De l’obéissance à la responsabilité : faire vivre la bienveillance dans les relations enseignants/ élèves

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Dans leur livre De l’obéissance à la responsabilité. Compétence relationnelle en milieu pédagogique, Jesper Juul et Helle Jensen insistent sur l’importance de l’acquisition de compétences relationnelles de la part des enseignants et autres professionnels de l’éducation.

Juul et Hensen définissent la compétence relationnelle comme “un moyen de mettre en œuvre les valeurs que nous considérons comme fondamentales et d’atteindre ce faisant un niveau de qualité dans la relation adulte-enfant qui serve au mieux les deux partenaires et les objectifs pédagogiques fondamentaux”.

 

Selon ces deux auteurs, la compétence relationnelle dans le cadre des professions d’éducation se définit :

  • d’une part par l’art du pédagogue : la capacité du professionnel de l’éducation à voir chaque enfant tel qu’il est et à adapter en conséquence son propre comportement (tout en maintenant son propre leadership et sa capacité à être authentique dans le contact avec les élèves);

 

  • d’autre part par l’éthique du pédagogue : la capacité et la volonté du professionnel d’assumer l’entière responsabilité de la qualité de la relation.

 

4 valeurs essentielles à faire vivre dans les relations enseignants/ élèves

Juul et Jensen définissent 4 valeurs essentielles que les professionnels de l’éducation peuvent utiliser pour construire des compétences relationnelles solides et de qualité :

1.Voir vraiment les enfants en dehors des étiquettes et au-delà de ce qu’ils donnent à voir

Pour Juul et Jensen, “voir” les enfants signifie voir ce qui se cache derrière les comportements (sans pour autant vouloir décortiquer l’histoire de l’enfant et entrer dans la psychanalyse).

Cela peut être avant tout vouloir dire la capacité de l’adulte à recueillir ces éléments d’information, à affiner constamment l’image qu’il a de l’enfant, en tenant compte de ce qu’il “voit” de supplémentaire et à l’exprimer dans un langage reconnaissant. La reconnaissance crée chez l’autre l’expérience d’être “vu” alors qu’un langage normatif et porteur de jugements conduit au sentiment d’être mis à nu, pointé du doigt ou exposé. – Jesper Juul et Helle Jensen

Cela sous-entend de ne pas se contenter des mots et des comportements d’un enfant mais d’entendre le message (les émotions et les besoins) sous les mots prononcés et les actes posés.

Raisonner en termes d’émotions, de besoins et d’empathie permet de prendre les enfants au sérieux et de construire une relation mutuellement respectueuse.

Pour aller plus loin : 6 nouvelles manières de raisonner pour une coéducation émotionnelle

 

2.Leadership (autorité personnelle plutôt que considérée comme allant de soi du fait d’une fonction ou de l’âge)

Le leadership est entendu comme la capacité à planifier et à mettre en œuvre des processus pédagogiques qui ne portent pas atteinte à la dignité des enfants et adolescents. Par exemple, empêcher les élèves d’aller aux toilettes ou de boire pendant les cours peut être questionné au regard des droits humains fondamentaux : ces interdictions respectent-elles la dignité des élèves (qui sont des humains) ?

Le leadership s’incarne dans une autorité personnelle qui passe par un langage personnel, authentique qui parle de soi et non de normes ou injonctions (du type “Il faut…”, “Vous devez…”, “C’est comme ça” ou “On a toujours fait comme ça”). Cette autorité personnelle basée sur qui nous sommes et pas sur les rôles que nous croyons devoir jouer (le “bon” prof).

Le langage personnel de l’autorité personnelle s’exprime par le JE (je suis fatiguée plutôt que tu me fatigues, je suis à bout plutôt que tu me pousses à bout, je te demande/ je veux plutôt que fais ci/ dépêche toi de… ). Le langage personnel est l’essentiel du message et permet de parler de nos limites (plutôt que poser des limites).

Les adultes doivent autant le respect aux jeunes que les jeune doivent le respect aux adultes.

Lire aussi : Les enfants insolents : que nous disent-ils ? Et si nous redéfinissions l’insolence ?

 

3.Authenticité (présence personnelle dans la relation, empreinte de vulnérabilité)

L’authenticité est la capacité de l’adulte à être présent dans la relation, professionnellement et personnellement.

Je trouve que cette notion d’authenticité est proche de celle de vulnérabilité. Faire preuve de vulnérabilité a toujours à voir avec le fait d’être en vie, d’être en relation. La vulnérabilité est au cœur des émotions car ressentir, c’est être vulnérable.

En tant que professionnels de l’éducation, exprimer ses émotions à la bonne intensité et au bon moment, c’est créer un lien vivant avec les élèves. Oui, parfois, nous sommes excédés, nous nous sentons impuissants, nous éprouvons de la lassitude face à leurs comportements et nous pouvons le leur dire sans pour autant les accuser ou les agresser.

Parfois aussi, nous sommes fiers d’eux, nous éprouvons de la joie et de l’enthousiasme à travailler avec eux, nous leur sommes reconnaissants pour un bon travail ou une ambiance de travail agréable. Là encore, nous pouvons leur exprimer notre gratitude et notre plaisir.

La vulnérabilité est fondée sur la réciprocité et la confiance. La confiance est un processus lent et progressif qui se construit à partir de petits moments du quotidien. La confiance se nourrit de micros instants où on “est là” pour l’autre, où on prend la décision d’entrer en contact avec l’autre. Ces micro-moments ont toute leur place dans la relation enseignants/ élèves.

Pour aller plus loin : Aimer les élèves : de quelle sorte d’amour parle-t-on dans la relation élève/ enseignant ?

 

4.Responsabilité (les enfants sont cocréateurs de la relation pédagogique mais pas coresponsables)

Juul et Jensen affirment que les adultes sont toujours responsables de la qualité de la relation entre adultes et enfants ou adolescents. Les deux auteurs regrettent que les élèves (et leurs parents) soient souvent décrits comme la cause des relations professionnelles insatisfaisantes ou des conditions de travail dégradées des enseignants. Il semble plus facile de faire porter la responsabilité de la relation et de l’échec scolaire aux élèves (sous la forme de reproches sur le manque de travail ou de critiques sur les parents sur-protecteurs).

Pourtant, il y aurait beaucoup à interroger concernant la formation des professionnels de l’éducation sur la manière de communiquer, de créer de la relation (avec les élèves mais aussi avec les autres adultes), de faire preuve d’empathie et d’assertivité en même temps.

C’est sans compter l’aménagement de l’environnement scolaire : classe, cour de récréation, possibilité de jouer librement, contact avec la nature, nombre d’élèves par classe… L’organisation même du système scolaire à plus grande échelle entre également en compte (stress des examens, esprit de compétition entre les élèves induit par les classements et les comparaisons, reproduction des inégalités sociales, faibles salaires des enseignants, relation compliquée avec la hiérarchie, faible qualité de la formation professionnelle initiale mais aussi continue).

Les enfants et les adultes qui ne s’épanouissent pas ont exactement les mêmes besoins dans leurs relations significatives : être vus, entendus et pris au sérieux. Il n’y a rien dans le cadre de référence, les objectifs ou les ressources des établissements scolaires et éducatifs qui empêcheraient que ces qualités puissent faire partie intégrante du comportement professionnel des adultes.

Dans le cas où les signaux comportementaux de l’enfant ne s’atténuent pas ou ne cessent pas, il est nécessaire de faire une évaluation psychosociale incluant les parents et potentiellement d’autres professionnels. Même s’il s’avère alors que l’enfant est confronté à des graves problèmes familiaux et/ou qu’il doit subir des examens psychiatriques ou psychologiques, cela ne change en rien son besoin fondamental et actuel de relations éducatives dignes de confiance et empreintes de responsabilité. – Jesper Juul et Helle Jensen

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Source : De l’obéissance à la responsabilité. Compétence relationnelle en milieu pédagogique de Jesper Juul et Helle Jensen avec une préface de Catherine  Gueguen (éditions Fabert). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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