Laisser les enfants pleurer ne leur apprend pas à s’endormir.
Le sommeil ne s’éduque pas et laisser les enfants pleurer pour leur apprendre à s’endormir comporte des risques.
Laisser pleurer les bébés pour qu’ils s’endorment : quels effets ?
Les troubles du sommeil existent bel et bien mais, avant de s’alarmer, il est bon de disposer d’une information fiable sur ce qui est normal à l’âge de l’enfant.
On peut avoir l’impression que les méthodes de dressage au sommeil (du type 5-10-15 qui consistent à laisser les bébés pleurer de plus en plus longtemps pour qu’ils s’habituent à s’endormir tous seuls et à l’heure décidée par les adultes) fonctionnent mieux avec les nourrissons. En réalité, plus l’enfant est jeune, plus il a peur.
Toutes ces méthodes faciliteront à la longue le coucher puis l’endormissement de l’enfant devenu docile – mais n’allez surtout pas en déduire qu’il a appris à dormir. Non : seulement à se soumettre et à s’auto droguer. – Rosa Jové (pédiatre espagnole)
Par ailleurs, notre société peine à offrir aux parents un rythme de travail qui leur permette de concilier vie familiale, sociale et professionnelle. C’est cette organisation, conjuguée à une désinformation sur les “mauvaises habitudes” que prendraient des bébés dont la dépendance semble faire peur aux adultes, qui pousse nombre de parents à se tourner vers des méthodes de dressage du sommeil où les parents sont incités à ignorer les pleurs des bébés.
Le sommeil partagé (ou cododo) n’induit pas des troubles du sommeil chez les enfants.
Le sommeil ne s’éduque pas car le sommeil est un phénomène naturel, bien que complexe et pouvant être facilement perturbé. Il est normal qu’un bébé se réveille la nuit. Tous les humains sont programmés pour se réveiller environ neuf fois par nuit (entre chaque cycle de sommeil). La seule différence entre les enfants et les adultes est que ces derniers ont appris à maîtriser la technique pour se rendormir… les premiers pas encore. Être correctement informés sur le sommeil des enfants et ses caractéristiques évitent des malentendus.
Nos modes de vie rythmés par la vie professionnelle et les horaires scolaires se caractérisent par une inadéquation entre les besoins biologiques et physiologiques des bébés d’une part et, d’autre part, les pratiques parentales valorisées socialement (caractérisées notamment par la volonté de mettre l’enfant à distance du corps de l’adulte, aussi bien le jour que la nuit, et par la recherche de l’endormissement solitaire des bébés, quitte à le laisser pleurer volontairement pour lui “apprendre” à s’endormir).
Dans son livre Le sommeil du jeune enfant : pour les parents qui ne font pas leurs nuits (de 0 à 6 ans), Héloïse Junier, docteur en psychologie, aborde les questions du bedsharing (partage du lit avec l’enfant) et du roomsharing (partie de la même chambre). Elle rappelle ainsi que corrélation n’est pas causalité : des études ont montré que les enfants occidentaux qui dorment avec leurs parents présentent plus de problèmes de sommeil que ceux qui dorment seuls dans leur chambre. On pourrait en conclure que le sommeil partagé induit des troubles du sommeil chez les enfants. Or il se trouve que les parents qui font le choix du sommeil partagé sont motivés par le fait que l’enfant présente un sommeil perturbé. Le sommeil partagé est la conséquence de difficultés déjà présentes et le sommeil partagé est la solution trouvée par les parents pour le bien-être de tous les membres de la famille.
Quand on est à bout, des solutions existent.
Oui, c’est épuisant d’accompagner un bébé ou un jeune enfant qui ne dort pas; oui, nous avons le droit de vouloir du calme et du repos; oui, les nuits sans sommeil sont une torture pour les parents; oui, nous pouvons être inquiet pour la santé de l’enfant s’il ne dort pas assez; oui, notre stress est légitime en pensant à la journée suivante avec un enfant irritable parce qu’il n’a pas assez dormi. Le problème est que les enfants qu’on laisse pleurer seuls peuvent pleurer indéfiniment… jusqu’à ce que l’amygdale (siège des émotions dans le cerveau) lâche prise. La nature a mis en place un système qui évite au corps de “disjoncter” en cas de stress intense (stress -> cortisol -> accélération du coeur -> impossibilité de fuite + pas de réconfort = risque cardiaque -> amygdale disjoncte pour éviter l’arrêt du coeur -> sécrétion d’endorphines et sérotonine -> atténuation du système d’alarme).
Certains professionnels rappellent toutefois qu’il y a une différence entre d’une part, sortir d’une pièce parce que les pleurs des bébés nous mettent sous tension au point que nous ayons envie de secouer le bébé ou frapper l’enfant et d’autre part, laisser un enfant pleurer jusqu’à ce qu’il tombe d’épuisement. Passer la main, s’éloigner, sortir quelques instants, prendre l’air, appeler quelqu’un de confiance ou un professionnel sont des stratégies d’urgence quand la fatigue combinée au stress conduisent à des envies de violence (contre soi et/ou contre l’enfant).
Pour aller plus loin : Répondre aux besoins du bébé, une priorité : et quand c’est difficile ?
L’essentiel est que les parents et les enfants trouvent leur équilibre, au sein duquel chacun se sent bien. Les données scientifiques sont descriptives et non pas prescriptives, et l’objectif est de pouvoir faire des choix éclairés (par exemple, en matière de règles de sécurité concernant le cododo pour les parents qui font ce choix).
Les trois états nécessaires pour qu’un enfant s’endorme facilement
Héloïse Junier rappelle les trois états nécessaires pour qu’un enfant s’endorme facilement :
- un niveau de mélatonine élevé (dont la sécrétion est favorisée par un éclairage tamisé et entravée par la présence d’écrans ou d’une veilleuse vive);
- un niveau de cortisol faible (qui est en lien avec les situations de stress ou de stimulation : un enfant en colère, apeuré par les menaces ou les cris, ou encore qui a connu des jeux excitants avant le coucher risque d’avoir du mal à trouver le sommeil);
- une température corporelle faible avant et pendant le sommeil.
Héloïse Junier recommande ainsi de baisser les éclairages de la maison bien avant l’heure du coucher, d’éviter les douches ou bains chauds juste avant de dormir (mieux vaut donner un bain chaud entre 2 heures et 90 min avant l’heure du coucher ou bien de donner un bain moins chaud à l’enfant dans une semi-pénombre si le bain ne peut pas être donné plus tôt) et d’aérer quotidiennement la chambre, les draps et la turbulette pour les plus jeunes. Il est recommandé de régler la température de la chambre de l’enfant entre 18 et 19 degrés et d’espacer le dîner du coucher de 2 ou 3 heures dans l’idéal et éviter les repas du soir trop riches (la digestion étant énergivore, elle fait augmenter la température corporelle).
De plus, préserver autant que possible le calme familial en soirée maintient le taux de cortisol à un niveau bas. Crier ou menacer de punir l’enfant qui ne dort pas ne peut pas l’inciter à dormir car non seulement il sera stressé mais, en outre, la réaction de colère qu’il risque d’avoir va faire monter sa température corporelle.
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Source : Le sommeil du jeune enfant : pour les parents qui ne font pas leurs nuits (de 0 à 6 ans) de Héloïse Junier (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.
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