Les comportements des enfants sont comme des fenêtres visibles sur leur monde interne non visible.
Les parents-jardiniers
Quand une plante flétrit, les jardiniers s’inquiètent de l’environnement : la plante reçoit-elle trop ou pas assez d’eau ? est-elle trop ou pas assez exposée au soleil ? selon l’espèce de la plante, quel est le type de terre le plus approprié ?
Nous pouvons adopter ce type de raisonnement avec nos enfants. Leurs comportements sont des messages sur leur environnement, sur leurs conditions de vie. Les comportements des enfants sont comme des fenêtres visibles sur leur monde interne non visible : ils ne sont pas des affronts mais des indicateurs de leur niveau de santé mentale. La santé mentale des enfants dépend de l’environnement dans lequel ils évoluent et de la qualité des relations que leur proposent les personnes qui les entourent.
Ainsi, les actions, les réactions, les mots des enfants (ou leur absence de mots) nous donnent des informations précieuses sur leurs émotions, leurs besoins, l’adaptation (ou inadaptation) de leur environnement et la nature de leurs relations.
Punir, c’est s’occuper seulement du symptôme mais négliger la cause et empirer le mal
Punir un enfant dit “agressif” ou “insolent“, envoyer un enfant “désobéissant” au coin ou promettre une récompense pour qu’un enfant se comporte “bien” ne traite pas les causes, simplement les symptômes. Cette approche des relations nous invite à voir derrière ce qui est donné à voir ou à entendre pour comprendre ce qui se joue à l’intérieur (et peut-être à intervenir dans le cas de souffrance, de mal-être).
Cela signifie raisonner en termes de besoins et cela suppose de connaître les principaux besoins humains ainsi que de reconnaître que l’environnement dans lequel les enfants n’est pas toujours adapté à leurs besoins et leur développement.
Apprendre à raisonner en termes de besoins
Tous les humains ont des besoins communs et, en tant qu’espèce sociale, nos besoins relationnels sont extrêmement importants. De même, nos besoins de contact physique sont à prendre en compte. Tous les enfants ont besoin d’amour (qui passe par des preuves d’amour inconditionnel), d’espace pour exprimer leur être (leurs émotions, leurs désirs, leur créativité) et de proximité physique avec des êtres en qui ils ont confiance.
Quand nous sommes confrontés à des comportements qui apparaissent comme des défis, nous pouvons adopter l’attitude d’un jardinier cherchant dans l’environnement ce qui manque à la plante pour s’épanouir. Quelques questions peuvent nous y aider :
- est-ce que cet enfant a besoin de plus de temps de connexion avec moi (et/ou son autre parent) ?
- est-ce que cet enfant se sent spécial et important dans la vie d’au moins un adulte qui compte pour lui ?
- est-ce que cet enfant peut exprimer ses émotions de manière ouverte et sans crainte (y compris le fait d’en vouloir à ses parents quand ces derniers n’accèdent pas à ses désirs, la colère étant précisément l’émotion qui guérit la frustration) ?
- est-ce que cet enfant a suffisamment de temps libre pour jouer sans être guidé ou contraint et pour s’exprimer avec créativité ?
- est-ce que le rythme de cet enfant est respecté ?
- est-ce que ces besoins physiologiques sont respectés (sommeil, besoin de bouger et de se dépenser physiquement, besoin de jouer et de créer, contacter avec la nature…) ?
La théorie de l’attachement insiste sur l’importance d’une proximité physique et émotionnelle avec au moins un adulte proche. Quand un adulte prend soin d’un enfant en répondant à ses pleurs, en écoutant ses émotions sans les censurer, en faisant preuve d’empathie et de chaleur, alors cet enfant développe la certitude d’être digne d’amour et apprend, par imitation, à prendre soin des autres.
Une réflexion profonde sur la manière dont la société est organisée pour prendre soin des humains.
Tout cela peut paraître évident pour certains adultes; pour d’autres, c’est un grand poids sur les épaules des parents qui ont eux aussi leurs besoins, leurs blessures passées qui parasitent la relation à l’enfant, leurs limites et contraintes.
Pourtant, la manière dont la société occidentale est organisée nous montre que cette évidence n’est pas si… évidente (et c’est bien l’organisation de la société qui est source de culpabilisation des parents, pas le discours sur la bientraitance éducative). Combien d’entre nous arrivent complètement vidés d’énergie le soir après le travail ? Combien de mères se sentent seules et peu soutenues au point de regretter d’avoir eu des enfants dans ces conditions-là ? Combien d’enfants sont pressés dans leurs apprentissages à l’école et privés de temps libre ? Combien d’entre nous se sentent paralysés par les discours contradictoires qui disent d’un côté de ne pas trop prendre les enfants dans les bras au risque de fabriquer des tyrans et de l’autre de tout donner aux enfants parce qu’ils sont la prunelle de nos yeux ? Comment être un parent empathique et respectueux quand notre mémoire traumatique s’allume à chaque colère de notre enfant ?
L’éducation bienveillante, respectueuse, non violente va bien au-delà d’une accumulation de mots à dire pour que les enfants écoutent mais invite à une réflexion profonde sur la manière dont la société est organisée pour prendre soin des humains. C’est la raison pour laquelle tant de parents qui s’engagent dans cette voie finissent par se reconvertir professionnellement, par sauter le pas de l’instruction en famille (ou des écoles alternatives… à défaut d’une alternative à l’école), par s’engager dans des associations écologiques (parce que respecter le vivant, c’est respecter toutes les formes de vie). Certains se regroupent en écolieux; d’autres dans des associations pour monter des micro–crèches ou écoles parentales; d’autres déménagent à la campagne; d’autres encore divorcent ou coupent les ponts avec certaines relations.
L’idée principale à retenir est que les parents doivent être les refuges de sécurité des enfants, auprès desquels les enfants peuvent faire tomber leurs défenses sans avoir à craindre des punitions, des moqueries et dans la certitude d’être accepté et compris (sans se sentir l’objet d’un projet parental qui viserait à changer les émotions ressenties ou les préférences personnelles). Les enfants méritent qu’on respecte leurs émotions, les petites comme l’oubli d’un bâton au parc autant que les grandes comme le décès d’un animal de compagnie. Ce respect et cette prise au sérieux jettent les bases de leur santé mentale.