Les effets négatifs de l’exposition des jeunes enfants à la télévision sont-ils exagérés ?

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Dans son livre Votre enfant devant les écrans : ne paniquez pas – Ce que disent vraiment les neurosciences, Nicolas Poirel reprend quelques idées reçues au sujet des méfaits de la télévision sur les enfants. Il cite plusieurs études et méta-analyses pour comprendre les conséquences de l’exposition à la télévision des enfants.

Contrairement aux idées reçues, les effets négatifs de l’exposition des jeunes enfants à la télévision sont à relativiser car ils sont présents seulement  dans ces cas extrêmes. C’est seulement quand l’exposition est très importante (plus de 17 heures par semaine avant 2 ans) que le fait de regarder la télévision dégrade les capacités cognitives ultérieures des enfants.

Télévision et niveau de vocabulaire des enfants

Une étude récente (Collet, 2019) a fait le buzz avec des titres dans les médias grand public tels que : « Les enfants qui regardent la télévision le matin développent des troubles du langage. »

Nicolas Poiret reprend les conclusions mêmes de la recherche de Collet et collaborateurs qui appellent à beaucoup plus de prudence que ce qui a été relayée dans les médias. Il s’agit de rester vigilants au temps de télévision le matin et de parler avec ses enfants du contenu des programmes, mais les auteurs de l’étude n’affirment pas de lien de cause à effet entre le fait de regarder la télévision le matin et de développer des troubles du langage.

Par ailleurs, Nicolas Poiret cite une étude publiée en 2005 qui portait sur la relation entre le type de contenu regardé par les enfants et le nombre de mots de vocabulaire qu’ils maîtrisent (Linebarger & Walker, 2005). Cette étude semble montrer que le contenu des programmes module le nombre de mots de vocabulaire.

Alors que regarder une émission comme les Télétubbies fait perdre 10 mots de vocabulaire en moyenne, les auteurs rapportent que 13 mots de vocabulaire peuvent être gagnés chez les enfants qui regardent Dora l’Exploratrice. Les statistiques ne révèlent pas d’impact, positif ou négatif, lié au visionnage des films Disney.- Nicolas Poiret

Nicolas Poiret en tire trois conclusions :

  • les écrans sont nécessairement mauvais, puisque certaines émissions font gagner du vocabulaire,
  • la variation ne concerne qu’une dizaine de mots en moyenne, dans un sens ou dans l’autre (sur un vocabulaire qui va atteindre des milliers de mots à 3 ans),
  • la variation pourrait être liée aux écrans mais l’étude ne permet pas de conclure s’il s’agit d’un lien de corrélation ou de cause à effet.

Poiret n’incite pas pour autant à laisser les enfants passer tout leur temps libre devant la télévision et ne formule pas de recommandation pour le visionnage de telle ou telle émission

Télévision et qualité de l’attention des enfants

Nicolas Poirel cite Foster & Watkins (2010) qui ont montré que le temps passé par des bébés (de 1 à 3 ans) devant la télévision est en effet lié à une diminution des scores attentionnels mesurés chez ces mêmes enfants quelques années plus tard, à 7 ans. Toutefois, le franchissement du seuil qui signe un déficit (et pas juste une diminution) de l’attention a deux limites :

  • d’une part, il ne concerne que 10% des 1 159 enfants qui ont participé à l’étude,
  • d’autre part, il n’est observé que lorsque ces enfants regardaient la télévision plus de 7 heures quotidiennement lorsqu’ils étaient plus jeunes.

Les effets délétères de l’exposition à la télévision des enfants sur leur attention sont présents uniquement dans le cas d’une exposition extrême, peu fréquente.

Télévision et qualité des interactions dans la famille

Une télévision simplement allumée dans une pièce affecte le comportement des parents (Kirkorian et al., 2009). Une diminution du temps (données quantitatives) et de la richesse (données qualitatives) des échanges entre les parents et leurs bébés âgés de 1 à 3 ans ont été observées quand la télévision reste allumée même si les membres de la famille ne la regardent pas.

Il y a plus d’interactions entre parents et enfants quand la télévision est éteinte et elles sont de meilleure qualité.

Télévision et temps de jeu libre des enfants

Une étude (Schmidt et al., 2008) a en revanche montré que, lorsqu’un enfant de 1 à 3 ans joue dans une pièce, une télévision allumée dégrade son temps de jeu libre avec ses jouets, même s’il ne regarde l’écran que quelques secondes par moments.

En effet, même si les bébés regardent peu la télévision allumée, les quelques secondes d’attention captées par la télé les privaient de près de 20 % de temps de jeu. Cela signifie que, chaque fois que l’attention du bébé est captée automatiquement par la télévision, même s’il ne s’agit que de quelques secondes, la mobilisation cognitive nécessaire pour se remettre dans le jeu va être d’autant plus coûteuse. Le temps nécessaire pour se replonger dans l’activité de jeu va donc empiéter sur le temps de jeu en lui-même. Or le temps de jeu libre est une composante essentielle dans le développement des jeunes enfants.

Des effets positifs de l’exposition des jeunes enfants à la télévision ?

Nicolas Poiret rappelle que, chez les jeunes enfants, les effets positifs du visionnage de la télévision sont très minimes. Dans l’ensemble, la télévision ne semble pas présenter un intérêt au niveau cognitif pour le jeune enfant. Poiret écrit cependant qu’il est exagéré d’affirmer qu’il ne faut pas du tout mettre un bébé devant la télévision avant son troisième anniversaire car les conséquences délétères de quelques heures de télévision sur le développement des enfants ne sont pas prouvée.

Il en conclut d’éviter d’exposer les bébés de moins de 2 ans à la télévision et de plutôt favoriser les interactions avec les enfants (conformément aux recommandations de l’Académie Pédiatrique américaine). Il ne s’agit pas d’interdire la télévision au moins de 2 ans mais de veiller à toujours discuter avec son enfant du contenu de ce qu’il regarde et de visionner avec lui le programme choisi.

S’ils regardent la télévision ensemble, de façon raisonnable, et en alternance avec d’autres activités, parents et enfants profitent alors d’un moment de détente, engageant de l’attention conjointe et du temps partagé. […] En résumé, c’est assez simple : ne pas laisser seul son enfant devant la télévision. Quand il n’y a pas d’autres possibilités, les recherches indiquent clairement qu’il n’y aura pas de séquelles à le laisser seul pendant quelques heures, mais bien évidemment il faut toujours privilégier les situations d’accompagnement. – Nicolas Poiret

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Source : Votre enfant devant les écrans : ne paniquez pas – Ce que disent vraiment les neurosciences de Nicolas Poirel (éditions De Boeck). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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