Extrême droite : la résistible ascension. Un livre pour comprendre l’extrême droitisation française (et la combattre)

Je vous présente un livre qui expose les dynamiques sociales, économiques et culturelles qui ont fait croître le vote en faveur de l’extrême droite. Ces dynamiques ont entraîné une partie des partis de droite traditionnels à pousser des idées d’extrême droite : c’est le phénomène d’extrême droitisation. Ces idées se traduisent par des discours racistes, sexistes, homophobes et toujours violents (la violence passant souvent des mots aux actes). Les auteurs parlent d’un “cadre néolibéral revitalisé par le racisme”. En réalité, les gouvernements (qu’ils soient de droite comme sous Sarkozy, de centre-gauche comme sous Hollande ou de centre-droit comme sous Macron) sont devenus de plus en plus autoritaires face aux contestations qu’ils ont eux-mêmes créées avec leur politique de réduction des budgets des services publics (santé, éducation , protection sociale) et de cadeaux fiscaux aux entreprises privées, entraînant une augmentation des inégalités sociales et de la pauvreté. Le RN n’est que la continuité de ces politiques autoritaires, brouillant les lignes de démarcation politique.

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Le livre est organisé autour de trois parties :

  • Conquérir le pouvoir
  • Mettre au pas la société : les combats culturels de l’extrême droite
  • Maintenir l’ordre bourgeois : des réseaux tissés en complicité avec l’oligarchie

Lien entre valeur travail, méritocratie et racisme

L’un des paradoxes du RN est qu’il se nourrit du mécontentement suscité par des politiques qu’il déclare pourtant vouloir poursuivre. Si bien qu’on retrouve dans l’électorat de l’extrême droite des classes sociales dont les intérêts sont opposés (propriétaires terriens agriculteurs, commerçants, catholiques fervents, mais aussi employés, ouvriers, athées revendiqués…) Ce paradoxe apparent se résout si l’on prend en compte le paradigme idéologique : la valeur travail avant tout (recevoir les bénéfices de ses efforts et de son travail, que ce travail soit salarié ou non) et la lutte contre l’assistanat. Cette lutte contre les assistés se traduit par du racisme car les étrangers et assimilés par couleur de peau, qu’ils soient nés sur le sol français ou non, sont vus comme ceux profitant le plus des aides sociales alors même qu’ils ne contribueraient pas. Cela explique en partie pourquoi certaines personnes issues de l’immigration vote pour le RN : elles sont motivées par la valeur travail et l’idée de méritocratie (chacun étant récompensé selon ses efforts, les personnes racisées jouant le jeu de la méritocratie serait à l’abri du racisme… mais c’est une illusion et cette idée illustre le problème intrinsèque de la notion de méritocratie).

Ainsi, certaines parties des classes populaires en emploi préfèrent une baisse des impôts à une hausse des salaires parce que moins d’impôts = moins d’aide pour les assistés (sous-entendus, pour les “cassos” et les étrangers). Tout en ayant le sentiment de travailler et de donner beaucoup (impôts et charges), ces personnes ont l’impression de ne rien recevoir, ou de moins recevoir que d’autres qui travaillent moins ou pas du tout (c’est la rengaine : “En France, on gagne plus en restant à la maison qu’en travaillant.”) Un problème de ce raisonnement est que les ressources de l’État sont vues comme vouées à se réduire (comme si on ne pouvait pas lever plus d’impôt en réduisant l’évasion fiscale par exemple). L’autres problème est celui de l’essentialisation des étrangers (ou des français mais “pas de souche”) qui, par nature, seraient des profiteurs, des fainéants, des voleurs, des parasites (point culminant de la déshumanisation). Félicien Faury, sociologue, parle de “racialisation de l’assistanat” qui attise le sentiment d’injustice du système redistributif et qui oriente les plaintes vers le bas, et non vers le haut (c’est-à-dire les fraudeurs fiscaux des classes supérieures).

Pourtant, le RN a un projet “purement défensif ” (expression de Stefano Palombarini, économiste). Le parti ne promet pas d’avancée sociale, mais s’engage à “faire retomber les coûts des réformes sur la fraction racisée, ou issue de l’immigration post-coloniale, des classes populaires.”

Le RN, un parti représentatif de l’hétérogénéité de la population française

Pour autant, il est faux de dire qu’il y a un vote unilatéral des catégories populaires et précaires en faveur de l’extrême droite. Le RN est devenu le parti interclasse le plus représentatif de l’hétérogénéité de la population française. Par exemple, écrit Yann LeLann, le fait d’avoir des aïeux membres d’organisations de la classe ouvrière (CGT et parti communiste) reste le premier facteur de protection contre le vote FN/ RN. Yann LeLann, maître de conférences en sociologie, explique que l’augmentation du vote d’extrême droite dans le Nord et à l’Est est un trompe l’oeil : “ce sont d’abord les nouveaux arrivants liés à des cultures politiques du centre ou de la droite et travaillant dans des activités nouvelles qui organisent la mutation politique.” Par ailleurs, le comportement politique majoritaire des ouvriers reste l’abstention. 

Les électeurs ouvriers et employés de l’extrême droite se concentrent sur les “franges stabilisées des classes populaires” (Yann LeMann). Ce sont les personnes qui ont peu (ou pas) de diplômes, mais qui ont réussi à accéder à un CDI ou bien à se mettre à leur compte, ce qui leur a permis d’accéder à la propriété de leur logement principal et de vivre correctement (vacances une fois par an, petits plaisirs comme le cinéma ou le restaurant). Ces “franges stabilisées des classes populaires” restent toutefois fragiles du fait d’un marché du travail en tension et des politique de destruction sociale (menace de chômage, revenu qui ne suit pas l’inflation, délitements des services publics, pression scolaire sur les enfants par peur du déclassement social).

Dans une période où des hausses de salaires substantielles semblent hors de portée et des conquêtes sociales inatteignables, une partie des couches populaires développe une forme de dignité sociale fondée sur la distinction vis-à-vis des migrants comme des chômeurs. – Yann LeMann

Le RN est un parti lié à la violence.

Le livre explore les liens entre les cadres du RN et des militants violents, parfois condamnés par la justice pour coups et violence ou pour révisionnisme. Il met également en lumière leurs idées réactionnaires en termes de droit des femmes, des minorités sexuelles (LGBT) ou des musulmans. Le livre expose au grand jour les liens du RN avec les membres de la grande bourgeoisie autant économique (grands patrons comme Pierre-Édouard Sterin ou Vincent Bolloré) que culturelle (grands médias comme BFM, Cnews ou Le Point, intellectuels comme Renaud Camus ou Michel Houellebecq). Sans parler de positions anti-écologistes : le RN parle d’une “écologie de bon sens” (pour mieux stigmatiser l’écologie dite punitive). Or cette notion de bon sens est incompatible avec le consensus scientifique : c’est simplement un voile posé sur un discours climatosceptique, voire climatonégationniste. 

Ne nous y trompons pas : si nous sommes engagés pour la bientraitance éducative et la protection des vulnérables (dont les enfants, mais aussi les femmes, les personnes en situation de handicap ou les personnes racisées, ainsi que le vivant au sens large), alors nous soutenons un projet politique de gauche, incompatibles avec les valeurs de l’extrême droite (LR et Macron compris) et leur traduction politique et économique (voir l’exemple des maternités). Refusons l’imposture sociale, refusons la violence austéritaire et la violence raciste.

Si les leaders médiatiques, entrepreneuriaux et politiques agissent par intérêt de leur classe bien compris (celui des bourgeois qui visent l’accumulation financière illimitée), nous pouvons également agir par intérêt de notre classe et de nos valeurs bien compris : parler, écrire, militer, voter pour combattre le processus d’extrême droitisation.

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Extrême droite : la résistible ascension, Institut Boétie, coordonné par Ugo Palheta (éditions Amsterdam) est disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.

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