La peur et la haine : un livre qui dénonce la production politique de la haine de l’autre
La peur et la haine est une enquête réalisée par Mathieu Burgalassi, anthropologue, sur le survivalisme en France et aux États-Unis. Dans ce livre, il décrit son cheminement en tant qu’individu, mais aussi en tant qu’anthropologue qui prépare une thèse sur le thème du survivalisme. Il a écrit ce livre sous une forme romancée pour exposer les idées, les rencontres et les expériences qui peuvent mener à penser le monde comme dangereux, à étiqueter certains groupes de personnes comme sources de tous les maux et à basculer dans la violence dans un souci de se préparer et se protéger.
Mathieu Burgalassi expose en quoi la peur peut mener à des discours de suprématie raciale et à passer des discours aux actions violentes. Il y est question de mémoire traumatique suite à une agression, des conséquences sociales et individuelles de la pauvreté (en France et aux États-Unis), des liens entre la pensée No Pain No Gain et la pensée politique autoritaire, entre le masculinisme (mouvement viriliste et misogyne) et l’extrême droite, entre le racisme et la préparation à une guerre civile (à travers notamment le survivalisme et l’armement individuel).
Mathieu Burgalassi nous offre une fenêtre sur les modes de pensée des survivalistes qui peuvent basculer de la “peur à la haine” comme l’illustre le titre de son livre. Il nous explique en quoi la glorification de la douleur conduit à mépriser la souffrance et la vulnérabilité chez soi et chez les autres. Ce que les survivalistes redoutent vraiment, ce sont les autres humains qui sont vus comme des dangers : pour eux, quel que soit le problème (crise écologique, crise économique, catastrophe naturelle…), les autres seraient la première menace à gérer.
Le pari des survivalites, c’est que la nécessité transforme les gens en monstre. Il est là leur effondrement.
Mathieu Burgalassi regrette que, ce que les personnes proches de l’extrême droite refusent de voir en eux, c’est précisément ce qu’ils projettent sur les autres (et en priorité sur les membres des minorités) : la violence banale, ordinaire et meurtrière. Il explique que, si on anticipe et prépare une guerre civile, on a besoin d’identifier sur qui on va tirer, ce qui éclaire le lien entre racisme et survivalisme. Par ailleurs, Mathieu Burgalassi fait le lien entre sentiment d’insécurité, néolibéralisme et extrême droitisation de la vie politique (et civile). Il explique que le néolibéralisme vise l’abandon des politiques publiques sociales pour libérer l’économie privée de toute contrainte (quitte à utiliser les deniers publics et la réglementation pour soutenir les entreprises plutôt que les services publics).
Si on n’en avait plus rien à foutre du social et qu’on considérait qu’on ne devait plus toucher à l’économie, il restait quoi à un politicien pour faire sa petite campagne ? Comme le libéralisme, c’est de la merde en barre, il faut un sacré papier cadeau pour réussir à le vendre. C’est là qu’on sort l’insécurité. – Mathieu Burgalassi
Mathieu Burgalassi parle du “braquage du siècle” car le monde politique et médiatique a attiré l’attention sur l’insécurité pour cacher les effets des politiques néolibérales (délocalisation, pollution, privatisation et la dégradation des services publics). Malheureusement, un discours répété partout finit par avoir l’air réel et nos peurs finissent par se passer de la réalité.
C’est pas pour rien qu’avant, les discours sur l’insécurité, c’était la marque de fabrique de l’extrême droite et du fascisme. [ … ] Parce que le but n’est pas réellement de réduire les problèmes, mais de taper sur les souffre-douleurs du moment. – Mathieu Burgalassi
Le livre de Mathieu Burgalassi est illustré de nombreux exemples et chiffres qui viennent appuyer sa démonstration : il n’est ni un idéaliste, ni un philosophe, mais un anthropologue qui maîtrise son sujet, tant sur le plan pratique que théorique.
Vous êtes ici sur un blog dédié à l’éducation émotionnelle : quand on s’intéresse à la dignité humaine, à la non violence, aux rapports de domination, on ne peut pas se passer d’une pensée politique qui dénonce la production de la haine de l’autre. Le livre de Mathieu Burgalassi me semble nécessaire pour prolonger dans le champ politique les valeurs portées par l’éducation respectueuse.
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La peur et la haine : enquête chez les survivalistes de Mathieu Burgalassi (éditions Michel Lafon) est disponible en médiathèque, en librairie ou sur les sites de ecommerce.
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