Le journal de mes inquiétudes (du parent) : un outil bienveillant pour une meilleure communication parent/ adolescent

journal inquiétudes communication parent ado

Parler de soi en tant que parent, plutôt que de parler de son adolescent et sur son adolescent

Dans son livre Petit code de la communication, Yves St-Arnaud relate une anecdote pour une meilleure communication parent/ adolescent. Une mère de famille dont le fils adolescent prenait des drogues et avec lequel le dialogue était bloqué a décidé de changer d’approche. Elle lui avait parlé à plusieurs reprises des méfaits de la drogue et des alternatives pour se sevrer. Bien que le fils soit relativement ouvert et que ces discussions ne soient pas l’objet d’escalade émotionnelle vers la violence, ce dernier faisait de vagues promesses qu’il ne tenait jamais. Parler de la drogue était devenu inutile et contre-productif car le fait d’aborder le sujet générait de l’évitement et du retrait de la part du fils. La mère a alors procédé autrement : elle a décidé de parler d’elle, plutôt que de parler de son fils et sur son fils.

Pendant plusieurs jours, elle a tenu ce qu’elle a appelé « le journal de mes inquiétudes ». Le principe est le suivant : chaque fois qu’elle se demandait ce que son fils faisait ou imaginait des scénarios catastrophiques, elle écrivait ses doutes, ses émotions et ses pensées intimes dans son journal. L’idée est de ne pas se censurer en tant que parent et de se mettre en quelque sorte à nu, en toute vulnérabilité. Après quelques semaines, la mère déposa son journal dans la chambre du fils avec un petit mot : « Si la drogue ne t’inquiète pas, je veux au moins que tu saches que ce n’est pas mon cas. Ta mère qui t’aime. » Yves St-Arnaud relate que, le lendemain, le fils semblait gêné, mais qu’il est parti pour l’école sans rien dire. Plus tard, il s’est montré plus ouvert et la mère et le fils ont réussi à se parler pour de bon, de coeur à coeur.

Le pouvoir de diriger est fragile.

Générer de l’obéissance est fragile, surtout avec les adolescents. En tant que parent, nous pouvons menacer, punir, priver de choses appréciées, sans pour autant obtenir d’un ado ce que nous estimons bon pour lui (comme le fait de passer moins de temps sur les écrans ou d’étudier). Un adolescent peut craindre les répercussions d’une désobéissance et se comporter en apparence comme exigé par ses parents, mais ce sera souvent au prix d’un climat de tension familiale ou d’un jeu de dupes (sur le principe : “quand le chat n’est pas là, les souris dansent”). Les parents peuvent obtenir de meilleurs résultats en matière d’influence s’ils s’expriment à la première personne, en toute transparence émotionnelle et avec une vulnérabilité qui n’est pas la preuve d’une autorité faible.

Plutôt que faire preuve d’ingérence et exiger une obéissance totale, les adultes peuvent dévoiler leurs intentions et leurs demandes, tout en laissant l’adolescent faire ses choix. Quand nous cherchons à influencer un adolescent, nous préciserons bien que nous parlons de nous-mêmes, que ces paroles n’ont pas valeur de vérité ou d’injonction et qu’exposer notre avis est le point de départ de la discussion, pas le point d’arrivée. L’ado peut décider de suivre nos directives, de les adapter en fonction de ses besoins et de ses préférences, ou bien de les ignorer (à court terme… et nous nous rendrons peut-être compte qu’à moyen ou long terme, notre influence portera ses fruits). Mais nous avons bel et bien le droit de donner les informations que nous considérons utiles sur ce que nous attendons ou sur les conséquences d’un comportement à risque.

Donner un avis sincère n’est pas de l’abus de pouvoir

Les enfants et adolescents ont le droit de connaître le point de vue des adultes afin d’avoir le choix de l’intégrer dans leur décision, de la manière qui leur paraît juste et appropriée pour eux-mêmes. Jesper Juul, thérapeute familial danois, parle d’”influence”, dans le sens où nous devons être libres de nous exprimer pour influencer l’autre (cela vaut autant dans les relations adultes/ enfants que adultes/ adultes) mais sans abuser de notre pouvoir en ordonnant, manipulant, faisant des reproches après coups…

Il est fondamentalement important de placer la responsabilité là où c’est sa place : celle des adultes chez les adultes et celle des jeunes chez lui ou chez elle. – Jesper Juul

Même quand l’enfant ou l’adolescent prend une décision que nous estimons “bête”, dommageable, nous pouvons toujours choisir d’assurer une “fonction d’arrière-garde”, c’est-à-dire une capacité d’écoute empathique. Jesper Juul définit la fonction d’arrière-garde comme le fait de proposer des “témoins aimants et empathiques” de la vie des enfants et adolescents : “surtout des témoins qui sont désireux de gérer leur empathie selon que l’on en ait besoin ou pas, selon qu’eux-mêmes ressentent le besoin de se rendre utiles ou pas”.

Cette sorte d’influence peut passer par des phrases comme :

  • J’aimerais beaucoup que tu changes d’attitude, et je vais te donner mes motifs.
  • La vraie raison pour laquelle je te demande cela, c’est que j’ai besoin…
  • Je te regarde faire depuis un certain temps et je me pose des questions…
  • Je me demande pourquoi… 
  • Je n’aime pas ça du tout et voici comment je me sens à ce sujet/ voici ce qui m’inquiète…
  • Je vais te parler de ce que je ressens moi quand j’y pense : … 

Il est aussi utile, si nous voulons formuler une remarque à un adolescent, de le prévenir de notre projet et de lui demander s’il est OK : « J’aurais des choses à te dire sur ta façon de faire ceci ou cela… Veux-tu les entendre ?  » 

……………….
Inspiration : Petit code de la communication de Yves St-Arnaud (Les Editions de l’Homme). Disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.

Commander Petit code de la communication sur Amazon, sur Decitre, ou sur Cultura