S’engager dans la parentalité positive, c’est changer de paradigme

Parentalité positive _ raisonner en termes de besoins plutôt qu'en termes de limites

La parentalité positive, une autre perspective

L’éducation bienveillante/ positive/ non violente ne donne pas des enfants tyrans. Au contraire, tous les tyrans de la terre ont eu des enfances violentes, avec des parents autoritaires (Alice Miller le montre bien dans son livre C’est pour ton bien). Pourtant, de nombreux ouvrages éducatifs sont encore empreints d’éléments psychanalytiques : les enfants y sont décrits comme des êtres de pulsion avec des désirs de domination sur leurs parents. Dans cette perspective, si l’enfant ne rencontre pas de limite, alors il va fatalement chercher (et parvenir) à prendre le pouvoir.

La parentalité positive ouvre une autre perspective en s’appuyant sur la théorie de l’attachement. L’enfant vient au monde avec des besoins et cherche à satisfaire ses besoins d’appartenance, de croissance et d’exploration. En conséquence, l’enfant cherche à la fois à se relier (donc à bien faire pour être intégré au groupe) tout en explorant : attachement et exploration vont toujours ensemble. Ainsi, on comprend que tous les humains sont doués de libre arbitre et qu’ils ont un besoin irrépressible de l’exercer : quand les adultes posent des limites aux enfants, ces derniers cherchent à les transgresser.

L’éducation positive propose des outils pour permettre aux parents de se désengager des luttes de pouvoir dans lesquels ils s’enferment par mécompréhension du développement de l’enfant et manque de ressources alternatives.

La parentalité positive, c’est réellement changer de paradigme. Par exemple, face à un enfant qui emmène ses cartes Pokemon à l’école alors que c’est interdit, plusieurs options s’ouvrent :

  • prononcer un seul mot plutôt qu’une grande discussion ou qu’une leçon de morale (dans le calme parce qu’on a mis en place des codes de ce type avant) : “Cartes”;
  • valoriser ce que l’enfant a bien fait jusqu’à maintenant (ex : s’habiller rapidement, préparer son cartable la veille…) avant de rappeler la règle;
  • utiliser l’écoute empathique pour comprendre ce qui a pu motiver l’enfant (ex : “Tu avais envie de montrer ta nouvelle carte à tes copains/ tu aimerais changer la règle et pouvoir emmener tes cartes à l’école”).

L’éducation positive est une philosophie qui invite à construire à long terme plutôt qu’à réagir au moment de la crise. On construit du lien, on enseigne des compétences émotionnelles et relationnelles, on nourrit les besoins physiologiques et affectifs en amont pour éviter que parents et enfants explosent.

L’amour est du carburant et, quand les enfants manquent de carburant, il y a des manqués, des débordements émotionnels. L’amour doit toujours aller de pair avec l’autonomie : manifester de l’amour ET permettre des espaces de liberté, de choix aux enfants.

La parentalité positive peut être un apprentissage long et difficile

Pour autant, désapprendre nos automatismes (punir, crier, récompenser, menacer…) est difficile et peut prendre plus de temps quand l’enfance des parents a été empreinte de maltraitance ou de violence éducative ordinaire.

Il est important de garder un sentiment sain de culpabilité en lien avec nos erreurs éducatives et d’oser faire preuve de vulnérabilité pour dire aux enfants que nous avons fait des erreurs. Cela permet aux enfants de comprendre que ce n’est pas de leur faute si nous avons crié ou perdu patience. Savoir reconnaître nos erreurs et nous excuser fait du bien aux enfants et à nous-mêmes parce que cela répare la relation et ouvre la voie à des changements.

Par ailleurs, c’est toute la société qui serait à repenser pour accorder plus de temps de qualité entre parents et enfants (moins de pression au travail, moins de devoirs, des congés maternité et paternité plus longs, des aménagements de la ville plus favorables aux jeu libre en extérieur…).

Pour aller plus loin : Bien sûr qu’être bien traitant.e, c’est difficile (et beaucoup plus qu’on ne le croit…)

La colère des parents

Il est rare que la colère des parents contre les enfants soit justifiée :

  • nos explosions de colère contre les enfants sont souvent le fruit d’autres frustrations non exprimées auparavant et qui finissent par se déverser sur les enfants, par définition faibles et dépendants;
  • la colère est souvent une “deuxième” émotion dans le sens où elle cache de la peur (ex : je crie sur mon enfant parce qu’il a traversé la route sans regarder) ou de la honte (ex : j’ai honte du jugement des autres parents quand mon enfant dit un gros mot);
  • souvent aussi, nous avons l’impression que notre enfant nous manipule ou nous cherche, qu’il veut prendre le pouvoir sur nous. Pourtant, un enfant cherche très rarement à manipuler ses parents et notre colère est le fruit d’une interprétation de notre part en fonction de nos croyances et de l’influence des théories psychanalytiques.

Quand on est sur le point d’exploser, il est possible de mettre en place un code : par exemple, dire “panier de chats” comme signal pour tous se faire un gros câlin comme une famille de chats ou alors “karaté chaussettes” comme signal pour foncer sur le lit et enlever les chaussettes les uns des autres. Il est également possible de faire parler une marionnette ou un doudou de manière humoristique pour exprimer notre énervement et passer le message.

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Raisonner en termes de besoins plutôt qu’en termes de limites

Il est utile de garder en tête cette image : quand le lait déborde, on ne met pas le couvercle sur la casserole, on éteint le gaz. On peut raisonner de cette manière avec les enfants : rien ne sert de se mettre en colère contre un enfant en crise, l’urgence étant d’éteindre le gaz (= ce qui alimente la crise émotionnelle). Un enfant qui déborde est un enfant qui a des besoins insatisfaits. Il y a donc toujours une ou des causes à explorer.

Les jouets et les bonbons

Par exemple, quand un enfant réclame à corps et à cris un jouet ou des bonbons, il est très probable que ce soit un désir et non pas un besoin. C’est le besoin derrière le désir qui est à trouver : besoin d’attachement, de contact, de lien ? besoin d’exploration, d’autonomie, de libre arbitre ? besoin de calme, d’orientation (le stress étant souvent le fruit d’une désorientation par manque de repères) ?

Comme les enfants ne savent pas (encore) formaliser et s’exprimer avec des mots explicites, c’est aux adultes de traduire les comportements difficiles en émotions et besoins.

Les écrans

Ce raisonnement en terme de besoins, d’émotions et d’attachement s’applique également aux écrans. Face à un enfant qui a du mal à décrocher des écrans, plusieurs options sont envisageables :

  • accorder de l’empathie au désir de l’enfant (lire cet article sur l’écoute empathique),
  • chercher pourquoi enfant veut jouer à ce point (ex : besoin d’affiliation aux copains qui jouent en réseau),
  • proposer des alternatives aux écrans (jouer dehors, passer du temps dans la nature, proposer des temps de jeux libres non dirigés par des adultes, offrir des opportunités d’être en contact avec d’autres enfants d’âge mélangés, du temps partagé et de qualité en famille),
  • éviter les écrans avant l’école.

Les enfants d’aujourd’hui ne sortent pas suffisamment dehors et ne bougent pas assez. Ils n’ont pas forcément besoin de se calmer mais surtout de décharger leur énergie.

Le coucher et le sommeil

Le coucher et le sommeil des jeunes enfants est une grande source de malentendus dans les sociétés occidentales.

Le nouveau  carnet de santé incite les parents à garder l’enfant dans la chambre parentale pendant les 6 premiers mois de vie de l’enfant. Jusqu’à 4 ans, presque tous les enfants reviennent dans la chambre de leurs parents plus ou moins tôt et longtemps dans la nuit. Dans de nombreuses cultures, l’enfant reste dans la chambre parentale jusqu’à 6 ou 7 ans. Ce comportement est naturel car les humains sont une espèce sociale : nous cherchons la sécurité auprès des personnes qui nous sont proches. Plus nous sommes stressés, plus nous cherchons la sécurité.

Ainsi, un enfant qui revient régulièrement dans la chambre de ses parents, qui ne veut/ peut pas dormir seul a des besoins et n’est pas anormal.

En revanche, quand un enfant était capable de dormir dans sa chambre mais revient subitement dormir avec ses parents, il y a des besoins à explorer. L’enfant a-t-il connu un stress, des changements ces derniers temps ? Qu’est-ce qui pourrait motiver cette recherche de sécurité nouvelle ? Une manière efficace de répondre à ces questions est de passer par le jeu. A travers le jeu (avec des personnages type Lego ou Playmobil), l’enfant peut raconter symboliquement ce qui se passe dans son cœur. En cas de gros blocages qui durent, un accompagnement thérapeutique peut s’avérer utile.

Une fois que le souci d’insécurité a été mis au jour et traité, il est possible de laisser le choix à l’enfant : tu veux dormir dans ta chambre ou dans la chambre de papa et maman ce soir ? Il y a de grandes chances pour que, une fois son besoin de sécurité reconnu et comblé, l’enfant choisisse à un moment de retourner dans sa chambre pour assouvir son besoin d’autonomie et d’exploration (les enfants ont d’abord besoin de bien s’attacher avant de pouvoir se détacher).

Par ailleurs, il est important de repérer le moment où l’enfant a sommeil. Certains enfants ont besoin de se coucher plus tôt et il se peut qu’un enfant agité et demandeur d’attention en soirée soit simplement en manque de sommeil.

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Source : émission du 6 mars 2019 sur RCF – La parentalité positive a-t-elle des limites ? avec Isabelle Filliozat