Je parle “positif” et mon enfant n’obéit pas : et si on pensait à la nature de nos demandes et à notre intention ?
Je suis en train de lire le petit ouvrage de Louise Michaud Rêver l’espace du tout-petit de demain (éditions Philippe Duval). Un passage m’a interpellée car il reprend une critique souvent entendue au sujet de la parentalité positive : il ne suffit pas de donner des consignes “positives” pour qu’un enfant se mette miraculeusement à faire ce qui lui est demandé.
Non seulement, ce n’est pas le but (il n’est pas question ici de chercher l’obéissance) mais se focaliser sur la manière de demander les choses met de côté tout le reste : l’aménagement de l’environnement, le niveau de fatigue de l’enfant, nos exigences en lien avec le développement moteur et affectif de l’enfant…
Louise Michaud prend l’exemple d’une équipe de professionnels dans une crèche qui s’évertuent à formuler des consignes positives pour faire comprendre aux enfants qu’ils ne doivent pas accéder à une pièce interdite d’accès. Pourtant, ces phrase positives et bienveillantes ne suffisent pas à décourager les jeunes enfants de vouloir accéder à cette fameuse pièce.
Raisonner autrement avant de pouvoir faire autrement
Cela s’explique par le fait que ne voir les interactions que par le prisme des “phrases à dire” est trop restreint. Ouvrir le champ de la réflexion permet de comprendre ce qui motive l’enfant et d’adapter nos réactions :
- raisonner en termes d’émotions : que ressent l’enfant ? (dans l’exemple, peut-être de la frustration et/ou de la curiosité qui pourrait lui être reflétée à travers de l’écoute empathique -> “C’est vrai que tu aimerais bien aller explorer cette pièce ? Il y a l’air d’avoir plein de choses intéressantes là-bas. C’est embêtant de devoir rester ici.”)
- raisonner en termes de besoins : qu’est-ce qui motive l’enfant à agir ainsi ? Il se peut qu’il cherche à assouvir un besoin d’exploration, de découverte, de motricité ou autre. Comment utiliser cette information sur la fonction positive de l’enfant (ex : adapter l’espace, reformuler la demande en se connectant de manière non verbale comme une main sur l’épaule ou un contact physique) ?
- raisonner en termes d’aménagement de l’environnement : et si la solution était simplement de laisser l’accès à la pièce interdite ? Si c’est la surveillance ou la sécurité qui inquiètent les adultes, il est possible de réfléchir à un aménagement différent de l’espace (retirer les éléments potentiellement dangereux par exemple). C’est le concept d'”ambiance” si chère à Maria Montessori. L’ambiance doit réduire les obstacles au minimum. Pour Maria Montessori, mettre en place une ambiance appropriée ouvre une ère nouvelle de l’éducation, celle de “l’Aide à la Vie”. En ambiance Montessori, les jouets et les objets mis à disposition des enfants sont facilement accessibles (à hauteur d’enfant et non empilés), peu nombreux, de belle qualité (matériaux naturels, couleurs douces) et correspondent aux besoins des enfants (stimulation des sens, mouvement, concentration…).
Mettons-nous à sa place, les tournures de phrases les plus douces du monde ne peuvent justifier l’idée qu’il n’a pas le droit d’aller découvrir cet espace, là-bas, à portée de regard mais pas de jambes ! – Louise Michaud
- raisonner en termes de développement de l’enfant : l’enfant peut-il comprendre ce qui est attendu de lui ? peut-il effectuer les gestes requis ? peut-il “se calmer” ou “attendre” comme le lui demandent les adultes ? Il se peut que les attentes des adultes dépassent ce que les enfants sont capables de comprendre et de faire. Ainsi, l’inhibition du geste est réellement difficile pour les enfants (comme le fait de se retenir de mettre à la bouche ou de tendre la main pour toucher qui correspondent à des besoins irrépressibles).
- raisonner en termes de nos propres limites et croyances : nous pouvons nous questionner en tant qu’adultes sur la légitimité de certaines limites imposées aux enfants. Quel degré d’autonomie sommes-nous prêts à accorder aux enfants ? Cette question nous oblige à repenser nos attitudes et attentes : une posture “confiante, encourageante et rassurante” qui témoigne à l’enfant qu’on a confiance en lui et qu’on a là en cas de besoin. Cela peut passer par le fait de passer en revue nos habitudes, nos automatismes, nos réflexes pour savoir s’ils sont justifiés ou juste un héritage non actualisé avec les dernières connaissances sur le développement des enfants, non contextualisé. Toutefois, en complément de cette attitude repensée, l’espace doit être sécurisé en trouvant un juste équilibre entre les besoins des enfants et des adultes pour rassurer les adultes et leur permettre de se détendre suffisamment pour laisser un enfant libre d’explorer.
- raisonner en termes d’enseignement de compétences : il s’agit ici de se dire qu’un enfant qui n’accède pas à une demande n’est pas “désobéissant”, “insolent” ou “manquant de discipline”. Il lui manque peut-être des compétences et il nous est possible de participer au développement de ces compétences chez l’enfant.
Ainsi, il est utile de garder en tête que les consignes positives ne sont pas des baguettes magiques et que la parentalité positive va plus loin que cela : c’est avant tout chercher la fonction positive du comportement de l’enfant qui a son propre libre arbitre et qui a le droit au respect de sa dignité et, en fonction, affirmer nos limites actualisées et contextualisées (plutôt que des limites rigides impersonnelles).