Dépêche-toi ! C’est pas grave ! Attention, tu vas tomber ! : réfléchir à la manière dont nous nous adressons aux enfants
Dans son livre Une journée Montessori : mettez en pratique la parentalité positive au quotidien !, Audrey Zucchi constate que, en tant qu’adultes, nous ne supporterions pas le quart des injonctions, ultimatums ou directives que reçoivent les enfants à longueur de journée. Nous n’oserions d’ailleurs pas nous adresser à des adultes comme nous nous adressons aux enfants. Audrey Zucchi propose de réfléchir à la manière dont nous nous adressons aux enfants afin d’améliorer la qualité de la relation que nous entretenons avec eux et leur montrer plus de respect.
Attention, tu vas tomber !/ Attention, c’est dangereux.
Une consigne négative risque d’entraîner une image négative dans la tête de l’enfant et peut le conduire précisément vers l’action redoutée. Il est plus efficace de se rapprocher de l’enfant afin d’exprimer nos craintes dans un langage personnel (“j’ai peur que…”) et de lui demander s’il a une solution pour sécuriser son action. On est ici dans un accompagnement qui permet à l’enfant de construire des compétences.
Exemples :
- Quand on joue avec un bâton, on a besoin d’espace pour ne pas risquer de blesser les autres. Penses-tu qu’il y a assez d’espace dans cet endroit ? Où pourrais-tu jouer avec ton bâton de manière plus sûre ?
- Garde un bout de ton bâton au sol./ Quels sont tes projets avec ce gros bâton ?
- Avant de courir vers quelqu’un, assure toi qu’il/ elle t’a vu arriver.
- Est-ce que cette branche te semble assez solide ? Comment t’en assurer ?
Dépêche-toi !
Comme le rappelle avec malice Thomas d’Ansembourg, les enfants ne s’appellent pas “dépêche-toi !”. Nous pouvons donner des consignes simples dans un langage positif (ce que nous attendons) du type : «Chaussures, manteaux! Nous partons dans cinq minutes pour l’école ! »
Lire aussi : 14 propositions pour remplacer les “Dépêche-toi” et autres “Moi, je m’en vais !”
C’est rien/ c’est pas grave.
Lorsqu’un enfant se blesse ou connaît une peine, nous sommes tentés de minimiser sa douleur ou sa peur. Nous le faisons souvent avec de bonnes intentions : pour éviter une émotion désagréable à l’enfant et pour faire taire notre inquiétude de parent. Pourtant, une émotion a plutôt besoin d’être reconnue et verbalisée et nous pouvons refléter à l’enfant son ressenti physique et émotionnel : «Tu es tombé et tu as eu peur. C’est normal, c’est vrai que ça fait peur.» Dire “c’est pas grave !” nie l’intensité de l’émotion, nie le vécu de l’enfant et empêche la décharge de l’émotion.
Pour la petite anecdote, je me souviens d’une réflexion de ma mère quand ma fille était encore petite. Ma mère était tombée et s’était égratigné le genou. Elle a alors dit : “C’est vrai qu’on dit tout le temps aux enfants que c’est rien, mais ça fait vraiment mal en fait”. Cette anecdote m’a marquée à deux titres : en tant qu’adultes, on a souvent tendance à ignorer les souffrances (affectives et physiques) des adultes et, même à l’âge adulte, on a besoin que nos souffrances soient comprises, accueillies et reconnues.
N’aie pas peur !/ Arrête de pleurer !
Accueillir les émotions des enfants sans chercher à agir sur elles est un enjeu de la non violence et un défi pour nous, adultes. Quand les enfants expriment de la peur, que ce soit avec des mots ou même à travers leurs corps (corps raide, visage figé, regard noir ou perdu, mouvement de retrait ou de fuite), nous la devons reconnaître pour ce qu’elle est : un signal d’alarme face à une menace, réelle ou perçue par l’enfant comme telle. Nous pouvons mettre des mots sur l’expérience de peur de l’enfant. Accueillir les émotions, c’est commencer par dire OUI à soi et à l’enfant : OUI, c’est vrai que cela peut faire peur. Cet accueil émotionnel est valable pour les enfants comme pour les adultes.
Refléter les émotions de l’enfant peut passer par des phrases du type :
- Je vois que ça te fait peur…
- Tu y penses souvent, c’est ça ?
- C’est normal d’avoir peur dans cette situation. La peur est nécessaire face au danger. C’est la peur qui nous pousse à nous protéger.
Que tu es maladroit !
Les enfants sont capables de se rendre compte quand leur maladresse entraîne des conséquences fâcheuses. Il est inutile de faire remarquer à haute voix à quel point son geste n’était pas bien exécuté car cela dégrade son estime de soi et ne donne aucune indication sur la manière ni de s’améliorer ni de réparer. Nous pouvons simplement décrire les faits objectivement (sans commentaire ni jugement) et inciter l’enfant à réparer ses maladresses via une question ouverte : «Oh, je vois de la farine par terre. De quoi as-tu besoin pour ramasser ?» La construction des compétences motrices des enfants prend du temps et les essais/ erreurs font partie du processus intégrant du processus d’apprentissage.
Arrête ce caprice immédiatement !/ Calme-toi !
Dans toute l’histoire humaine, aucun enfant n’a réussi à se calmer par le simple fait que son parent lui dise “Calme toi !”. Un enfant en proie à des émotions fortes ne peut pas entendre les raisonnements logiques car il est littéralement submergé par ses émotions, comme déconnecté de sa capacité à penser. Il est plus sain d’un point de vue émotionnel d’assurer une présence bienveillante et patiente auprès de l’enfant, d’adopter une démarche empathique (une main sur l’épaule ou un regard peuvent suffire) et de poser des mots pour exprimer ce que l’enfant ressent.
Si tu fais ci, alors tu auras ça ! (chantage/ menace/ récompense)
Les formulations du type “si… alors…” sont des formes de chantage (“si tu as une bonne note, alors tu auras un cadeau”/ “si tu ne manges pas tes légumes, alors tu n’auras pas de dessert”/ “si tu tapes ta sœur, tu seras puni dans ta chambre”). Les enfants ne se mettent pas en mouvement pour eux-mêmes dans ce cas, mais pour :
- faire plaisir,
- ne pas décevoir,
- avoir la paix
- recevoir une récompense.
Ex : un enfant tire sur son petit frère avec un pistolet à flèches en mousse. La mère dit : “Pas sur ton frère. Tire sur la cible.” (redirection). Le garçon tire de nouveau sur son frère et la mère retire le pistolet : “Stop, on ne tire pas sur les gens.” (passage à l’action).
Pour aller plus loin : 6 exemples pour passer à l’action sans menace, sans chantage ni punition avec les enfants
Ne touche pas ça, c’est fragile !
Les mains sont faites pour explorer, c’est ainsi que l’intelligence des enfants se construit. L’éducation est synonyme d’enseignement et de construction de compétence (et non pas de punition). Il est possible de montrer comment manipuler délicatement un objet fragile, de poser des questions à l’enfant (comment vas-tu faire pour prendre soin de cet objet ? comment faire pour s’assurer de ne pas renverser le pot entre la cuisine et le salon ?).
Ce n’est pas beau de rapporter !
Quand un enfant raconte ce qu’un autre enfant a fait, il cherche peut-être à connaître l’avis de l’adulte mais aussi à se forger ses propres convictions, sa propre définition du mal et du bien. Il est possible d’accueillir les paroles de l’enfant avec curiosité : « C’est une drôle d’histoire que tu me racontes là. Et toi, qu’en penses-tu ? »
Il ne s’agit pas ici d’imposer des phrases à dire ou des formulations mais simplement d’envisager d’autres manières de nous adresser aux enfants. Une approche utile peut être d’imaginer que nous ne parlons pas à un enfant mais à un invité : si nous n’oserions pas parler à cet invité comme nous parlons à l’enfant, alors il peut être utile de reformuler nos phrases avec des mots plus respectueux de la dignité et de l’intégrité des enfants.
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Source : Une journée Montessori : Mettez en pratique la parentalité positive au quotidien ! de Audrey Zucchi (éditions Marabout). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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