Comme toutes les émotions, la honte a une fonction : elle nous sert à ne pas oublier que, pour avoir sa place dans un groupe humain (famille, amis, micro ou macrosociétés), il y a des règles et des standards à respecter. A petites doses adaptées, la honte peut m’empêcher des commettre des actes antisociaux : mentir, trahir, voler, rudoyer les faibles. Ou, si je les ai commis, de récidiver. Comme la peur peut me rendre plus prudent en me faisant anticiper les dangers, la honte peut me rendre plus conscient en me faisant anticiper les rejets.
Mais tout les émotions peuvent se dérégler. La peur peut se transformer en cette maladie de la peur qu’est la phobie. La honte, elle aussi, peut déraper. Nous ne disposons pas de nom spécifique pour désigner ces “maladies de la honte”. Signe sans doute que les sociétés traditionnelles les toléraient et s’en accommodaient plutôt bien : la honte est un bon moyen de faire tenir les gens tranquilles.
La honte est toujours une honte de soi (c’est soi-même que l’on rejette) et la honte est une émotion visuelle (on se représente inlassablement la scène en imagination). Christophe André ajoute que nous sommes beaucoup plus conduits pas la honte que nous le croyons (ou que nous ne voulons l’avouer). Quand elle est déréglée, elle est sans doute une des émotions les plus redoutables pour l’estime de soi et pour la paix (intérieure et collective). Après une “grosse” honte, on peut en arriver à ne plus vouloir prendre le risque de parler, de danser, de donner son avis… La honte peut aller jusqu’à provoquer des comportements violents chez certaines personnes.
Les offenses faites à l’estime de soi augmentent les risques d’agression chez tout le monde. Se sentir offensé peut ainsi pousser à vouloir se venger. – Christophe André
3 exercices pour dépasser progressivement la honte
1.L’exposition
Ces exercices d’exposition à la honte ne doivent procurer que des “petites” hontes : actes simples, sans réel enjeu, qui ne provoquent pas de tort ou de mise en danger pour autrui ou soi-même et qui entraînent une honte modérée
- Chanter à haute voix dans la rue
- Sortir habillés à la va vite
- Dire à voix haute le nom de chaque station/ arrêt dans les transports publics
- Danser dans un endroit improbable (gare, jardin public…)
Ces petites expériences existentielles permettent de recalibrer le “hontomètre” à la hausse afin qu’il soit moins sensible.
2.Le silence
Cet exercice se pratique à deux. L’exercice consiste simplement à rester assis face à face sans parler, en se regardant mais sans obligation de soutenir en permanence le regard. Durant cet exercice, la consigne principale est de s’accepter silencieux.se : sourire, respirer, s’intéresser à ce qui est autour de soi…
3.Ceux qui savent
Par rapport à la honte de dire une bêtise ou d’avouer une ignorance, on peut s’entraîner en jeu de rôle à poser des questions à “ceux qui savent” (ou des personnes qui jouent le rôle de personnes qui savent). Un des scénarios pourrait être de demander son chemin, de demander un quai de train dans une gare… Ce jeu peut être transposé dans le réel une fois à l’aise avec le jeu de rôle (demander “en vrai” son chemin même si on n’est pas perdu…).
On peut également inverser les rôles : jouer le rôle de la personne qui sait. L’image visée ici est celle d’une personne peut-être réservée mais agréable et ouverte plutôt qu’une personne très à l’aise, cultivée et drôle (car ce dernier objectif peut amener à revêtir un costume, à ne pas s’accepter).
Mieux vaut s’accepter imparfait que ne pas s’accepter du tout, ou faire semblant d’être un.e autre que soi. – Christophe André
Les bénéfices personnels de ces exercices
On s’aperçoit qu’on est bien plus mal à l’aise avant de le faire qu’après.
En fait, l’idée d’être ridicule ou déplacé est bien plus intense et pénible que le fait de l’être réellement.
A toujours fuir, on ne peut jamais réaliser que l’on ne fuit que des fantômes de rejet social. – Christophe André
On réalise que les autres personnes prêtent bien peu attention à nous.
On a tendance à surévaluer (en faisant des suppositions souvent irrationnelles) les jugements négatifs des autres.
Plus on prolonge et on répète les exercices, plus la honte diminue.
C’est une sensation agréable de ne plus sentir le poids de la honte et le souci des convenances sociales.
La solitude et l’isolement sont les vitamines de la honte.
On a souvent honte de parler ce qui nous fait honte, dans une sorte de cercle vicieux (comme c’est souvent le cas dans les situations de harcèlement ou de violences conjugales par exemple, sans parler des viols…) Le fait de chercher du soutien et d’intervenir “à chaud” peut être décisif (demander des explications à la personne qui nous met dans une situation de honte, mettre en récit le problème auprès d’un soutien bienveillant et empathique, faire part de ses émotions et besoins à des témoins pour éviter les non dits…)
Rompre la solitude permet de “nettoyer soigneusement les plaies de la honte”. Dans le cas de viols par exemple, porter plainte va permettre de faire changer la honte de camp.
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Source : Imparfaits, libres et heureux : Pratiques de l’estime de soi de Christophe André (Odile Jacob Poche). Disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.
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