L’expression créative et artistique participe à la bonne santé mentale des enfants comme des adultes

L'expression créative et artistique bonne santé mentale

Depuis la nuit des temps, les humains ont recours à la pratique artistique et créative. Les groupes humains ont utilisé tout au long de l’Histoire des rites collectifs pour faire face à leurs sentiments les plus puissants et les plus terrifiants (et continuent à le faire). Les adultes comme les enfants se sont toujours exprimé à travers différentes formes de créativité : peindre sur les parois des grottes, danser autour du feu, raconter et écouter des contes et des fables, sculpter l’argile, regarder et/ou jouer des pièces de théâtre… L’expression personnelle et la créativité sont des besoins humains fondamentaux. Pouvoir combler ces besoins participe à la bonne santé mentale des humains.

Passer par l’expression artistique donne un sens personnel à des événements qui en manquent. Les activités rythmiques en groupe ont aussi un pouvoir thérapeutique (musique, danse, théâtre, jeux sensoriels…).

Bessel Van der Kolk, psychiatre spécialiste du syndrome de stress post traumatique, estime que deux aspects de la réponse adaptative face à des menaces sont essentiels pour survivre sans traumatisme à un événement difficile :

  • jouer un rôle actif à travers le mouvement (attaquer, fuir, trouver du soutien social),
  • trouver suffisamment de sécurité ensuite pour arrêter la sécrétion d’hormones de stress dans l’organisme.

Le psychiatre raconte l’histoire d’un petit garçon qui a assisté à l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center. Il écrit que ce garçon a été accompagné par son enseignante (avec toute la classe) au portail de l’école où ses parents l’attendaient et qu’ils ont fui tous ensemble, sans que les parents paniquent. Le lendemain, cet enfant a dessiné l’événement avec les avions, les tours en feu, les gens qui sautaient par la fenêtre et un trampoline en bas des tours pour que les gens puissent sauter sans se faire mal à la réception.

Van der Kolk y voit là l’exemple type d’une réponse adaptative efficace : quand la catastrophe s’est produite, l’enfant a pu jouer un rôle actif en s’enfuyant, et donc s’aider lui-même; puis lorsqu’il s’est retrouvé en sécurité dans son foyer, les sonnettes d’alarme de son corps et de son cerveau se sont calmées. Cela a libéré son esprit, lui permettant de trouver un certain sens à ce qui s’était passé et d’imaginer une alternative créative à ce qu’il avait vu : un trampoline capable de sauver des vies.

Toutes les cultures humaines (au cours de l’Histoire et sur les différentes parties du globe) ont conçu des rituels dansés, contés, chantés parce que ces rituels sont des moyens d’exprimer ce qui a besoin d’être exprimé et partagé collectivement. Si l’expression créative et artistique participe à notre bonne santé mentale individuelle et collective, on comprend alors que s’en priver la détériore.

L’expression créative et artistique n’est ni un simple loisir familial ni une matière négligeable à l’école mais un besoin humain fondamental à tout âge

Selon Bassel Van der Kolk, les dernières choses à supprimer des programmes scolaires sont la chorale, l’éducation physique, la récréation, c’est-à-dire toutes les activités qui permettent le mouvement, le jeu, l’engagement joyeux.

Lire aussi : Les arts pour accompagner les enfants et adolescents traumatisés (théâtre, danse, rythme, chant)

La pratique artistique et l’éducation créative ne doivent pas être considérées comme seulement des loisirs en famille ou des matières négligeables à l’école. Ce type d’expression joue sur deux niveaux :

  • à un niveau personnel, elle permet de réellement sentir qui nous sommes, d’être en pleine maîtrise de notre corps, de relâcher des tensions, de guérir d’un traumatisme, d’être dans un état de flow;
  • à un niveau collectif, les rituels artistiques créent un sentiment d’appartenance, donnent de la force au collectif et créent du lien fort.

La parole, la danse, le chant et le pas cadencé sont des moyens purement humains d’imprimer un sentiment de courage et d’espoir. Bassel Van der Kolk a observé la force des rythmes communautaires en Afrique du Sud en 1996, quand l’archevêque Desmond Tutu dirigeait les audiences publiques de la commission Vérité et réconciliation. Les séances étaient encadrées par des chants et des danses collectifs. Des témoins racontaient les atrocités innommables qu’ils avaient subies avec leur famille, et lorsqu’ils n’en pouvaient plus, Desmond Tutu les interrompait pour conduire les prières, les chants et les danses du public, jusqu’à ce qu’ils arrivent à se ressaisir. Cela leur permettait d’avoir un mouvement pendulaire entre l’évocation de l’horreur et sa suspension, et de trouver les mots pour dire leur calvaire.

Une expression créative et artistique sans enjeu de performance

Les expériences artistiques de ce type n’ont rien à voir avec une performance et la qualité du résultat en termes de beau/ pas beau ou réussi/ pas réussi est hors sujet. De même, l’analyse psychologique des créations n’est pas l’objectif. Ce qui compte est le processus de création et, dans le cadre familial ou scolaire, nous devons garder en tête la pure joie de l’acte créatif, la pure joie du faire ensemble (danser ensemble, chanter ensemble, dessiner ensemble…).

Pour aller plus loin : L’exigence de performance et la peur d’échouer déconnectent les enfants de la joie de créer : comment libérer leur créativité ?

Il s’agit d’offrir aux humains de tout âge des opportunités d’expression artistique qui soient ludiques (non imposées et sans enjeu sur le résultat). Cela suppose une relation teintée de respect et de bienveillance pour que l’enfant se sente autorisé à créer sans peur de jugement. Cela suppose également un emploi du temps et un environnement organisés de manière à prendre en compte les besoins créatifs des enfants… comme des adultes !