L’importance capitale du jeu libre dans l’enfance (pour de futurs adultes heureux, résilients et intégrés socialement)

L'importance capitale du jeu libre dans l'enfance

Jessica-Joelle Alexander et Iben Dissing Sandahl sont deux femmes américaines, chacune mariée à un danois et ayant élevé leurs enfants au Danemark. Elles ont voulu témoigner à travers un livre de leur amour du modèle éducatif danois et expliquer en quoi la philosophie de vie danoise fait des petits danois les enfants les plus heureux du monde. C’est ainsi qu’elles livrent les piliers de l’éducation danoise dans leur livre Comment élever les enfants les plus heureux du monde.

  • Le jeu libre
  • L’authenticité
  • Le recadrage
  • L’empathie
  • Pas d’ultimatum 
  • Le hygge (convivialité 100  % danoise)

Illustrations extraites de La famille buissonnière

Jessica-Joelle Alexander et Iben Dissing Sandahl insistent sur l’importance des jeux libres faisant la part belle à la créativité (elles rappellent d’ailleurs que les Lego ont été inventés au Danemark). Elles ont constaté que les parents danois sont guidés par des principes éducatifs qui laissent les enfants jouer seuls aussi souvent que possible. Plus les enfants ont l’habitude de jouer librement sans être dirigés, plus ils deviendront des adultes heureux, résilients et intégrés socialement. Elles formulent plusieurs propositions pour se rapprocher du modèle danois.

->Tout éteindre !

Jessica-Joelle Alexander et Iben Dissing Sandahl conseillent d’éteindre aussi souvent que possible la télévision et tout appareil électronique. L’imagination joue un rôle essentiel dans l’efficacité du jeu.

Sur ce point, Peter Gray est moins formel dans son livre Libre pour apprendre (Actes Sud éditions). Il affirme que les enfants ont un besoin fondamental de jouer avec les instruments de leur culture. Or, dans nos sociétés modernes, les ordinateurs, tablettes et smartphones sont les instruments de la culture. Selon lui, le risque d’addiction aux jeux vidéos apparaît quand l’environnement par ailleurs est pauvre (pauvre en affection, en chaleur humaine, en attention de la part d’adultes bienveillants, en opportunités d’exercer la créativité, l’autonomie, le pouvoir personnel et les compétences… autrement dit pauvre en opportunités de jeux libres).

Peter Gray cite une étude (Przybylski, 2009) qui a montré que les enfants qui ont des opportunités de jouer à la fois sur écran et dehors vont la plupart du temps choisir un équilibre entre les deux. Les enfants qui restent scotchés devant leur écran apparaissent être ceux qui ont peu d’opportunités de jouer dehors et/ou de manière libre par ailleurs. Pour Peter Gray, le déclin des jeux extérieurs s’expliquent surtout par la montée des peurs parentales (amplifiées par les histoires entendues dans les médias et qui conduisent à plus de contrôle sur les activités des enfants et moins d’autonomie) et par les changements sociétaux modernes (deux parents actifs avec des temps de trajet souvent longs donc moins de temps libre à la maison pour les enfants, augmentation de la population citadine, architecture des villes qui ne permet pas toujours le jeu libre des enfants, attention des parents grignotée par les écrans et/ou par des préoccupations financières, peur de la précarité économique future donc pression sur les activités scolaires et péri scolaires pour assurer la réussite académique, écoles organisées comme des usines laissant peu de place à l’autonomie et à des activités auto dirigées…).

Une solution entre deux extrêmes serait d’offrir autant que possible des opportunités aux enfants de jouer dehors avec d’autres enfants de tout âge et sans l’intervention d’adultes. Les enfants ont besoin de maîtriser les outils technologiques et informatiques de notre culture et, en même temps, ils ont besoin de jouer dehors. Les mots clés ici sont liberté et opportunités (pas d’obligation).

 

->Créer un environnement enrichissant

La création d’un environnement de jeu riche, disposant d’une grande variété de matières et de supports s’adressant aux différents sens (visuel, auditif, tactile…), favorise et optimise le développement cérébral pendant le jeu.

A cet effet, les loose parts sont parfaitement adaptés. Les Loose parts sont des petits objets mobiles, des matériaux naturels ou synthétiques, qui ont été trouvés, ramassés, achetés ou bien recyclés et qui peuvent être touchés, manipulés, transformés, transportés à travers le jeu. Les loose parts n’ont pas d’usage déterminé et donnent lieu à des jeux libres. En ce sens, ils participent au développement de la créativité, du raisonnement et de la résolution de problème.

reggio

Quand un environnement est riche en loose parts (bouts de ruban, pierres, bâtons, feuilles, plumes, billes, rondins de bois, perles cartons, jetons, miroirs, cubes en bois…), les enfants ont l’opportunité de développer de nouvelles manières de penser, d’assembler, de combiner, de créer, de faire preuve de flexibilité, de satisfaire leur désir d’apprendre.

Lire aussi : Des activités inspirées par la pédagogie Reggio

 

->Utiliser l’art

Quand les enfants créent quelque chose, leur cerveau se développe. C’est pourquoi il est préférable de ne pas leur montrer comment faire, mais de s’en tenir à la fourniture du matériel artistique et de faciliter la création spontanée.

L’environnement matériel et l’attitude des parents sont essentiels pour que la créativité naturelle des enfants s’épanouisse. L’environnement joue un rôle important dans le potentiel créatif des enfants. Il est même considéré comme le troisième professeur dans la pédagogie Reggio.

On pourra prévoir un environnement adapté et favorable en se mettant dans la peau d’un enfant (si possible, dédier une pièce ou un espace à la créativité avec du matériel varié accessible à hauteur d’enfant et disponible,un espace ouvert et décoré où il est facile de se servir et de range.

Concernant le matériel, Il vaut mieux éviter le matériel trop coûteux qui risque de nous crisper en cas de casse ou de mauvaise utilisation et d’adapter le matériel en fonction de l’évolution de l’enfant : des pinceaux de toute taille, des rouleaux en mousse, des feutres, des crayons de couleurs, des crayons gras, des craies, des peintures, des bâtons en bois, des boules de laine feutrée, des paillettes, des gommettes, des plumes, des règles de plusieurs tailles, du carton, des ciseaux, de la colle, du scotch, des pochoirs, des surligneurs fluos, des aimants, de l’argile, des feuilles blanches et de couleurs, des journaux, des vieux prospectus, des bouts de tissu, de la tapisserie, des marrons, des glands…

argile reggio

 

->Explorer en extérieur

La nature fourmille d’endroits où les enfants peuvent développer leur imagination et s’amuser  : dans les bois, au parc, à la plage, partout. Dès que vous trouvez un lieu sûr où vous n’avez pas peur de les lâcher, vous pouvez les laisser partir à l’aventure en toute liberté.

Le concept de « trouble du déficit de nature » a été inventé par Richard Louv en 2005 dans son livre « Last child in the wood ». Ces termes font référence à la déconnexion que nos sociétés connaissent avec le monde naturel (et les problèmes qui en découlent). Cette déconnexion de la nature commence à un âge de plus en plus précoce. Certains considèrent même qu’il s’agit d’un problème de santé publique aux États-Unis. Ce trouble du déficit de nature touche également de plus en plus d’adultes, notamment des jeunes adultes et donc des jeunes parents (qui auront plus de mal à jouer leur rôle de passeurs de nature).

C’est justement pour contrer ce déficit de nature que Marie Gervais a écrit le livre « La famille buissonière ». Elle y propose des activités en plein air, dans le jardin ou la cour, en forêt ou dans des parcs, des activités sur un balcon ou dans la cuisine, des idées de sorties et de découvertes nature pour les week-ends, des encouragements à partir à l’aventure ou à dénicher des petits coins de nature inexplorés, du temps de découverte, de jeu et de plaisir en famille pour retrouver le chemin d’une vie dehors.

 

->Mélanger les âges

Mélanger les âges améliore l’efficacité de la zone de développement proximal  : les enfants apprennent naturellement les uns des autres et passent à une nouvelle étape de leur développement. Ainsi, ils alternent entre diriger le jeu avec les plus jeunes et coopérer avec les plus âgés, ce qui leur enseigne le self-control et la négociation, aptitudes très utiles.

 

->Leur donner de la liberté et oublier notre culpabilité

Les enfants n’ont pas besoin d’adultes régissant leurs activités. Ils n’ont même pas besoin de jouets (voir le concept de loose parts). Plus vous les laissez aux commandes, plus ils utilisent leur imagination et créent eux-mêmes leurs jeux. Et plus ils deviendront compétents. Ils développent des habiletés inestimables en jouant librement. Nous oublions l’importance du jeu libre parce que nous fonçons tête baissée dans l’organisation d’activités diverses et variées. Peut-être avons-nous peur qu’ils n’apprennent pas assez. Il suffit pourtant de les laisser jouer et d’arrêter de se sentir coupables parce que nous ne faisons «  rien  ». Le jeu libre, voilà ce qui leur manque, écrivent Jessica-Joelle Alexander et Iben Dissing Sandahl .

peindre sur différents supports

->Jouer vrai

Si vous souhaitez jouer avec vos enfants, il est préférable de vous investir à 100  %, sans avoir peur du ridicule. Vous pouvez leur laisser les rênes, cesser de vous inquiéter du qu’en-dira-t-on et vous abstenir de penser à ce que vous faites. Se mettre à leur niveau et lâcher prise, ne serait-ce que vingt minutes par jour si c’est difficile pour vous, vaut davantage que tous les jouets du monde. – Jessica-Joelle Alexander et Iben Dissing Sandahl

 

->Les laisser aussi jouer seuls

Jouer seul est extrêmement important pour les enfants. Souvent, quand ils jouent seuls (que ce soit avec leurs jouets ou dans la nature), ils intègrent une nouvelle expérience, un conflit, un événement de la vie de tous les jours. En jouant à faire semblant, en imitant plusieurs voix, ils rejouent ce qui leur est arrivé, dans leur monde. Non seulement le jeu leur apporte d’immenses vertus thérapeutiques, mais il développe leur imaginaire et leur imagination.

 

->Créer une course d’obstacles

Il suffit de quelques petits tabourets et d’un matelas et vous pouvez créer chez vous une course d’obstacles, ou à défaut, libérer un espace où vous les laisserez bouger, sauter, débrider leur imagination, grimper, jouer, explorer, improviser en toute liberté, sans vous stresser.

C’est quelque chose que nous faisons souvent à la maison : des petits (ou grands) parcours de motricité ou d’éveil sensoriel (marcher sur du papier journal, sur du papier bulle, sur du papier kraft, dans un bac de billes d’eau…) à travers la maison.

parcours de motricité maison sous la chaise  parcours de motricité

parcours sensoriel

 

->Impliquer d’autres parents

Plus il y aura de parents adeptes du jeu libre, persuadés de son impact positif sur la santé de leurs enfants, plus les enfants s’amuseront ensemble tout seuls, sans le concours d’adultes organisateurs d’activité. Aux États-Unis, les pédiatres ont publié un manifeste visant à convaincre les parents de l’intérêt du temps passé à jouer. Le jeu apporte beaucoup aux enfants : à nous de l’encourager et d’en parler aux autres parents.

 

->Éviter d’intervenir trop rapidement

Il est judicieux d’éviter de juger les enfants des autres trop durement et d’intervenir trop rapidement dans l’idée de protéger les nôtres. Parfois, c’est en apprenant comment gérer les enfants les plus difficiles que les enfants assimilent les leçons les plus importantes en self-control et résilience.

 

->Lâcher prise

On peut laisser les enfants se débrouiller seuls. Si nous ressentons le besoin de les «  sauver  », nous pouvons reculer d’un pas, inspirer profondément et nous dire qu’ils sont en plein apprentissage de toutes sortes de compétences critiques pour leur bonheur.

On considère qu’il est normal d’aider un enfant, dans le sens de faire à sa place. On a tendance à faire à la place de l’enfant sans même se poser la question (parce que l’enfant est trop petit, trop maladroit, trop lent, trop fragile…).

Or c’est dans la nature de l’enfant de ne pas aimer être aidé. L’enfant aime faire tout seul pour apprendre et se construire. Laisser l’enfant faire tout seul, c’est l’aider dans son processus d’apprentissage par l’expérience : il a l’opportunité d’apprendre à faire, de pratiquer, de se tromper et de recommencer pour se perfectionner.

Une aide utile n’est donc pas synonyme de « faire à la place ». Quand nous faisons quelque chose que notre enfant sait déjà faire à sa place ou quand nous empêchons notre enfant d’apprendre à faire tout seul, nous entravons son développement naturel. Aider utilement l’enfant, c’est le faire seulement quand il est en difficulté, s’il est d’accord pour être aidé et en montrant plutôt qu’en faisant à la place.

Si l’enfant se débrouille seul, aidons-le en le laissant faire tout seul.– Emanuelle Opezzo

Pour autant, limiter nos interventions ne veut pas dire laisser l’enfant faire tout et n’importe quoi. Quand l’enfant se met en danger, s’excite au point de s’énerver, manque de respect (aux autres, au matériel, aux règles de vie) ou montre de la peur, notre intervention est justifiée.

Dans son livre « Vivre la pensée Montessori à la maison », Emmanuelle Opezzo formule neuf propositions pour doser notre aide et aider utilement les enfants :

1. Interrogeons-nous non pas sur ce que nous devons faire , mais sur ce que nous devons cesser de faire.

2. Commençons par montrer, avant de demander de coopérer : « D’abord, je te montre, ensuite c’est toi qui fais ».

3. Apprenons-lui que chaque chose a un début, un déroulement et une fin pour l’inciter à entreprendre jusqu’au bout et ne pas abandonner en chemin.

4. Exerçons-nous à limiter nos interventions verbales et physiques.

5. Le langage corporel est un excellent moyen de limiter nos interventions. Un simple regard ou un simple geste peut conforter l’enfant, le soutenir dans son activité (ou le décourager s’il y lit de la désapprobation). Un sourire chaleureux peut alors remplacer toutes les interventions !

6. Observons notre enfant sans parler avant d’intervenir. Peut-être est-il en train de détourner l’usage d’un matériel et va-t-il nous surprendre. On gagnera toujours à ne pas intervenir trop rapidement (sauf en cas de danger bien sûr).

7. S’il nous est trop difficile de nous taire, tâchons de nous limiter à décrire ce que nous voyons, sans chercher à évaluer, juger ou interpréter.

8. Apprenons à notre enfant à demander de l’aide en lui rappelant que nous répondrons toujours à sa demande en cas de besoin.

9. Si nous constatons que notre enfant est en difficulté et qu’il ne demande pas d’aide, nous pouvons lui dire que nous observons ses efforts, lui proposer de lui remontrer comment faire pour qu’il essaye à nouveau.

Je rajouterais que le lâcher prise passe aussi par le fait d’accepter que les enfants se salissent, risquent de trouer ou accrocher des vêtements au cours de leurs jeux (peut-être faut-il alors prévoir de vêtements déjà tâchés, déjà troués ou trop petits pour les temps de jeux libres à l’extérieur, peut-être faut-il avoir toujours un tablier accessible dans le coin dédier à la créativité…).

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Source : Comment élever les enfants les plus heureux du monde : les recettes du bonheur danois de Jessica-Joelle Alexander et Iben Dissing Sandahl (éditions JC Lattes).

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