Origine des comportements violents : ni tout génétique, ni tout environnement/ éducation
Dans son livre Neurobiologie des émotions, Catherine Belzung relate une étude publiée en 2002 par Caspi et ses collaborateurs au sujet de l’influence de l’environnement sur l’expression des gènes, notamment en ce qui concerne la relation entre violence, gènes et éducation bientraitante.
La finalité de cette étude est de déterminer si un seul facteur (génétique ou environnemental/ éducatif) expliquerait, à lui seul, le comportement violent d’un humain.
Cette étude a porté sur 11 037 enfants néo-zélandais, suivis depuis leur naissance jusqu’à l’âge de 26 ans. Les chercheurs disposaient d’informations au sujet du patrimoine génétique et des conditions de vie de ces enfants. Ainsi, 8% de ces enfants avaient subi des maltraitances sévères, entre l’âge de 3 et 11 ans. En parallèle, des données étaient disponibles sur les différents variants du gène de la MAO-A de ces enfants, ainsi que sur leurs comportements antisociaux à l’âge adulte.
Cette étude suit les travaux menés par des chercheurs hollandais (Brunner et coll., 1995) sur le gène de la MAO-A. Dans cette étude hollandaise, les chercheurs ont décrit la mutation d’un gène qui pourrait être liée à une criminalité plus élevée. Le gène en question permet la fabrication d’une molécule, la monoamine oxydase de type A (MAO-A), qui dégrade certains neurotransmetteurs comme la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine. Il existe deux formes (appelées variants ou allèles) de ce gène et, selon le variant, l’effet de la molécule sera plus ou moins grand, c’est-à-dire que les neurotransmetteurs seront plus ou moins bien détruits. En conséquence, le comportement de la personne est modifié. Catherine Belzung souligne que les données de cette étude peuvent aboutir à l’idée simple selon laquelle le gène de la MAO-A produit des comportements violents.
Pourtant, l’étude de Caspi a montré que, même si les personnes porteuses de l’allèle qui permet une moins bonne fabrication de la MAO-A sont plus agressives, elles le sont seulement dans le cas où elles ont subi des maltraitances durant leur enfance. Les sujets qui n’ont pas subi de maltraitance ont un comportement identique à celui des porteurs de l’autre allèle.
Catherine Belzung remarque que, en parallèle, les données indiquent que la maltraitance subie dans l’enfance ne suffit pas à elle seule pour générer un comportement violent chez les personnes porteuses de l’autre allèle. Cela signifie que ni les gènes, ni l’environnement de la petite enfance n’expliquent à eux seuls le comportement du sujet adulte.
Pour dire les choses autrement, le variant génétique ne produit pas les comportements agressifs, mais est plutôt associé à une prédisposition à développer des comportements violents dans le cas où le sujet a rencontré un environnement hostile au cours de son développement. On pourrait dire aussi, en tournant la proposition dans le sens opposé, plus optimiste, que même lorsque des sujets ont des gènes associés à des comportements indésirables, un environnement favorable les protège contre les effets néfastes de leur patrimoine génétique. – Catherine Belzung
Catherine Belzung estime que les travaux de Caspi nous permettent de ne pas nous contenter d’une explication monocausale à la violence : un comportement n’est jamais « tout génétique » ou « tout environnement ». Ces deux phénomènes semblent plutôt intriqués, causant la grande diversité des comportements humains.
Ainsi, l’environnement dans lequel un humain évolue peut favoriser (ou au contraire défavoriser) des comportements violents car l’expression des gènes est directement et durablement modifiée par le milieu. On comprend d’autant plus l’intérêt de la diffusion des informations autour de
- l’éducation bientraitante (informations sur les besoins affectifs des enfants, outils de parentalité positive, ressources pour accompagner les émotions des enfants, stades de développement des enfants, théorie de l’attachement…);
- des obstacles que les parents peuvent rencontrer sur leur chemin vers la bientraitance éducative (mémoire traumatique, style d’attachement adulte, contexte culturel, politiques familiales et organisation sociale…).
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Source : Neurobiologie des émotions de Catherine Belzung (éditions Uppr). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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