NON : quand un enfant refuse de faire quelque chose

enfant refuse de faire quelque chose

Dans son livre À moi ! Lorsque l’ego paraît : pour une égologie pratique, Valérie Vayer insiste sur l’importance de respecter d’abord le refus d’un enfant pour comprendre ce qui se passe : que signifie ce refus pour lui ? peut-être n’a-t-il simplement pas envie ou que ce n’est pas le bon moment pour lui ? que ses goûts ont changé ? que la situation réactive un mauvais souvenir ou une peur ?

Le refus de faire quelque chose : quels facteurs ?

La fatigue

Le moment de la journée va influencer le niveau de coopération de l’enfant. Ainsi, la fatigue, surtout en fin de journée, n’incite pas à la coopération, d’autant plus si l’enfant a été séparé toute la journée de ses parents.

Valérie Vayer parle des séparations quotidiennes comme d’un “lourd handicap pour de bons moments une fois ensemble”. En effet, le temps agréable passé ensemble n’a pas assez de place pour pouvoir exister. Il faut d’abord se retrouver, se réapprivoiser, remplir des réservoirs affectifs vidés, le tout dans l’urgence et les nombreuses contraintes des soirées (faire les devoirs, faire à manger, prendre le bain, coucher les enfants tôt parce qu’on recommence demain une nouvelle journée où les rythmes biologiques et les besoins affectifs sont bafoués).

Les enfants sont épuisés par le temps passé en collectivité. La plupart des enfants sont sous tensions parce que traversés par des besoins contradictoires : être tranquille et être en lien.

Valérie Vayer remarque que, pour beaucoup d’enfants, le fait de déborder d’énergie en fin de journée est un signe d’extrême fatigue ou d’angoisse, éventuellement chronique. Ces enfants tiennent le coup à l’excitation, “sur les nerfs” et cela ne peut que finir en tempêtes émotionnelles (disproportionnées, incompréhensibles du point de vue des adultes). Mais, rappelons-le, la volonté des enfants en proie à ce type de crise n’est pas en jeu et il ne s’agit jamais de caprice.

Avez-vous un rythme de vie qui permette une souplesse où l’on prend le temps de faire les choses au moment où c’est simple et non dans la précipitation ou l’inertie ? Je suppose que la réponse est très majoritairement non, car la course au quotidien est un handicap majeur. – Valérie Vayer

La séparation

Le refus de faire quelque chose peut être le signe d’un besoin affectif profond. Certains enfants associent (à juste titre) s’habiller avec une séparation. Souvent, s’habiller signifie aller quelque part sans maman ou sans papa donc il n’est pas anormal que l’habillage soit source de tension et de conflits.

Un enfant qui refuse de s’habiller seul ou de manger seul a peut-être juste besoin de contact et de lien. Un enfant qui estime que son parent n’est pas assez disponible pour être “avec lui” va chercher un moyen de maintenir le contact : faire en sorte que le parent fasse “pour lui“.

Ce mécanisme ne relève pas de la manipulation mais de la satisfaction d’un besoin vital et indispensable au bon développement humain. Cela peut passer par de la lenteur, de la maladresse ou un manque de coopération. Nous pouvons penser que l’enfant le fait exprès parce qu’il devrait savoir que le soir, on se couche tôt ou que le matin, on est pressé. Comme ça va plus vite de le faire nous-même, le besoin de lien et de contact physique est nourri chez l’enfant (bien que d’une manière non satisfaisante puisque nous agissons ainsi par contrainte et dans l’urgence, pas dans le plaisir du lien et du soin).

Valérie Vayer estime que le signe du besoin de connexion est que l’enfant n’acceptera pas que quelqu’un d’autre, qui se propose et qu’il connaît bien, le fasse à la place de sa mère ou de son père. Qui n’a jamais entendu un enfant dire : “non, c’est maman !” ou “non, c’est papa !”. C’est rigolo parce que ce passage du livre m’a fait penser à une scène dont je me souviens très bien alors que je devais avoir 7/8 ans. Mon père était régulièrement absent pour des réunions associatives les soirs de semaine (il avait beaucoup d’engagement associatif et, à la réflexion, je me demande si ce n’était pas des conduites d’évitement de la vie conjugale mais c’est un autre sujet !). Un soir qu’il était absent, je me suis coupée et ma mère a voulu me soigner mais je me souviens très distinctement avoir hurlé “non, c’est papa !” jusqu’à ce qu’elle n’ait d’autre choix que de l’appeler. Je pense que c’était une manière pour moi de l’obliger à revenir pour être justement en lien, comme pour dire sans les mots “tu passes trop de temps à t’occuper des autres, occupe-toi de moi !”.

Valérie Vayer remarque que de nombreux petits multiplient ce type de demande lorsqu’un bébé arrive : ils renoncent aux bras qui sont déjà pris mais veulent qu’on fasse pour eux. Elle écrit : “c’est pour le moins maladroit, même si l’on est épuisé, de leur renvoyer un “débrouille-toi” sans y voir la marque de l’abandon dont eux ne sont pas responsables”.

Tout est ainsi : ils ont de très bonnes raisons, même si nous les ignorons. Les balayer de notre insensibilité d’adulte, c’est grave. La paix dans le mode sera impossible si nous entretenons notre pire ennemi à l’intérieur de notre cerveau : le désamour. Chaque parent en est responsable pour son enfant. – Valérie Vayer

Des peurs

En cas de refus persistant, il peut être nécessaire d’enquêter. Par exemple, un enfant qui, soudainement, ne veut plus aller dans un endroit dont il n’avait pas peur auparavant (ex : les toilettes ou l’école) a peut-être connu un évènement qui a déclenché cette peur (ex : un film, un documentaire, un livre, un conflit avec les camarades ou un problème avec l’enseignant). Il est fréquent que des petits développent des peurs après vu un film ou lu un livre qui a heurté leur sensibilité. L‘écoute empathique est une clé pour accompagner ces enfants (qui n’ont pas besoin d’entendre que ce n’est rien, que ce n’est pas grave mais qui ont besoin de voir leurs émotions et leurs besoins reconnus, validés).

De même, certains enfants peuvent ne plus vouloir aller chez untel ou à tel endroit parce que la dernière fois, il s’y est passé un événement douloureux. L’enfant n’en avait pas parlé sur le moment pour une raison ou une autre. Mais cela ressurgit dans la mémoire an moment où il y repense, à savoir le pire moment pour nous : le départ ! Les enfants ne font pas cela pour nous embêter, pour faire du cinéma, par caprice ou manipulation : c’est la mémoire qui fonctionne ainsi. Valérie Vayer regrette que nous vivions dans des “sociétés séparatistes” et que nous soyons très peu conscients de l‘importance du lien affectif et du contact physique chez les humains en général et chez les enfants en particulier. Dans une transition (le départ), le refus de revivre la situation douloureuse surgit d’autant plus brutalement que le souvenir a été violemment contenu.

Parfois, les raisons sont plus triviales : certains enfants n’aiment pas les habits que les adultes ont choisis pour eux. Vivre avec le moins d’épaisseur possible, vivre sans étiquette qui gratte ou chaussettes qui serrent, c’est mieux ! De même, pouvoir choisir ses vêtements et assouvir son besoin d’autonomie, c’est important pour les jeunes enfants.

Pour aller plus loin : 10 pistes pour accompagner les peurs des enfants

De notre difficulté à accueillir les émotions de détresse et les refus de nos enfants

C’est difficile pour nous d’accueillir les émotions des enfants car nous avons intériorisé le “modèle séparatiste” qui interdit l’affirmation des émotions enfantines (y compris la détresse en cas de séparation d’avec les parents).

Nous allons alors avoir tendance à réprimer les émotions de nos propres enfants parce que, d’une part, nous ne savons pas faire autrement et, d’autre part, nous avons peur de ne pas être de bons parents si nous laissons tout passer aux enfants (peur du jugement social et peur de l’intégration future de l’enfant dans la société). De plus, les émotions de nos enfants viennent réveiller nos propres douleurs d’enfant réprimées car c’est douloureux de ne pas avoir eu cette liberté d’expression émotionnelle.

Ralentir pour faire ensemble avec un petit, cela demande bien plus de temps dans les premières années, mais quelle importance ? Ce temps avec nos enfants est bon, pour tous, il est fait pour ça : les modes de vie séparatistes nous le volent, le volent à nos enfants. Quand arrêterons-nous de considérer une vie majoritairement séparée dès le plus jeune âge comme légitime, voire comme un “dû” sans nous rendre compte que nous ne faisons que récupérer au détriment de nos enfants le temps pour “moi” que nos parents ont détruit en supprimant le “temps ensemble” ? – Valérie Vayer

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Source : À moi ! Lorsque l’ego paraît : pour une égologie pratique de Valérie Vayer (éditions Le Hêtre Myriadis). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet (site de l’éditeur)

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