Utiliser le jeu pour accompagner les enfants agressifs

jeu pour accompagner les enfants agressifs

Une accumulation de frustrations quotidiennes, de déceptions, de stimulations excessives ou de besoins non satisfaits (alimentation, besoin de mouvements, besoin de toucher affectif, réservoir émotionnel vide…) peuvent rendre les enfants agressifs. Même en l’absence d’un événement traumatique évident, l’agressivité peut se déclarer chez des enfants qui n’ont pas eu l’occasion de se libérer de ce stress quotidien.

Il est possible d’aider les enfants faisant preuve d’agressivité à s’exprimer sans condamner les comportements vus comme agressifs de l’extérieur et sans leur faire la leçon concernant les vertus de la politesse ou de la gentillesse (quand on prêche la gentillesse aux enfants, on leur apprend à prêcher, pas à développer une estime de soi saine ni une nature empathique).

Aletha Solter, psychologue spécialiste du développement des enfants, a remarqué que les enfants entrent avec passion dans un jeu qui répond à leurs sujets de préoccupation. Au moyen du jeu, ils peuvent non seulement libérer leurs émotions de manière non violente mais également se sentir soutenus et compris et enfin trouver des solutions créatives.

L’idée n’est pas de punir l’agressivité mais de lui laisser de la place. Plusieurs types d’activités ludiques peuvent aider les enfants à libérer leur agressivité à travers une soupape non violente et un lien émotionnel fort.

Le jeu libre

Des études ont montré que les enfants agressifs tirent un grand bénéfice du jeu libre, non dirigé.

Solter propose donc de dégager du temps (ou plus de temps que d’habitude) pour laisser l’enfant jouer sans intervention d’adulte, sans règles du jeu. Ce jeu libre peut s’appuyer sur des “vrais” jouets (cubes, poupées, petites figurines, animaux et véhicules, déguisements…) mais aussi sur des éléments naturels (cailloux, bâtons de bois, feuilles, sable, eau, pommes de pin…) ou domestiques (ustensiles de cuisine, morceaux de tissus…).

En tant qu’adulte, nous pouvons jouer de manière quotidienne avec les enfants en s’assurant de leur laisser l’initiative, tout en faisant preuve d’empathie et de sollicitude. Si un enfant désire que l’adulte participe d’une façon plus active à ses jeux, mieux vaut faire  tout ce qu’il demandera, en le laissant continuer à diriger le jeu.

Les jeux symboliques avec mises en scène des situations problématiques

Les jeux symboliques sont soit à l’initiative de l’enfant, soit à l’initiative de l’adulte.

Quand un enfant se met à jouer à un jeu qui ressemble à une expérience difficile antérieure (école, relation avec les frères ou soeurs, dispute avec les parents…), il est possible de saisir cette occasion pour encourager le jeu symbolique. L’enfant pourra ainsi rejouer une dispute avec des Lego ou Playmobil ou bien une séance difficile chez le médecin sur des peluches.

Il est également possible d’inviter les enfants à jouer à un jeu symbolique via une mise en scène. Il s’agira alors de faire jouer l’enfant avec un objet ou à une activité qui symbolise un élément du traumatisme /de la situation difficile (exemples : des modèles réduits d’autos, d’ambulances, de camions de pompier ; une trousse de docteur ; une famille de nounours).

Le jeu symbolique, par le biais d’un thème lié aux événements stressants à l’origine de l’agressivité de votre enfant, peut l’aider à s’en libérer.

Il est essentiel d’observer le comportement de l’enfant. S’il se montre désireux de jouer, il est possible de poursuivre l’activité ; s’il se replie sur lui-même, si son intérêt pour le jeu décroît ou s’il montre des signes de détresse, mieux vaut interrompre ou réorienter l’activité.

Les jeux de renversement de pouvoir

Aletha Solter définit les jeux de renversement de pouvoir comme le fait, pour l’adulte, de faire semblant d’être faible, impuissant, ignorant, effrayé ou stupide.

Les jeux de renversement de pouvoir sont utiles dans le cas d’enfants agressifs parce qu’ils fournissent un exutoire sûr et sain à l’agressivité, et qu’ils permettent de libérer les tensions internes grâce au rire.

Ce type de jeu peut être décliné en plusieurs variantes. Les enfants prennent souvent l’initiative des jeux de renversement de pouvoir quand ils se sentent en colère.

En voici quelques exemples : un bataille de boules de papier (le parent fait comme si la boule de papier était une mine et tente de l’éviter, s’il est touché, il s’écroule théâtralement); une bataille d’oreillers où le parent tombe à terre chaque fois que l’enfant l’atteint; enfant et parent face à face, les mains jointes et les bras tendus, essayent de se pousser l’un contre l’autre à travers la pièce en se grognant dessus (le parent laisse l’enfant gagner de manière sûre – par exemple, en tombant sur le canapé).

Les jeux d’absurdité

Les jeux d’absurdités (exagération ludique des sentiments) fournissent une autre approche pour faire face à la colère des enfants.

Exemple : mimer les émotions en les exagérant; montrer la colère comme un animal (“montre moi ta colère comme si tu étais un lion”).

La limite est fine entre jeux d’absurdité et moquerie ressentie par les enfants. Si ces derniers ne veulent pas jouer, n’entrent pas dans le jeu, mieux vaut ne pas insister.

Les bénéfices de l’approche ludique face à la colère et l’agressivité des enfants

Le jeu comme moyen de libération émotionnelle et de reconnexion

Le jeu permet aux enfants d’exprimer leur colère, de se libérer par le défoulement et le rire des tensions accumulées en eux, et de rétablir le lien d’amour parents/ enfants (et même éducateurs/ enfants).

Quand des enfants cherchent le contact physique mais ressentent en même temps un fort sentiment de colère (lié à de l’impuissance, l’impression de ne pas être aimé, de ne pas être compris), leurs tentatives de rapprochement peuvent inclure un comportement agressif (exemples : frapper les parents, les bousculer ou leur sauter dessus). Un jeu actif de renversement de pouvoir va aider ces enfants à se libérer de leur colère avant de se sentir prêts à se connecter émotionnellement.

Aletha Solter reconnaît que certains parents peuvent se sentir mal à l’aise avec cette approche de l’agressivité des enfants. Ces adultes craignent d’encourager l’agressivité et la violence s’ils encouragent les enfants à les pousser ou jouer à des jeux de chahut.

Pourtant, à travers sa pratique de thérapeute pour enfants, Solter a compris que ce n’est pas le cas : selon elle, pousser leurs parents d’une façon ludique et en riant réduit l’agressivité des enfants.

Cependant, Aletha Solter rappelle qu’il s’avère nécessaire d’établir des règles de base pendant les jeux de chahut afin qu’aucun participant ne soit blessé ou se sente impuissant. Il est nécessaire d’interdire les coups au visage ou établir une règle visant à arrêter le jeu sur-le-champ lorsque quelqu’un crie « Stop ! » (le consentement est non négociable).

En acceptant les sentiments de colère de votre enfant, vous lui enseignerez que votre connexion avec lui est plus forte que sa colère, et que rien ne peut détruire le lien d’amour qui vous unit.- Aletha Solter

 

Les jeux de guerre ?

Au lieu d’essayer d’interdire les jeux de guerre, Aletha Solter conseille d’aider les enfants à traiter leurs émotions en orientant leur activité vers un jeu de renversement de pouvoir. Si un petit garçon pointe ses doigts vers un adulte (parent ou éducateur – crèche, école, centre de loisirs…) en disant « Bang bang, tu es mort ! »,une réponse qui crée du lien et de la libération émotionnelle consiste à faire semblant de mourir d’une manière aussi dramatique que possible.

Le but est d’encourager l’enfant à rire, et d’essayer de le faire rire le plus longtemps possible. Cette approche l’aidera à réduire son angoisse et sa tension. De plus, cette attitude lui fera savoir que les adultes n’ont pas peur de son agressivité, l’assurant ainsi qu’il y a suffisamment de place dans la relation pour toutes sortes de sentiments, même les plus effrayants.

Cette réponse ludique de votre part ne va pas encourager l’enfant à devenir agressif ou blessant vis-à-vis d’autrui : au contraire, elle va probablement atténuer ses pulsions agressives.

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Source : Développer le lien parent-enfant par le jeu de Aletha Solter (éditions Jouvence). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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