4,1, le scandale des accouchements en France : un livre pour comprendre et agir

Je vous propose de découvrir le livre 4,1, le scandale des accouchements en France d’Anthony Cortes et Sebastien Leurquin (éditions Buchet Chastel). Il s’agit d’une enquête journalistique sur la hausse du taux de mortalité en France ces dernières années.

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Présentation de l’éditeur

4,1 décès pour 1 000 naissances : c’est le taux de mortalité infantile dans notre pays. Un chiffre en constante augmentation depuis 2020. Méconnu, ce chiffre classe la France tout en bas de l’échelle européenne. Pire, nous faisons face à un paradoxe troublant : alors que notre natalité baisse, notre mortalité infantile augmente !

Les points forts de ce livre sur le scandale des accouchements 

Le domaine de la natalité et de la périnatalité est abandonné.

Dans un contexte où le président de la République parle de “réarmement démographique” (comme si les femmes étaient des utérus sur pattes), quelle ironie (et quel scandale) de lire à quel point le domaine de la natalité et de la périnatalité est plus qu’abandonné : il est détruit. Dans le livre 4,1, le scandale des accouchements en France (éditions Buchet Chastel), on comprend à quel point les logiques financières ont été prépondérantes. Les auteurs, Anthony Cortes et Sebastien Leurquin, abordent à la fois le sujet de la prévention (PMI, suivi de grossesse et post partum) et de la prise en charge de l’accouchement (dans les hôpitaux et les cliniques).

Ce livre est facile à lire par le grand public, avec beaucoup de témoignage de médecins, de politiques, de sages-femmes et, évidemment, de parents. Il est très représentatif du délitement des services publics en général, du pantouflage des politiques et de la désertification médicale en France. Le pantouflage, c’est par exemple retrouver Richard Ferrand, ancien ministre de la Cohésion des territoires, à la tête du conseil de surveillance d’Elsan, groupe de cliniques privées. On y apprend que les fermetures de cliniques privées pas assez rentables du point de vue des actionnaires posent des question de santé publique : ce type de fermeture vient submerger les établissements publics voisins (pourtant déjà qualifiés d’usine à bébés) et fait courir de gros risques sur la santé des mères et des bébés. Par ailleurs, la distance n’a cessé de croître entre les maternités et les femmes. Cortes et Leurquin rappellent qu’en France, elles sont désormais plus de 900 000 en âge de procréer à vivre à plus d’une demi-heure d’une maternité. Et la part de celles résidant à plus de 45 minutes a augmenté de 40 % depuis 2000.

Pour les sages-femmes, plus la distance entre parturientes et maternités s’accroît, plus les difficultés seront nombreuses à leur arrivée. Il y aura une situation médicale plus délicate à affronter. Il y aura aussi le stress décuplé de ces femmes à gérer. Ces yeux qui chercheront des réponses que les sages-femmes n’auront pas le temps de donner, et le réconfort et l’assistance que les ressources de l’établissement ne peuvent offrir. Autant de facteurs en cascade capables de provoquer le pire. – Anthony Cortes et Sebastien Leurquin

Une question de gros sous

La question de l’intérim médical est également abordé. Non seulement l’intérim médical entraîne des problèmes lié à un manque de continuité des soins, mais également une surenchère des rémunérations (grévant d’autant plus les budgets des hôpitaux déjà sous pression financière).

Dans une maternité, le pédiatre et le gynécologue arrivaient à se faire 500 000 euros par an chacun ! Dans le même temps, ce que je voyais de plus en plus, c’était des praticiens hospitaliers qui quittaient l’hôpital pour faire de l’intérim. Ils négociaient ardemment avec les établissements jusqu’à la veille au soir de la garde concernée. Ils menaçaient : “C’est tel prix ou je ne viens pas.“ – François Braun, médecin et ancien Ministre de la Santé et de l’Accès aux soins de France

On peut faire le lien avec le maillage territorial de santé et la libre installation à laquelle les médecins sont très attachés.

Les médecins doivent comprendre que le niveau de tolérance de la société à l’égard de ces pratiques, qui mettent en danger le fonctionnement des établissements et causent bien des dangers, va rapidement baisser. Si les pouvoirs publics essaient de respecter certaines marges de liberté pour les professionnels, cela ne sera peut-être plus entendable au fur et à mesure que les tensions autour de l’accès aux soins vont apparaître comme définitives. – Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention en France

Des vies impactées et déchirées

Les sages-femmes racontent à quel point elles vivent dans le stress et que l’insécurité liée à la surcharge de travail a transformé leur quotidien professionnel en enfer. L’une d’elle témoigne : la priorité n’est plus de donner la vie, mais d’éviter la mort. Une sage femme sur deux songerait à quitter le métier, épuisée par le manque de moyens des maternités.

Le dernier chapitre sur les parents endeuillés est à la fois d’une grande tristesse et d’une grande force.

« Perdre un enfant de cette façon, c’est un véritable choc traumatique, explique Anne Brousseau, psychiatre spécialisée dans le deuil périnatal. Les parents sont sidérés, choqués face à quelque chose qui les dépasse. » Pour elle, il faut absolument insister sur le caractère si particulier du deuil périnatal. – Anthony Cortes et Sebastien Leurquin

Les auteurs soulignent par ailleurs que, pour être à la hauteur de l’urgence, il ne faudra pas oublier les mères. Ils rappellent qu’elles sont aussi victimes des errances de notre système de santé. Anthony Cortes et Sebastien Leurquin citent les données de l’Inserm : 272 décès maternels ont été identifiés entre 2016 et 2018.

Dans le détail, en parcourant ce rapport de l’INSERM, nous découvrons que 26 % des décès maternels ont lieu pendant l’accouchement ou dans les sept jours qui ont suivi. Les raisons : des embolies amniotiques, des hémorragies obstétricales ou des infections à portée génitale, avec des soins apportés jugés « non optimaux » pour 66 % de ces décès. C’est-à-dire que deux tiers des morts maternelles en France sont jugées « évitables ». – Anthony Cortes et Sebastien Leurquin

Une dégradation lente et continue des services publics

Je regrette pour ma part que la question des accouchements physiologique et à domicile ne soit pas abordée (comme l’option des maisons de naissance), ainsi que celui du suivi post accouchement à domicile (notamment par des sages femmes en libéral). La question de la quasi interdiction des accouchements à domicile rejoint celle de la liberté de l’instruction en famille : les alternatives à un système de service public qui s’effondre sont rendues hors la loi, alors même que rien n’est fait pour améliorer les dits services publics (hôpitaux et éducation nationale).

Lire aussi : Accouchement physiologique et naissance respectée : 3 raisons de choisir un suivi de grossesse en maison de naissance

On comprend avec gravité pourquoi la question de l’installation forcée des médecins est si cruciale pour assurer des services de santé de qualité sur tout le territoire (et pourquoi de nombreux médecins y opposent autant de résistance : ils n’ont pas bac +12 pour finir à Mulhouse, n’est-ce pas ?)

Comment ne pas avoir envie d’hurler contre les conditions économiques et sociales qui nous sont imposées ? Comment ne pas se révolter contre l’idée selon laquelle l’État Providence coûterait trop cher ? Trop cher pour assurer la vie même ?

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