Le besoin d’activité motrice des jeunes enfants, un besoin fondamental et irrépressible à ne pas confondre avec de l’agressivité ou de l’insolence

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Les enfants font des expériences, pas des bêtises.

Bouger est un besoin humain fondamental, particulièrement chez les enfants en lien avec des besoins d’expérimentation et de compréhension du monde. Parfois, les expériences qu’ils font nous paraissent être des affronts dirigés contre nous, alors qu’ils ne font que suivre leurs besoins vitaux d’exploration : sauter dans une flaque, tirer la queue du chien, jeter les couverts par terre…  Les enfants peuvent être maladroits, ils ne sont pas désobéissants. Héloïse Junier, psychologue en crèche, écrit : « L’enfant ne souhaite pas escalader, il a besoin d’escalader, il est littéralement programmé pour escalader. » (Guide pratique pour les pros de la petite enfance, Éditions Dunod, 2019)

Leur envie de sauter dans une flaque d’eau, de grimper sur une table basse ou encore de jouer avec la nourriture est plus forte qu’eux. Ils n’arrivent pas à la freiner, parce qu’ils éprouvent une joie immense à l’idée d’exercer leurs compétences motrices. Ils sont programmés pour apprendre par le mouvement et ils ne peuvent pas aller contre leur nature, contre leur programme biologique – qui récompense leurs explorations motrices par des émotions agréables. De plus, le manque de maturité des jeunes enfants ne leur permet pas (encore) de  bien maîtriser leurs mouvements.

Mobiliser positivement l’énergie des enfants

Entre 18 mois et 3 ans, l’enfant suit sa logique à lui et ses gestes ne sont pas toujours compréhensibles par l’adulte. Les adultes gagneraient à reconnaître que l’enfant a des buts à lui. C’est justement une des invitations de la co-éducation émotionnelle. C’est vers l’âge de 2 ans que les enfants sont le plus maltraités. Cela est lié à leur envie d’apprendre, d’explorer, de comprendre et d’expérimenter, qui peut les amener à faire du bruit, à mettre du désordre, à se salir, à dire non, à se mettre en colère quand ils ne réussissent pas… Ainsi, la phase dite « d’opposition » des jeunes enfants autour de 2 ans devrait en réalité être qualifiée d’âge de l’autonomie ou de phase d’affirmation. Le jeu peut être mis au service du développement des habiletés sociales. Réorienter les actions des enfants vers des actions ludiques permet d’assouvir leurs besoins et pulsions. Le jeu sera alors une occasion de moduler l’agressivité apparente et de maîtriser le geste. Cette agressivité est apparente dans le sens où le besoin d’activité motrice des jeunes enfants est un besoin fondamental et irrépressible à ne pas confondre avec de l’hostilité ou de l’insolence.

Quelques exemples de jeu pour canaliser l’agressivité apparente des enfants

Rediriger de manière douce et ludique les comportements

Un enfant tire les cheveux d’un autre enfant. Alternative : offrir une brosse pour peigner une poupée.

Un enfant transporte des objets défendus et/ou dangereux. Alternatives : Proposer à l’enfant de transporter des objets non cassables à la place. Jouer au jeu du déménagement avec des boîtes récupérées et de vieux objets.

Un enfant utilise ses rollers dans la maison. Alternatives : Utiliser des boîtes de papier mouchoir comme des patins ou des bottes d’astronautes. Proposer des vieilles pantoufles/chaussettes pour faire des glissades.

Un enfant crie dans la maison. Alternatives : Faire le rugissement du tigre quand on joue dehors.

Les jeux de contact physique

Les jeux de contact physique sont des jeux de bagarre, de chahut dans lesquels les parents et les enfants s’engagent (jeux de lutte, batailles d’oreillers, d’eau ou de boules de neige, bataille de pouces…). Certains jeux de bagarre (où les enfants se poursuivent, se poussent et se bousculent), les corps à corps et les jeux avec des personnages/animaux menaçants réduisent l’agressivité du jeune enfant en facilitant le passage de gestes agressifs à leur expression symbolique. Sylvie Bourcier, consultante en petite enfance et professeur au certificat Petite Enfance et Famille de l’université de Montréal, écrit : « Bien que ces comportements semblent parfois contenir un élément d’agressivité, il est important de ne pas confondre avec une conduite agressive. Le jeu combatif offre la possibilité à l’enfant d’exprimer des émotions fortes, de pratiquer la maîtrise de soi, en modulant et en refrénant ses gestes et en négociant des rôles. Dans l’imagination de l’enfant, le jeu combatif prend forme dans le “faire semblant”. » Cependant, les batailles peuvent dégénérer quand les enfants s’excitent trop. Le rôle de l’adulte est alors de stopper le jeu et d’aider les enfants à prendre conscience que ce n’est plus un jeu amusant quand on se fait mal ou que l’on fait mal aux autres. Les jeux de chahut sont aussi une occasion pour nous de renforcer le lien avec nos enfants et de leur montrer comment canaliser leur agressivité.

Le genre de bagarres dont il est question ressemble à des jeux du type karaté chaussettes (enlever les chaussettes de l’autre), une bataille de coussins ou d’eau, une bataille de pouces ou un jeu de Stop and Go. Lawrence Cohen, psychologue spécialiste de la parentalité ludique, développe cette idée de jeu bagarre qui doit répondre à des règles pour que personne ne se blesse.

jeux de bagarre parentalité ludique

Crédit : Qui veut jouer avec moi ? Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants: Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants de Lawrence Cohen (éditions Poche Marabout)

 

Pour aller plus loin : Les jeux de chahut : un excellent moyen de renouer le contact et redonner confiance à l’enfant

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Cet article est un extrait de mon livre La co-éducation émotionnelle : s’élever en même temps qu’on élève les enfants (éditions Hatier). Il est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.  La lecture de mon livre vous donnera des pistes pour raisonner autrement face aux comportements des enfants qui nous mettent en difficulté (avant de chercher à plaquer des astuces et conseils au risque de constater que “l’éducation positive, ça ne marche pas”).

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