Les 3 grands principes de la parentalité consciente (selon Aletha Solter)
Je vous propose de découvrir la parentalité consciente, une approche d’éducation respectueuse des enfants développée par Aletha Solter.
Qu’est-ce que la parentalité consciente (“aware parenting”) ?
Aletha Solter définit la parentalité consciente comme une méthode d’éducation qui permet d’élever des enfants qui ont confiance en eux, qui font preuve de compassion, qui pratiquent la non violence, et qui ne seront pas tentés par les drogues et autres artifices compensatoires.
La parentalité consciente repose sur 3 grands principes :
1. Créer des liens profonds d’attachement entre enfants et parents le plus tôt possible
2. Appliquer une discipline sans punition
3. Prévenir et guérir les traumatismes et le stress de l’enfant
La parentalité consciente d’Aletha Solter rejoint en de nombreux points d’autres spécialistes de l’éducation bienveillante (Faber et Mazlish, Thomas Gordon, Isabelle Filliozat, Jane Nelsen…) : l’empathie au cœur de l’éducation; l’écoute respectueuse; l’accueil de toutes les émotions; le refus des punitions, du chantage, des récompenses, des mises au coin; les fonctions réparatrices des pleurs et des jeux.
Ses particularités sont l’importance accordée au portage, à l’allaitement, au cododo, à l’accouchement naturel, ainsi que l’explication des enjeux des pleurs.
1.Comment créer des liens profonds d’attachement ?
L’attachement est un besoin vital.
Aletha Solter insiste sur la notion de connexion étroite entre les parents et l’enfant dès les premiers moments de la vie, et même avant la naissance si possible.
Elle privilégie les contacts physiques étroits :
un accouchement aussi naturel que possible, sans séparation entre le bébé et la maman- le portage physiologique
- l’allaitement aussi longtemps que possible
- le co-dodo (quelles qu’en soient les modalités : dans la même chambre ou le même lit que les parents, l’enfant s’endort dans sa chambre et rejoint ses parents en cours de nuit s’il se réveille ou l’enfant s’endort directement avec ses parents…).
Aletha Solter insiste sur la créativité et la flexibilité dont les parents peuvent faire preuve : à chaque famille d’inventer des manières de faire qui correspondent au mieux aux besoins de tous.
Un enfant ne sera jamais laissé seul pour pleurer, quel que soit son âge. Laisser un enfant pleurer, au delà des conséquences sur le développement de son cerveau, revient à envoyer le message que l’enfant est aimé seulement quand il sourit, qu’il n’est pas aimé inconditionnellement.
Bien que la mère ait des contacts privilégiés avec l’enfant (du fait principalement de l’allaitement), le rôle du père a une égale importance. Il ne doit pas se laisser mettre ou se mettre de lui-même de côté.
2.Comment mettre en place une discipline sans punition ?
Un changement de paradigme
Aletha Solter explique que nous avons naturellement tendance à élever nos enfants de la manière dont nous avons été nous-mêmes élevés. Cela peut être difficile d’envisager d’autres manières d’élever un enfant.
Par ailleurs, il est fréquent d’entendre qu’une éducation sans punition est une éducation laxiste, permissive. Cette vision est fausse : l’éducation consciente est une manière radicalement différente de se lier à l’enfant, d’entretenir des relations avec lui.
Il s’agit d’aller gratter sous la surface pour comprendre POURQUOI l’enfant agit ainsi : quel est son besoin non satisfait ? quel sont ses sentiments en ce moment précis ?
Parfois, les enfants ont juste faim mais ne le disent pas, ils ont besoin d’attention mais ne savent pas comment l’exprimer, ou encore ils peuvent manquer d’informations.
Une fois qu’on a compris ce qui se passe pour l’enfant, on peut trouver une solution qui n’implique pas la punition. La parentalité consciente nécessite un changement de paradigme : passer de l’approche autoritaire à une relation de respect mutuel. Pour aller plus loin sur les raisons qui peuvent expliquer des comportements inappropriés, je vous propose de lire l’article : 5 raisons qui peuvent expliquer les comportements inappropriés des enfants.
Avec des adolescents
Aletha Solter donne un exemple avec un adolescent qui désire sortir le soir. Plutôt que fixer un horaire de retour et de prévoir une sanction en cas de non respect de la règle, elle propose de demander à l’adolescent à quelle heure il pense pouvoir rentrer et de penser à prévenir en cas de retard.
Si l’adolescent rentre tard, elle lui partagera alors ses sentiments, elle lui dira qu’elle a été contrariée et inquiète de ne pas avoir été prévenue. Elle estime que si la connexion avec l’enfant est profonde, les sentiments des parents importeront beaucoup à l’enfant. Il ne voudra pas provoquer de la peur ou de la contrariété chez ses parents de par son comportement.
Les règles de vie familiales seront le fruit d’un consensus entre enfants et parents. Elle relate une habitude qui a été mise en place dans son propre foyer : il a été décidé de manière collégiale que chaque membre de la famille dont des affaires traineraient dans le salon avant de passer à table verra son assiette retournée. L’objectif était de rappeler à chacun de ranger avant de passer à table.
Aletha Solter conseille vivement aux parents d’adolescents de mettre en places des conseils de famille afin d’établir des règles de manière consensuelle. Cela ressemble fortement aux temps d’échange en famille développés par Jane Nelsen dans La discipline positive : Le temps d’échange en famille : un outil de discipline positive.
3.Comment prévenir et guérir le stress et les traumatismes ?
Les pleurs
Evacuation du stress
L’approche éducative d’Aletha Solter insiste beaucoup sur la fonction des pleurs. Selon elle, les pleurs servent toujours une cause. Les bébés qui ont connu un stress précoce (lors d’une naissance compliquée ou même pendant la grossesse) pleurent plus que les autres bébés.
Aletha Solter dit que 80% des parents maltraitants ont déclaré que les pleurs de l’enfant ont été la cause de leur éclat de colère. Les pleurs étant le plus grand déclencheur de maltraitance, la psychologue tient à en expliquer les tenants et les aboutissants.
Les pleurs ne signifient pas que le parent est un mauvais parent et tous les pleurs ne correspondent pas à un besoin physiologique immédiat (faim, besoin d’être changé, mal quelque part…).
Selon elle, les pleurs peuvent servir de mécanisme d’évacuation du stress. Ils sont alors à considérer comme l’expression d’une émotion et il est inutile de chercher à les faire taire.
La parentalité consciente repose sur l’écoute et le respect des émotions, les pleurs étant un moyen d’exprimer une émotion. Aletha Solter propose de tenir le bébé en pleurs dans les bras et de lui affirmer l’amour parental avec des paroles du type “Je sais que c’est dur, tu peux pleurer dans mes bras.” L’idée à faire passer au bébé est que les parents l’aimeront toujours, quoiqu’il fasse, quoiqu’il ressente.
Critique de cette approche
Aletha Solter est parfois l’objet de critique quant à sa manière d’aborder les pleurs des enfants : pour elle, le bébé peut pleurer pour se “décharger” d’un trop plein d’émotions ou de stress. Dans ce cas, il suffit d’accompagner bébé dans ses pleurs, sans chercher à le consoler. Mais il peut parfois être difficile de distinguer des pleurs de décharge de pleurs pour une raison inconnue (par exemple, un RGO ou une allergie). Par ailleurs, certains spécialistes affirment qu’un bébé n’évacue pas son stress (en lien avec une grossesse difficile par exemple) par les pleurs. C’est plutôt l’inverse : plus un bébé pleure, plus il va se stresser parce qu’il a justement besoin de pleurer plus pour que son besoin soit satisfait par les adultes autour de lui. Mieux vaut explorer des raisons physiologiques ou biologiques aux pleurs intenses plutôt que leur attribuer une potentielle charge affective
Pour aller plus loin : Pourquoi les bébés pleurent-ils ?
Les rires et les jeux
Aletha Solter explique les jeux et le rire entre parents et enfants est un puissant moyen de soulager le stress des enfants. Les jeux peuvent être utiles dans des situations :
- où l’enfant s’est senti impuissant (comme rejouer une scène chez le médecin dans laquelle l’enfant prend la place du médecin “puissant” et le parent celle de l’enfant “impuissant”),
- où l’enfant est en colère (les batailles de petits coussins permettent de libérer la colère et de passer de la colère au rire),
- où l’enfant vit mal une séparation avec les parents (les jeux de cache-cache permettent d’apprivoiser la peur de la séparation).
Sur ce point, Aletha Solter rejoint Lawrence Cohen, auteur de Qui veut jouer avec moi ?
J’avais écrit cet article sur les bénéfices du jeu dans la relation parents/ enfants : 4 situations que le jeu parents/ enfants peut aider à dénouer.
Quand le parent est traumatisé par sa propre enfance
Aletha Solter invite tous les parents à reconnaître leurs déclencheurs de colère dûs à leur propre enfance. Que n’avaient-ils pas le droit de faire plus jeunes ? Pour quelles raisons s’attiraient-ils les foudres de leurs propres parents ? Quelle situation a été humiliante, douloureuse ?
Il est important de reconnaître et de se rappeler les traumatismes qui nous ont affectés et pour lesquels nous avons été punis/ menacés/ humiliés car ceux-ci influencent nos manières de réagir. Aletha Solter propose un processus en 4 étapes :
- Amener à la conscience ce qui nous a marqués en tant qu’enfants
- Parler de ces traumatismes : cela peut passer par le fait de trouver quelqu’un qui nous écoute (mari ou femme/ amis/ professionnel…) ou par le fait des les écrire
- Pleurer pour extérioriser les émotions coincées
- Verbaliser les émotions associées à ces traumatismes
Ce processus ressemble beaucoup à ce que préconise Isabelle Filliozat dans son livre Je t’en veux, je t’aime.
Aletha Solter insiste sur le fait de dissocier passé et présent : ce qui est arrivé dans le passé est irréversible mais on peut toujours en guérir. Ce qui compte le plus est le moment présent qui est toujours une opportunité de progresser.