L’auto-parentage : une technique pour agir sur les émotions disproportionnées (en lien avec un traumatisme)

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Crédit illustration : freepik.com

 

Stéphanie Hahusseau est médecin psychiatre et développe dans son livre Tristesse, peur, colère, agir sur ses émotions la notion d’autoparentage pour faire face aux émotions excessives (dans le sens où elles disproportionnées à l’événement qui en est à l’origine).

L’autoparentage est une manière de s’exposer aux émotions, et plus particulièrement aux émotions inadaptées témoignant d’une réactivation du passé. L’autoparentage atténue progressivement les traces émotionnelles qu’ont laissées certains souvenirs traumatiques.

L’autoparentage passer par 5 temps pour travailler ses émotions disproportionnées :

1.Faire un lien émotionnel (ou un pont d’affect)

Faire une lien émotionnel, c’est utiliser l’émotion présente pour accéder à des souvenirs et voir si ce qui nous fait souffrir maintenant reçoit une émotion adaptée à la situation ou plutôt une émotion reliée à la réactivation d’un schéma de comportement mis en place dans l’enfance.

Stéphanie Hahusseau propose de partir d’un moment difficile actuel et d’essayer de nommer ce que l’on ressent (en évaluant la souffrance sur une échelle de 1 à 10 par exemple).

Ensuite, il ne faut pas réfléchir en se demandant quand nous avons déjà vécu cela dans le passé. Il faut plutôt essayer de laisser flotter l’attention et de la diriger juste vers soi enfant, en utilisant la mémoire émotionnelle.

Quand une situation, un événement ou une émotion du passé ressurgit, il n’y a pas forcément de lien “logique” mais les deux situations (présente et revue) sont sous-tendues par la même émotion, autour d’un noeud émotionnel.

 

2.Se laisser aller à pleurer (ou le temps de la catharsis)

Le temps de la catharsis consiste à laisser s’exprimer sa peine, à revisiter ses souvenirs non plus avec froideur et jugements négatifs mais avec compassion.

Cette étape peut être difficile car on s’expose à l’émotion de tristesse et au sentiment douloureux. Il ne faut pas chercher à se souvenir de ce qu’on a pu ressentir enfants mais se formuler ce que l’on ressent maintenant avec nos yeux d’adultes bienveillants quand on revoit le souvenir de l’extérieur. Pour mieux y parvenir, on peut s’aider du décentrage (imaginer son propre enfant ou un enfant qu’on aime bien à notre place vivre ce qu’on a vécu alors et imaginer ce que cet enfant a dû ressentir pour retrouver notre propre ressenti d’alors).

Pour recouvrir du bien-être, nous avons besoin que nos émotions et nos sentiments négatifs soient reçus avec chaleur, avec empathie. Pour évacuer des souvenirs douloureux qui influencent et rigidifient notre façon de voir le monde, et qui nous poussent à adopter des comportements toxiques, nous devons apprendre à les voir nous-mêmes avec compassion. – Stéphanie Hahusseau

 

3. Réattribuer les responsabilités (et défendre l’enfant qu’on a été)

Stéphanie Hahusseau écrit que la catharsis est une étape indispensable car on ne pourra pas soigner la plaie sans y accéder, mais qu’elle est insuffisante.

Ce troisième temps consiste à défendre l’enfant qu’on a été : exprimer de la colère en imagination est important car cela change les croyances sur soi que les événements blessants du passé ont laissées.

Cette expression de la colère va nous permettre de prendre de la distance par rapport à notre schéma. Sans elle, nous allons continuer à croire émotionnellement et à agir inconsciemment comme s’il était normal de nous laisser traiter comme quantité négligeable, comme s’il était normal de ne pas être aimé, normal de ne pas être reconnu, entendu… – Stéphanie Hahusseau

Stéphanie Hahusseau conseille de la faire en imagination et de s’adresser à la personne qui a fait du mal à l’enfant que nous étions avec des formules courtes, des mots percutants. On peur également mimer la colère ou crier.

Même si les parents ont agi à partir de leurs propres blessure et histoire personnelle, c’est l’enfant qui a été la victime : c’est lui qui était petit, sans défense, sans possibilité de comprendre et qui mérite d’être défendu avec vigueur.

4.Apprendre à se faire des promesses et à se rassurer

Cette quatrième étape permet de panser la blessure : c’est la dernière étape de “légitimation” et d'”engagement” vis-à-vis de soi.

L’adulte que nous sommes devenus peut “auto parenter” l’enfant que nous étions : lui apporter de la chaleur, des soins, de la bienveillance, du réconfort… tout ce qui lui a manqué alors.

On pourra accompagner cette étape de gestes (se mettre les bras autour de soi, se caresser la joue, se bercer…) et/ou de paroles (“je ne laisserai personne te faire de mal”, “je suis fier.e de toi”, “je ne te laisserai jamais seul.e”, “je veillerai toujours à tes besoins”, “tu as le droit d’être insouciant.e”…).

5.Revenir dans le présent

Une fois qu’on a effectué les quatre étapes précédentes, on peut repenser au présent, à la situation qui a déclenché de la souffrance et voir dans quelle mesure cette émotion était disproportionnée.

Stéphanie Hahusseau propose de réévaluer la souffrance sur une échelle de 1 à 10 et de comparer avec l’évaluation faite en premier temps.

Avec la pratique et l’entrainement, on peut diminuer les émotions disproportionnée de façon significative.

 

L’auto parentage peut aider à cheminer vers la bientraitance éducative dans le sens où cela permet de tempérer les explosions émotionnelles qui peuvent se transformer en violence verbale ou physique contre les enfants.

Il est important de bien comprendre que l’autoparentage n’agit que sur une émotion excessive, celle qui cache un nœud émotionnel en lien avec un traumatisme. Il n’a pas vocation à canaliser les émotions légitimes ou à devenir une technique “stop colère” ou “anti déprime”. La colère est légitime en cas d’agression verbale par exemple car c’est cette émotion qui va nous pousser à nous défendre et à réparer notre intégrité personnelle. la tristesse est une phase indispensable du deuil qui permet de lâcher prise, de se replier sur soi pour traverser la séparation. Les émotions dites “négatives” dans le langage populaire ont toute leur place dans notre vie émotionnelle et il n’y a aucune raison de parler d’émotions négatives ou positives.

Pour aller plus loin : Il n’y a pas de raison de séparer les émotions positives et négatives (+les bienfaits de la colère)

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Source : Tristesse, peur, colère: Agir sur ses émotions de Stéphanie Hahusseau (éditions Odile Jacob). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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