Quand un enfant ne mange pas comme NOUS voudrions qu’il mange (petit mangeur ou gros mangeur)

enfant ne mange pas

Dans son livre Ton poids, on s’en balance !, Catherine Sénécal rappelle que notre rôle en tant que parents est de ne pas interférer avec les signaux naturels de faim des enfants.

Quand un enfant est un petit mangeur

Motiver un enfant à finir son assiette en lui disant qu’il deviendra plus fort ou grand revient à l’inciter à manger pour une autre raison que pour le simple fait de répondre à sa faim. Un adulte ne sait pas à la place d’un enfant si ce dernier a encore faim ou pas.

Suivant la théorie du poids naturel, un enfant plus petit que la moyenne suivra sa courbe de croissance même si on le force à manger davantage. Il est même probable que cet enfant, si on le laisse écouter ses signaux de faim, mangera moins que la moyenne donc très peu selon notre perception de parent.

Cela peut être difficile de lâcher prise et de faire confiance aux signaux naturels des enfants parce que d’une part, c’est la peur (somme toute louable) de la maladie qui nous pousse à vouloir faire manger les petits mangeurs et d’autre part, nous avons été nous aussi habitués dans notre enfance à manger de manière décorrélée de nos signaux de faim et de nos goûts personnels (nous avons presque tous entendu dans notre enfance des phrases du type “Finis ton assiette ou tu seras privé de…”, “Tu restes à table tant que tu n’as pas fini ton assiette”).

De plus, forcer son enfant à manger est un moyen de le conditionner à détester le moment des repas et, par ricochet, à entretenir une relation amour-haine avec la nourriture. L’anxiété générée par cette dynamique peur couper son sentiment de faim et nuire à la relation parent/ enfant.

Toutefois, certains enfants ont des problèmes d’oralité et des troubles alimentaires (notamment en lien avec l’autisme). En cas de doute, les pédiatres et médecins généralistes pourront aiguiller vers des professionnels capables de poser des diagnostics.

Quand un enfant est un gros mangeur

De même manière, si on limite un enfant quand il demande de continuer à manger (que ce soit un aliment-plaisir ou un aliment de tous les jours), on lui envoie le message selon lequel ses signaux corporels de base ne sont pas fiables.

Il est normal qu’un enfant ou un adolescent mange des quantités impressionnantes par moment (en lien avec ses pics de croissance). Une approche utile peut être d’inviter les enfants et adolescents à écouter leurs signaux de satiété en leur demandant : “Ton ventre te dit quoi ?”.

Quand un enfant ou un adolescent dit qu’il a faim entre les repas, il a le droit de satisfaire son besoin afin de répondre à ce signal du corps. Nous pourrons ensuite nous assurer que les repas et les collations servis précédemment étaient suffisamment nutritifs (et que cette faim est une “vraie” faim et non pas un substitut à l’ennui ou à un manque de relation chaleureuses et nourrissantes d’un point de vue affectif).

Éviter de faire du rationnement sur les aliments considérés comme mauvais

Les interdits alimentaires déclenchent des obsessions

Catherine Sénécal raconte une anecdote pour illustrer l’effet vicieux lié au rationnement/ à l’interdiction de certains aliments (type bonbons). Un parent avait permis à son fils de manger un seul bonbon d’Halloween chaque vendredi soir, expliquant que cela serait mieux pour sa santé puisqu’il n’était pas capable d’arrêter d’en manger par lui-même. Or cet enfant, invité chez un ami, a mangé des bonbons jusqu’à s’en rendre malade. Les parents ont alors pris cet événement comme une confirmation de leur croyance : leur enfant est bel et bien incontrôlable face aux bonbons.

Pourtant, Catherine Sénécal nous invite à raisonner à l’inverse : les interdits alimentaires déclenchent des obsessions qui mènent aux compulsions alimentaires (le fait de perdre le contrôle devant certains aliments).

Une alternative aurait donc été possible en laissant l’enfant gérer sa consommation d’aliments-plaisir en fonction de ses signaux de base. Au départ, l’enfant va peut-être manger plus d’aliments-plaisir que ses signaux corporels ne lui indiquent, probablement jusqu’à se sentir inconfortable. Il est alors possible de l’accompagner en lui demandant comment son corps se sent afin de l’encourager à porter attention aux signaux de satiété.

Une fois qu’il aura intégré que l’aliment n’est plus interdit ou limité et qu’il sera de nouveau disponible à un autre moment, l’enfant sera en mesure de ralentir la cadence. Combien de biscuits mangeriez-vous si je vous disais qu’à partir de demain, vous n’y aurez plus jamais droit ? Probablement toute la boîte. En comparaison, combien de biscuits mangeriez-vous si vous saviez qu’il y en aura d’autres demain si vous en avez envie ? Probablement une portion normale car il est inutile de se rendre inconfortable physiquement si l’on sait que le goût sera meilleur en laissant la faim venir de nouveau ! – Catherine Sénécal

Même si l’enfant mange tout d’un coup, il risque d’avoir tellement mal au ventre qu’il en aura probablement appris quelque chose (ça fait mal au ventre de manger au-delà des signes de satiété) et, quoi qu’il en soit, quand il n’y a plus de bonbons, il n’y en plus ! Il est possible d’accueillir avec empathie la déception de l’enfant : “C’est vrai, c’est tellement bon que tu aurais aimé en avoir encore plus ! Tu aurais aimé pouvoir manger une montagne de bonbons/ plonger dans une piscine de bonbons !”. Par ailleurs, il est inutile de faire une leçon de morale à l’enfant (“Bien fait pour toi !”, “Je te l’avais bien dit !”) qui a mal au ventre parce qu’il a mangé trop de bonbons (il aura probablement compris la relation de cause à effet tout seul).

Quand l’enfant réclame toujours plus, d’autres raisons à explorer

Si l’enfant réclame toujours plus de bonbons ou d’aliments sucrés/ gras, d’autres raisons à explorer peuvent peut-être l’expliquer :

  • les adultes de son entourage donnent l’exemple (pas forcément avec de la nourriture mais avec de l’alcool ou des chewing-gums pour décompresser)
  • les publicités omniprésentes l’influencent (temps passé devant la télé ? petits objets à collectionner dans les paquets de gâteaux  pour “fidéliser” ? influenceurs sur les réseaux sociaux payés par des marques ?)
  • une dépendance au sucre s’est installée
  • système de mimétisme avec les copains (le besoin d’appartenance au groupe et la peur du rejet sont alors à accueillir car très importantes pour l’enfant/ ado)
  • la nourriture vient compenser des besoins non satisfaits par ailleurs (besoin d’attention ? besoin de contact ? besoin d’amour inconditionnel ?…)
  • un dérèglement hormonal/ thyroïdien (tout n’est pas toujours émotionnel)

La nourriture ne devrait jamais être une récompense ni une punition

Les punitions et les récompenses sont irrespectueuses de la dignité des enfants et l’éducation non violente passe par une suppression complète du système punition/ récompense, et donc, par conséquence, de l’utilisation de la nourriture pour régler des problèmes de discipline.

Quand un enfant a un comportement inapproprié, le priver de dessert ou de goûter n’est pas une option envisageable. De même, récompenser un enfant qui a “bien” agi par de la nourriture a tous les désavantages des récompenses mais aussi celui d’ancrer la relation nourriture-mérite.

La nourriture ne devrait pas être quelque chose qui se mérite mais simplement quelque chose qui fait partie de la vie. – Catherine Sénécal

 

NB : je sais que certains programmes comportementaux (type ABBA) pour les enfants autistes utilisent les “renforcements” alimentaires. Je ne suis absolument pas compétente pour me prononcer sur l’autisme et je m’adresse donc à la population générale en dehors des particularités liées à l’autisme.

Si les problèmes persistent (avec une incidence sur le poids de l’enfant notamment), il est recommandé de consulter un pédiatre. Les intolérances, les allergies ainsi que les troubles alimentaires existent bel et bien. En cas de doute (peu de prise de poids ou baisse du poids, très faible nombre d’aliments tolérés, problèmes de sommeil…), vous pouvez en parler avec votre médecin ou votre pédiatre qui vous orientera vers des examens complémentaires s’il le juge nécessaire (exemples : allergologues; psychiatres, neurologues ou neuropsychologues; orthophonistes).

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Source : Ton poids, on s’en balance ! de Catherine Sénécal (Les Editions de l’Homme). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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