Mon enfant ne veut pas s’habiller et c’est la crise : comment faire ?

Mon enfant ne veut pas s'habiller et c'est la crise _ comment faire _

Crédit illustration : freepik.com

Oublier que c’est un enfant !

Un enfant est avant tout un être humain à part entière avec une dignité à respecter et des besoins aussi légitimes que ceux des adultes. Entrer en relation avec les enfants sans tomber dans l’autoritarisme (“j’ai raison et tu as tort”) ou la négligence (“fais ce que tu veux, je ne veux pas savoir”) passe inévitablement par cette conviction que les enfants ont autant le droit au respect que n’importe quel autre humain. 

La question n’est plus alors : comment faire pour que mon enfant s’habille ? mais comment entrer en relation avec l’enfant qui ne veut pas s’habiller ?

Selon notre niveau de disponibilité émotionnelle (en lien avec notre fatigue, notre niveau de stress, notre forme physique, le niveau de votre réservoir affectif), nous n’aurons pas les mêmes réactions. Plus nous avons de ressources intérieures, plus nous pouvons faire preuve d’empathie envers l’enfant et nous exprimer de manière personnelle et authentique (nos émotions, nos besoins); moins nous avons de ressources, plus nous risquons de basculer dans la violence (mieux vaut donc passer le relais ou faire une pause). Ce mécanisme attire l’attention sur l’importance de penser à nourrir fréquemment nos propres besoins : prévenir la violence par le fait de s’accorder le plus souvent possible des petits moments à soi au quotidien et de vivre une vie pleine de sens (travail, organisation quotidienne, choix de vie…).

Faire preuve d’empathie envers l’enfant

Faire preuve d’empathie, c’est se mettre à la place de l’enfant pour creuser derrière ce qu’il donne à voir et à entendre. Cela peut ressembler à cela :

Quand il/ elle se dit qu’il ne veut pas s’habiller, qu’est-ce qui se passe dans son cœur ? Ça a l’air de ressembler à de l’irritation parce qu’il/elle a besoin d’autonomie, de décider par lui-même, de maîtriser son temps. Il/elle n’a pas envie d’aller à l’école, il/elle avant encore envie de jouer.

Une fois identifiées les motivations de l’enfant, il est possible de les lui refléter par le biais de l’écoute empathique : Quand tu ne t’habilles pas, tu te sens triste parce que tu voudrais faire tout seul/ que tu voudrais continuer à jouer/ voudrais décider toi-même quoi porter ? Tu as envie de faire ce que toi, tu aimes faire à ta manière et quand tu le veux mais pas ce que les adultes te disent ou décident pour toi ? C’est quelque chose comme ça ?

Ce type de formulation permet à l’enfant de se détendre car il se sent compris, entendu dans ses émotions et ses besoins. L’enfant va peut-être émettre une réponse de ce type : Oui, c’est toujours toi qui décides, j’aime pas faire ce que toi tu aimes faire, j’en ai marre !

L’écoute empathique sera là encore d’une grande aide pour maintenir le lien : Tu es fâché contre moi parce que tu aimerais être traité comme tous les autres, comme les grands ?

Parfois, l’écoute empathique suffit à débloquer la situation car l’enfant voit ses besoins d’empathie, de compréhension et de reconnaissance reconnus. Il va pouvoir alors coopérer sans avoir besoin de résister pour défendre sa dignité. 

Parfois, l’écoute empathique ne suffit pas et nous pouvons alors exprimer comment NOUS nous sentons et ce dont nous avons besoin (sans que cela passe par des accusations ou des menaces sur l’enfant).

Faire le point sur nos propres émotions et besoins et les exprimer

S’il y a conflit, c’est forcément que les besoins de l’enfant sont différents de ceux des adultes et qu’ils apparaissent (à première vue) irréconciliable.

Nous pouvons marquer une pause pour prendre le temps de faire le point sur nos propres motivations. Cela pourrait ressembler à quelque chose comme :

Je me sens tellement découragée quand mon enfant n’obéit pas. Je suis aussi exaspéré parce que mon emploi du temps est serré, qu’il y a un planning à respecter et j’ai besoin de faire bon usage de mon temps et de mon énergie. Et en plus, je pense que je suis laxiste et que mon enfant va devenir un tyran si je me montre trop empathique. C’est bien gentil l’éducation bienveillante mais on a des horaires à respecter dans la vraie vie ! Il faut bien se conformer à la vie en société à un moment ou un autre. C’est ça, je crois que ces pensées et ma peur, dissimulée par ma colère, me montrent que c’est important pour moi de respecter les règles de la vie collective et que j’ai à cœur que mon enfant trouve sa place dans la société.

Le fait de mettre au jour nos émotions et nos besoins de manière authentique en allant creuser les motivations profondes nous procurent déjà une sensation de soulagement. Nous pouvons ensuite partager nos émotions et besoins avec l’enfant dans un langage personnel que l’enfant peut comprendre.

C’est ce que les pratiquants de la Communication NonViolente appellent le langage “girafe de rue”. La langue girafe “de rue” porte une intention de connexion et vise à être exprimé hors de soi. Cette langue girafe n’a pas de forme prédéfinie mais se caractérise par un passage interne aux étapes de la Communication NonViolente et une intention de connexion empathique.

Les étapes de la Communication NonViolente correspondent au processus OSBD (Observation, Sentiment, Besoins, Demande) :

  • O : observation neutre, objective, comme une caméra qui filmerait la scène (plutôt que pensées, jugements, interprétation)
  • S : sentiment, émotion éprouvée et ressentie comme personnelle (plutôt que messages accusant l’autre et le rendant responsable de nos ressentis internes)
  • B : besoins fondamentaux insatisfaits (plutôt que stratégies ou moyens exigés pour satisfaire ce besoin)
  • D : demande dans un langage positif d’action et réalisable dans un laps de temps donné (plutôt qu’un voeu formulé en langage négatif – ce qu’on ne veut pas -, en langage non concret, ou une exigence non négociable).

La langue girafe de rue peut prendre autant de formes que l’interaction précise avec cette personne précise (ici l’enfant) dans cette situation précise appelle :

  • un temps de silence, une empathie silencieuse
  • un langage habituel, courant, personnel, clarifié en nous-même grâce au passage par les quatre étapes OSBD
  • ne choisir qu’une à trois étapes du processus OSBD dans une interaction afin de ne pas tomber dans un langage mécanique, manquant d’authenticité
  • habiller ces étapes d’un langage adapté à l’interlocuteur.trice

Pour aller plus loin : Les deux langues girafe en Communication Non Violente (ou pourquoi la CNV paraît parfois artificielle et non naturelle)

Une fois que les émotions et besoins ont été exprimés, on pourra demander à l’enfant : Je voudrais savoir ce que ça te fait quand je te dis ça.

 

Parfois, l’expression authentique de nos émotions et besoins suffit à débloquer la situation parce que l’enfant est enfant capable d’entendre le langage du cœur à partir du moment où l’intention s’inscrit dans un rapport d’égale dignité. Dans une telle démarche, une relation coopérative se met en place.

 

Dans certains cas, l’écoute empathique et l’expression authentique des émotions ne permettront pas le déblocage de la situation.

Quoiqu’il en soit, il est important d garder en tête que tous les outils de l’éducation non violente ne sont pas des baguettes magiques pour faire faire aux enfants des choses qu’ils n’ont pas envie de faire et que la colère, la résistance sont des réactions normales face à la frustration et à la défense de la dignité personnelle (en lien avec le besoin d’autonomie). Plus un adulte exige que l’enfant obéisse immédiatement, plus l’enfant résiste (et c’est un mécanisme biologique sain). Les colères des enfants ont une fonction biologique au service de la vie : elles réparent face à l’impuissance et au non respect des limites personnelles.

L’éducation non violente, c’est ne pas raisonner en termes de tort ou raison mais en termes de conciliation des besoins (ceux des adultes et ceux des enfants) et d’intentions positives pour le lien parents/ enfants.

Mon enfant ne veut toujours pas s’habiller et c’est trop difficile

Demander du soutien, passer le relais

Forcer, ordonner, punir est coûteux pour la relation à court terme mais aussi à long terme. Passer le relais (quand c’est possible, étant maman solo, je sais bien que ce n’est pas toujours possible) peut éviter de passer de la colère à la violence.

Passer par le jeu (la parentalité ludique)

Aletha Solter, psychologue spécialiste du développement des enfants, rappelle pourquoi la parentalité ludique est importante en insistant sur la motivation que nous voulons que nos enfants aient quand ils agissent. Nous avons souvent tendance à nous demander uniquement comment nous voulons que nos enfants se comportent. Cette approche peut nous conduire à adopter une approche en termes de punition/ récompenses de l’éducation puisque les punitions et les récompenses sont efficaces pour faire “obéir” les enfants… du moins à court terme. Si nous acceptons de faire un pas de plus, nous pouvons alors nous demander : « Quelle motivation est-ce que je désire que mon enfant éprouve à améliorer son comportement ? »

Dans son livre Développer le lien parent-enfant par le jeu, Aletha Solter donne plusieurs exemples pour illustrer la différence entre une approche punition/ récompense et une approche coopérative/ ludique :

  • Désirez-vous que votre fille de quatre ans cesse de tirer la queue du chat afin d’éviter la mise au coin, ou parce qu’elle respecte les animaux ?
  • Voulez-vous que votre fils de six ans dresse la table pour gagner des bons points qui mériteront une récompense en fin de semaine, ou parce qu’il se sent membre de la famille et veut y participer ?
  • Désirez-vous que vos enfants s’entendent gentiment entre eux parce qu’ils ont peur d’être renvoyés dans leur chambre à la moindre bagarre, ou parce qu’ils s’aiment vraiment et ne veulent pas se faire mutuellement du mal ?

Voici quelques idées qui peuvent être utiles face à un enfant qui ne veut pas s’habiller :

  • Mettre de la musique : “Il est temps de chanter notre chanson de l’habillage.”/ “On va mettre la chanson des Ronchonchon pour se détendre”
  • Passer un message avec une voix différente (voix de robot, de Donald Duck…) ou dans la peau d’un personnage (ex : une hôtesse de l’air ou un stewart qui dit avec ses gestes : « La sortie de la maison, c’est par ici ! Assurez-vous d’être bien couverts avant votre sortie, la température locale annoncée est de 5°. Nous vous remercions d’avoir voyagé avec Air Maman/ Air Papa et vous souhaitons une agréable journée.  »
  • Lancer un défi : “Cap ou pas cap de mettre tes chaussures avant moi ?” (en lançant l’enfant gagner)
  • Proposer une activité créative : “On va inventer une danse/ une comptine de l’habillage”
  • Utiliser une peluche ou un personnage (ou des chaussettes en marionnettes) en tant que médiateur : “Gros chien dit qu’il a froid et qu’il est temps de s’habiller.” / “Doudou dit qu’il a besoin de quelqu’un pour lui montrer comment mettre des chaussures”.
  • Recourir aux absurdités (ex: mettre les chaussettes sur les mains et la culotte sur la tête; papa met les chaussures de l’enfant)
  • Faire le contraire de la norme : “Surtout, tu ne dois pas mettre tes chaussures tant que j’ai le dos retourné; C’est absolument interdit : les parents doivent toujours regarder les enfants quand ils mettent leurs chaussures.”

Solliciter l’intelligence

Solliciter l’intelligence des enfants peut passer par des questions pour aider les enfants à réfléchir et construire leur auto-discipline.

Quelle est la météo aujourd’hui ?

Il pleut.

Ah oui, tu as raison ! Quelles chaussures pourrais-tu mettre pour ne pas te mouiller les pieds ?

Attention cependant à ne pas noyer les jeunes enfants sous des choix, des demandes et des suggestions qu’ils ne sont pas capables de gérer. Les jeunes enfants (moins de 5 ans) ont avant tout besoin d’instructions claires et bienveillantes.

Utiliser un tableau des routines (ou donner des repères temporels et spatiaux clairs)

Une vision d’ensemble permet à l’enfant de se positionner dans le temps et dans l’espace. Les fonctions neurologiques des jeunes enfants (qui permettent de mettre les choses en perspective et de planifier) ne sont pas encore bien développées : ils ont besoin de l’aide d’adultes pour comprendre ce qui se passe autour d’eux, pour donner du sens au monde extérieur et y prendre une place en comprenant ce qui est attendu d’eux.

Donner une vision d’ensemble prépare le terrain et facilite les transitions en les anticipant.

Les enfants, jusqu’à l’âge de 5 ou 6 ans, ont besoin qu’on leur dise précisément comment procéder. Il est essentiel de dire quelle est la direction prise puis de donner des instructions aussi claires que possible, dans le bon ordre. Pour autant, inutile de bombarder l’enfant de trop d’informations : mieux vaut donner les consignes les unes après les autres, au moment voulu (plutôt qu’annoncer une suite de consignes que l’enfant oubliera dans le feu de l’action).

Par exemple :

Direction (vision d’ensemble) : Nous allons partir bientôt parce que nous devons aller chercher ton frère au basket. 

Instructions (vision détaillée) : Viens m’aider à mettre ton goûter dans le sac à dos. Ensuite, nous mettrons les chaussures dans l’entrée et le manteau. 

Cela peut également passer par la mise en place d’un tableau des routines ou des pictogrammes affichés de manière visible pour indiquer ce qui est à faire dans l’ordre. Un simple rappel de la routine imagée aidera l’enfant à faire ce qu’il a à faire.

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Pour aller plus loin : Gérer le stress du matin avec les enfants