[Éducation positive] Les faux choix donnés aux enfants : bientraitance ou manifestation de la domination adulte ?

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Crédit illustration : freepik.com

 

Dans son livre Éduquer sans entraver : un outil à l’usage des professionnels de l’enfance et de l’adolescence, Célia Carpaye (éducatrice spécialisée) questionne les notions d’éducation positive et de discipline positive en lien avec les droits des enfants. Elle regrette que l’enfance reste un domaine instrumentalisé dans lequel les enfants sont considérés comme un espèce à part du monde des adultes. Cette hiérarchie (les adultes décident ce qui est bon pour les enfants qui sont supposés obéir) rend possibles des abus évidents (maltraitance) mais aussi moins évidents. Parmi ces abus moins évidents, Célia Carpaye souligne le fait que les enfants deviennent objets de méthodes éducatives “validées par les (neuro)sciences” sans considération pour le contexte et la variété humaine. A partir du moment où les enfants sont objets de méthodes prescrites par les sciences, l’industrie fabrique et commercialise lesdites méthodes (ex : livres sur la parentalité positive, matériel Montessori…). Les parents (et autres éducateurs) deviennent alors des exécutants qui appliquent des recettes éducatives prônant l’efficacité, cette efficacité étant souvent confondue avec l’obéissance (sous couverture de discipline douce et non violente).

Nous proposons d’ouvrir une parenthèse sur ce qu’on nomme aujourd’hui “la discipline positive” et qui rencontre beaucoup de succès, à la fois chez les parents et chez les éducateurs, voyant sans doute dans ces nouvelles méthodes l’occasion de développer des rapports plus harmonieux avec les enfants. Cette évolution est certes à saluer, en ce sens où elle vient d’une manière ou d’une autre autre réinterroger la place de l’enfant dans notre société, mais lorsque le respect de ce dernier se justifie de science ou de mode, n’est-ce pas là une simple reproduction de notre soumission à une nouvelle forme d’autorité ? – Célia Carpaye

Célia Carpaye prend l’exemple d’un conseil couramment donné dans les livres d’éducation positive : celui des choix (ou faux choix comme souligné dans cet article). Quand un enfant ne veut pas s’habiller, l’adulte peut lui proposer le choix entre deux vêtements afin de lui donner l’impression d’un certain pouvoir, d’une certaine autonomie… et ainsi détourner son attention de la crise à venir. Le problème avec cette technique vient du fait que le choix n’en est pas un : le choix est fermé donc l’enfant n’a qu’une illusion de pouvoir personnel, le parent reste unique décisionnaire et l’idée est en réalité de contourner la manifestation de frustration de l’enfant (éviter ses larmes, ses cris plutôt que les accueillir comme un processus sain de réparation et de guérison face à la frustration).

Célia Carpaye nous invite donc à voir ce qui est caché derrière les techniques de communication de la discipline positive :

  • l’adulte est-il prêt à entendre les oppositions et manifestations d’autonomie de l’enfant ?
  • cette méthode des faux choix serait-elle employée avec un adulte dans le cadre d’une relation d’égale dignité où chacun respecte l’intégrité de l’autre ?

L’emploi de ce type de méthode de communication traduit en réalité un rapport inégalitaire en termes de droits et de pouvoir… qui se traduit souvent en inégalité de respect.

De là à la manipulation, il n’y a qu’un pas que l’épuisement ou l’impuissance peut nous faire franchir sans mal, du fait même qu’il y ait un rapport inégalitaire que suppose l’interaction adulte-enfant. – Célia Carpaye

Le piège des techniques de communication positive non accompagnée d’une pensée sur la domination adulte et sur nos intentions est de soumettre l’enfant sans donner l’impression de violence mais en utilisant malgré tout la possibilité d’imposer notre volonté sans considération pour celle de l’enfant (héritée du statut même d’adulte).

Il ne s’agit pas ici de s’opposer drastiquement aux influences de l’éducation positive mais d’attirer l’attention sur la tentation de se laisser aveugler par une culture de résultats en oubliant d’interroger la domination qu’exercent les adultes sur les enfants.

Il conviendrait d’envisager les outils à notre disposition comme des moyens véritables de déconstruire tous les rapports de pouvoir par une alliance adulte-enfant qui accepterait le déséquilibre, l’aberration, l’anormal, l’a-normé et qui soit un éloge de l’inconfort éducatif.  – Célia Carpaye

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Éduquer sans entraver : un outil à l’usage des professionnels de l’enfance et de l’adolescence de Célia Carpaye (éditions ESF éditeur). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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