160 000 enfants : un manifeste pour dénoncer l’ampleur des violences sexuelles sur les enfants et les conséquences de leur déni
Ce livre, qui se veut un tract, débute par les phrases suivantes : « En France, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. Au moment où ces lignes sont écrites, au moment où elles seront lues, des enfants sont et seront victimes de violences sexuelles ».
Édouard Durand est juge pour enfants et a été à la tête de la Civiise (la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants). A travers ce livre, il veut montrer à quel point le déni des violences sexuelles sur les enfants est prégnant dans la société et à quel point les conséquences en sont désastreuses. Il dénonce l’idée selon laquelle les enfants qui parlent de ce qu’ils subissent sont des fabulateurs et que ce seraient (presque) toujours des mères qui manipulent leur enfant et qui l’emmènent au commissariat pour mentir au policier en dénonçant un « faux » inceste. Édouard Durand s’élève avec vigueur contre ces idées et rappelle à quel point les viols et les agressions sexuelles sont des violences non seulement plus fréquentes que ce qu’on voudrait bien croire, mais surtout d’une extrême gravité. Il qualifie le déni de « massif, puissant, ancien, enraciné, structuré et structurant. » Ce déni va de pair avec l’impunité des agresseurs.
Le pénis, ou la main, les doigts, les lèvres, sont au viol ce que fusil à pompe, le revolver ou le couteau sont au braquage : une arme. Dans le vocable « violence sexuelle », l’adjectif ne doit pas prêter à confusion. Le sexuel est d’ordre instrumental, toujours et exclusivement. Il caractérise la violence, perpétrée par le sexe. La confusion est de penser que parce que cette violence est sexuelle, elle est du registre de la sexualité. – Édouard Durand
Édouard Durand a écrit ce livre pour lever l’interdit qui concerne le fait de parler du viol des enfants (comme si, actuellement, cet interdit concernait plus le dévoilement des violences sexuelles que la perpétration même de ces violences). Il cite des chiffres édifiants :
- En France, parmi la population adulte, 5,5 millions de femmes et d’hommes ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance. Une personne sur dix.
- Lorsqu’un enfant révèle les violences sexuelles qu’il subit à un professionnel, celui-ci ne fait rien dans 60 % des cas.
- Plus de 70 % des plaintes déposées pour violences sexuelles sur mineurs font l’objet d’un classement sans suite.
- 3 % des pédocriminels sont déclarés coupables par un tribunal ou une cour d’assises.
Dans toutes les classes, tous les centres de loisirs, tous les clubs, toutes les institutions de soin ou d’éducation, il y a des enfants qui sont agressés sexuellement et violés. – Édouard Durand
Édouard Durant nous enjoint à croire les enfants qui dénoncent les violences sexuelles. Il rappelle que les enfants sont des personnes sérieuses, qu’ils méritent qu’on les prenne au sérieux, qu’on les croit et qu’on les protège, quel que soit leur âge. Le juge pour enfants dénonce le fait que la société ne tienne pas ses promesses envers les enfants : on ne les protège pas ou pas suffisamment. Soit une victime a peur de parler (par honte, par peur de détruire sa famille, par peur des représailles de la part de l’agresseur, par peur de faire de la peine, par peur de ne pas être crue), soit elle parle mais elle est suspectée de mentir, d’être influencée ou de vouloir en tirer un profit.
On dirait que ce n’est jamais le bon moment pour qu’une victime de viol ou d’agression sexuelle révèle les violences et désigne l’agresseur. Ce n’est jamais le bon moment, jamais la bonne manière. C’est trop tôt, trop tard, trop vague, trop précis, trop chuchoté, trop public. Jamais le bon moment, la bonne manière, le bon endroit, la bonne personne. – Édouard Durand
Édouard Durand reconnaît que parler des agressions sexuelles sur les enfants, des viols, de l’inceste fait peur. Finalement, le déni protège de la peur. Pourtant, ce déni est comme une alliance avec les agresseurs. Faire preuve de déni, c’est faire preuve de conservatisme et c’est contribuer à la continuité d’un système de domination.
Par ailleurs, Édouard Durand rappelle ce qu’est la présomption d’innocence : il s’agit d’un concept juridique, qui n’empêche pas d’accueillir la parole des victimes, ni de se forger une conviction personnelle.
Le principe de la présomption d’innocence n’a jamais été conçu pour garantir l’impunité des criminels et des délinquants, ni même pour empêcher les citoyens de dire ce qu’ils voient et ce qu’ils pensent. La présomption d’innocence ne peut être opposée aux victimes de violence pour leur interdire de dire qu’elles sont victimes de violence et de le dire comme elles pensent devoir le faire.
A travers ce livre-manifeste, Édouard Durand nous invite à faire partie du mouvement social qui a commencé à se constituer sur le sujet.
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