La colère des parents, toujours une deuxième émotion ?

colère des parents

Dans son livre Parents efficaces, Thomas Gordon explore le rôle de la colère dans la relation parents-enfants. Il explique que la colère du parent dirigée contre l’enfant conduit l’enfant à éprouver un sentiment de culpabilité et/ou de dévalorisation. Or Thomas Gordon écrit que les parents produisent eux-mêmes la colère après avoir éprouvé un premier sentiment avant que la colère ne prenne sa place. La colère n’est donc qu’une deuxième réaction.

Il donne cette exemple :

Je conduis mon auto sur la grande route : tout à coup, un autre conducteur me coupe la route en voulant me doubler et il me frôle dangereusement. Ma première réaction est la PEUR : son comportement m’a fait PEUR. En conséquence de la frousse qu’il m’a causée, quelques secondes plus tard, je klaxonne et “j’agis comme une personne en colère”; je vais même jusqu’à lui crier : “Imbécile, va donc apprendre à conduire !” […]. La raison de mon comportement colérique est de punir l’autre conducteur ou de l’amener à se sentir coupable de m’avoir fait peur, afin qu’il ne recommence plus.

Cet exemple amène à réfléchir aux notions de premier message et de deuxième message : la première émotion ressentie est la peur mais elle est vite remplacée par la colère. Il s’agit de comprendre que la colère arrive toujours en deuxième et masque la première émotion. Toute la difficulté consiste à :

  • identifier cette première émotion,
  • l’exprimer sans chercher à culpabiliser l’enfant ou à lui faire la morale.

 

Le Message-je, libérer la colère sans violence

Gordon insiste sur le fait que l’expression du sentiment premier sera toujours plus efficace avec un “message-je”.

Un message-je consiste à dire à l’enfant de quelle façon son comportement nous a affecté, sans jugement mais de manière objective. Ainsi formulée, l’enfant ne pourra pas remettre en cause l’information. Il s’agit de dire à l’enfant ce que nous ressentons à l’intérieur (“Je n’aime pas qu’on me donne des coups de pied !” au lieu de “Arrête de me taper” ou “C’est interdit de taper”, “J’ai eu peur qu’il te soit arrivé quelque chose !” au lieu de “Je t’ai dit de rentrer à l’heure” ou “Je suis en colère contre toi car tu es rentré trop tard!”). Les “messages-je” indiquent à l’enfant :

  • qu’on lui fait confiance afin de trouver un moyen de faire quelque chose à ce sujet,
  • qu’on le considère capable de respecter nos besoins.

Les messages-je sont des occasions d’être sincères avec les enfants et de leur révéler nos sentiments positifs d’affection. Passer en messages-je authentiques et exprimant la réaction première (l’inquiétude, la déception, l’embarras…) est un moyen de dire à nos enfants que nous les aimons plus que tout. Les messages-je favorisent la coopération familiale.

Thomas Gordon conseille donc de ne pas exprimer de colère envers l’enfant, même en message-je (“Je suis en colère car…”, “Je suis fâché(e)…”) :

“Comme réaction secondaire, la colère devient presque toujours un “message-tu” qui communique un jugement ou un blâme à l’enfant.[…] Chaque fois qu’on se fâche contre quelqu’un, on monte un bateau, on joue un rôle pour affecter l’autre, pour lui montrer qu’il nous a choqué; on essaie ainsi de lui faire la leçon et de le convaincre qu’il ferait mieux de ne pas recommencer.”

L’auteur en déduit que nous nous mettons nous-mêmes en colère et qu’il est inutile de chercher à en rendre responsables les enfants.

 

L’importance d’identifier nos émotions premières

Pour éviter autant que possible les messages-tu de colère, nous pourrions tenter d’identifier le sentiment premier préalable à cette colère. Cela nous permettra d’exprimer nos sentiments authentiques plutôt que de décharger des réactions de colère sur nos enfants. Cela peut passer par des questions comme :

  • Qu’est-ce qui ne va pas chez moi en ce moment précis ?
  • Quel est mon sentiment premier caché derrière la colère, l’irritation ou la frustration ?
  • Comment je me sens ? Qu’est-ce que je ressens à l’intérieur ?
  • Est-ce que j’ai peur ? Est-ce que je suis déçu(e)/ embarrassé(e)/ inquiet(e)/ nerveux(se)/ découragé(e)/ inutile/ fatigué(e)/ préoccupé(e)/… ?

favoriser coopération

Quand le message-je est inefficace : toujours possible ne pas céder à la colère !

Quand le message-je est ignoré

Un message-je plus intense pourra être exprimé pour signifier à l’enfant que cette situation nous touche vraiment, que nous sommes sérieux.

Thomas Gordon propose une réponse qui pourrait servir d’inspiration à base de messages-je et de description sans jugement :

Je t’explique ce que je ressens. C’est important pour moi et je n’aime pas qu’on m’ignore. Je déteste que tu t’éloignes de moi et que tu ne m’écoutes même pas exprimer mes sentiments. Je n’aime pas ça du tout. C’est insupportable car j’ai vraiment un problème.

 

Quand le message-je du parent entraîne un message-je de l’enfant

Parfois, les enfants ne modifieront pas leur comportement mais se défendront à grands renforts de messages-je. Ils se mettent alors à exprimer leurs propres sentiments. Par exemple, dans le cas d’une rentrée tardive après l’heure du couvre-feu, le parent peut exprimer son inquiétude par un message-je auquel l’enfant pourra répliquer qu’il trouve les contraintes trop exigeantes.

Or c’est maintenant l’enfant qui a un problème : il estime ici que les règles sont trop strictes. Le parent peut alors passer en mode “écoute active”.

Dans son livre, Thomas Gordon propose deux manières d’envisager les problème de communication entre parents et enfants :

  • le problème appartient au parent

Les besoins de l’enfant sont satisfaits, l’enfant n’a pas de problème. Mais le comportement de l’enfant pose problème au parent car ce dernier ne peut pas satisfaire ses propres besoins. Dans ce cas, le message-je permet de communiquer à l’enfant les sentiments parentaux pour l’inciter à modifier de lui-même son comportement.

  • le problème appartient à l’enfant

L’enfant a un problème car il ne peut pas satisfaire un besoin personnel (voir l’article sur les besoins fondamentaux des enfants). Le parent n’a pas de problème puisque le comportement de l’enfant ne l’empêche pas pour sa part de satisfaire ses propres besoins. Thomas Gordon conseille de montrer de la compréhension et de l’acceptation à l’enfant dans ce cas par de l’écoute active.

 

Quand l’enfant refuse de modifier sa façon d’agir même quand il a compris l’importance de ce comportement sur le parent

Il s’agit là d’un problème dans la relation : parents et enfants rencontrent tous les deux un problème. Thomas Gordon propose d’appliquer la méthode sans perdant (ou Troisième voie). Il s’agit de reconnaître qu’il existe un problème, de l’identifier et de collaborer en famille pour le résoudre.

“Nous avons vraiment un conflit ici. Nous devrions chercher une solution acceptable pour tous. Comment pourrions-nous résoudre ce problème pour que nous soyons tous les deux satisfait(e)s ?

Cette méthode sans perdant passe par 6 étapes :

1. Identifier et définir le problème

2. Énumérer les solutions possibles ensemble sans les juger ou les minimiser et toutes les noter (celles des parents et celles des enfants)

3. Évaluer les solutions énumérées : “essayons de voir quelles solutions nous conviennent”, “que pensons-nous des solutions devant nous ?”, “y a-t-il de meilleures solutions que d’autres ?”, “pensez-vous que cette solution pourrait résoudre notre problème ?”

4. Choisir la solution la plus acceptable : “Voilà, c’est ce que nous avons accepté de faire, d’accord ?”, “Tout le monde a bien compris, c’est notre entente et nous nous engageons tous à faire notre part.”

5. Établir les moyens d’appliquer la décision : “qui fera quoi et à quel moment ?”, “que nous reste-t-il à faire pour appliquer cette décision ?”, “quand commençons-nous ?”

6. Réviser et réévaluer la décision

 

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Source : Parents efficaces de Thomas Gordon (Marabout Poche). Un classique pour celles et ceux qui veulent s’engager dans l’éducation bienveillante disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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