Les schémas précoces d’adaptation : une approche thérapeutique pour mieux se connaître et moins souffrir dans ses relations

thérapie schémas précoces d'adaptation

Définition

Selon Jeffrey Young (psychologue américain ), un schéma précoce d’adaptation est une disposition qui prend sa source dans l’enfance et influence toute notre vie. Un schéma précoce d’adaptation se forme en fonction de ce que nous ont fait subir notre famille ou nos amis/ camarades. Chaque schéma dépend du type de comportement répétitif que nous avons subi : abandon, négligence, critique, surprotection, agression, rejet… Au bout d’un temps long, le schéma devient indissociable de la personnalité.

Jeffrey Young définit les schémas précoces d’adaptation comme des croyances profondes sur nous-mêmes et sur le monde, croyances acquises dans l’enfance. Le problème est qu’un schéma est source de souffrance mais que, en même temps, les schémas sont essentiels à notre sentiment d’identité. Young écrit que, en renonçant à un schéma même destructeur, nous renonçons à la sécurité de savoir qui nous sommes et de quoi le monde est fait.

Les types de schémas

Je vous propose de résumer les onze types de schémas décrits par Jeffrey Young sous forme de carte mentale (au format PDF pour une meilleure lisibilité : thérapie des schémas ).

thérapie des schémas

Les schémas sont à mettre en lien avec des besoins fondamentaux non satisfaits dans l’enfance.

  • Besoin de sécurité de base non assuré par les parents
    • Méfiance et abus : Je ne peux pas faire confiance
    • Abandon : Je t’en supplie, ne me quitte pas

 

  • Besoin d’autonomie non satisfait/ empêché
    • Vulnérabilité : La catastrophe est imminente
    • Dépendance : Je ne peux pas me débrouiller seul

 

  • Besoin de relations et de lien interpersonnels de qualité non satisfait
    • Carence affective : Mes besoins d’affection ne seront jamais comblés
    • Exclusion : Je me sens toujours à part

 

  • Besoin d’estime de soi non satisfait/ empêché
    • Imperfection : Je ne vaux rien
    • Échec : Ma vie est un échec

 

  • Besoin d’expression de soi non satisfait/ empêché
    • Assujettissement : Je fais toujours ce que tu veux
    • Exigence élevée : Ce n’est jamais suffisant

 

  • Besoin de limites réalistes et de compréhension des besoins des autres non satisfait/ empêché
    • Tout m’est dû : Je peux (et dois) obtenir tout ce que je désire indépendamment de ce que cela coûte aux autres

Les caractéristiques des schémas

Young estiment que les schémas luttent pour leur survie. Comme ils nous aident à nous sentir en sécurité (d’où le mot “adaptation” -> ils servent à s’adapter efficacement), ils sont difficiles à enrayer malgré la souffrance provoquée.

Nous éprouvons un besoin difficilement répressible de les préserver, car l’être humain est doté d’un fort instinct de cohérence. Un schéma est quelque chose de familier; nous nous y sentons en sécurité en dépit du mal qu’il nous fait. Il devient par conséquent très difficile de le changer. En outre, ces schémas prennent forme dans notre enfance pour nous permettre de nous adapter à notre situation familiale. De tels scénarios étaient réalistes dans notre jeune âge, mais le problème surgit quand nous continuons de les reproduire alors qu’ils ont perdu leur utilité. – Jeffrey Young

Les schémas se forment dans un milieu inapproprié (notamment quand le milieu familial de l’enfant est destructeur). Les gens ont en général plusieurs schémas plus ou moins prononcés et l’un d’autre eux domine les autres.

Toutefois, la thérapie des schémas repose sur la possibilité de prendre conscience de son/ ses mode(s) habituel(s) de comportement compulsif et de découvrir comment y mettre fin.

Comment les schémas précoces d’adaptation se forment-ils  ?

Jeffrey Young liste les facteurs qui contribuent à la formation d’un schéma : 

  • le tempérament d’une personne

Chaque enfant naît doté d’un tempérament personnel (craintif, actif, extroverti, timide…). Le tempérament est inné et prédispose à réagir aux événements. Jeffrey Young estime que le tempérament d’une personne se situe sur les échelons d’une échelle selon plusieurs niveaux :

    • Timidité — Extroversion
    • Passivité — Dynamisme
    • Restriction émotionnelle — Intensité émotionnelle
    • Appréhension — Intrépidité
    • Sensibilité — Invulnérabilité

D’autres traits de caractère peuvent intervenir (encore mal compris par la psychologie).

  • le milieu de vie (lien avec les parents et la famille élargie, les camarades; la socio-culture; les circonstances du type guerre ou paix/ abondance ou rareté de la nourriture)

Young estime qu’un milieu affectueux et sûr peut faire d’un enfant naturellement timide un enfant moyennement extroverti. A l’inverse, des circonstances gravement néfastes pourraient même abattre un enfant relativement invulnérable.

Au sein du milieu, le facteur le plus important est la famille. Jeffrey Young affirme que, lorsque nous ravivons un schéma, il s’agit presque toujours de la reconstitution d’un drame familial de notre enfance.

En général, l’influence de la famille culmine dans la toute jeune enfance puis décline progressivement avec les années. A la fin de l’enfance et à l’adolescence, les amis et l’école acquièrent peu à peu un certain poids même si la famille demeure le moteur le plus important de l’influence.

L’hérédité et le milieu de vie agissent l’un sur l’autre. Les influences néfastes de notre enfance et notre tempérament propre s’unissent pour former les schémas dans lesquels nous nous enlisons. – Jeffrey Young

Par exemple, deux enfants d’une même famille qui grandissent dans la violence familiale peuvent développer des schémas différents en réaction à cette violence selon leur qualités innées et des expressions différentes face à leur schéma (l’un peut capituler et l’autre contre-attaquer).

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Trois attitudes face aux schémas : la capitulation, la fuite et la contre-attaque

Jeffrey Young décrit trois manières de réagir aux schémas : la capitulation, la fuite et la contre-attaque. La plupart des gens ont recours à un mélange de capitulation, de fuite et de contre-attaque.

La capitulation, un cercle vicieux de reproduction

Quand nous capitulons, nous déformons notre point de vue d’une situation spécifique de manière à renforcer notre schéma. Chaque fois qu’il est réactivé, nous réagissons vivement. Nous choisissons des partenaires et créons des situations qui lui redonnent de la vigueur. Nous le maintenons actif. – Jeffrey Young

Ainsi, on comprend que la capitulation revient à organiser inconsciemment notre vie de manière à reproduire les scénarios qui ont marqué notre enfance. Cela signifie que la capitulation englobe des comportements autodestructeurs récurrents. Young en déduit que la capitulation prolonge l’enfance dans la vie adulte et, comme nous ne connaissons rien d’autre que le schéma dont nous ne parvenons pas à nous dégager, nous développons un sentiment d’impuissance à changer.

La fuite, un évitement aux conséquences néfastes

En fuyant, nous chassons le schéma de nos pensées. Nous l’expulsons de notre cerveau. Nous évitons aussi d’être sensibles à ce schéma. Toute émotion est amoindrie. Nous trouvons un refuge dans la drogue, la nourriture, la manie de la propreté ou le travail. Nous évitons toute situation qui risquerait de déclencher le fonctionnement du schéma. – Jeffrey Young

Le problème de la fuite est qu’elle nous emprisonne : comment prendre le problème à bras le corps quand on nie la réalité ? Il faut d’abord pouvoir reconnaître l’existence d’un problème avant de pouvoir l’affronter. Young parle d’ “engourdissement” et regrette que nous blessions notre entourage et que nous devenions plus vulnérables aux drogues ou à l’alcool quand nous nous dérobons devant nos problèmes.

La contre attaque, un mur contre la vulnérabilité

La contre-attaque nous permet de déjouer notre schéma en nous convainquant que la réalité réside dans son contraire. Nos sentiments, nos actes et nos pensées sont ceux d’une personne unique, supérieure, parfaite et infaillible. Nous nous agrippons désespérément à ce personnage. Le réflexe de la contre-attaque présente une alternative au mépris, au jugement critique et à l’humiliation. Il offre une porte de sortie à la vulnérabilité. Nos contre-attaques nous aident à composer avec le quotidien. – Jeffrey Young

La contre-attaque isole parce qu’on pense seulement à nous au risque de blesser les autres qui finissent par se fuir ou par se venger. De plus, la contre-attaque épuise parce que nous déployons beaucoup d’énergie à nous montrer invulnérables.

Young remarque qu’une personne qui contre-attaque est en réalité fragile car, sans son armure de protection, elle aura l’impression que le monde entier s’écroule autour d’elle.

Comment travailler ses schémas précoces d’adaptation ?

Dans la thérapie des schémas qu’il a conçue, Jeffrey Young propose des étapes pour travailler les schémas précoces d’adaptation.

1. Déceler le(s) schéma(s) et les nommer

Young rappelle que notre schéma est notre ennemi et que nous avons beaucoup à gagner à connaître cet ennemi. Il propose dans son livre un “test diagnostique” pour que chacun puisse identifier son ou ses schémas qui génèrent de la souffrance.

2. Comprendre qu’un schéma se forme dans l’enfance

La deuxième étape consiste à ressentir les effets d’un schéma et cela nécessite de revivre la douleur ancienne.

Jeffrey Young reprend l’image de l’enfant intérieur blessé et invite à réconforter cet enfant intérieur, à lui manifester de l’empathie. Ces exercices peuvent paraître ridicules au début, mais Young insiste sur les effets positifs.

3. Exposer les faits; invalider le schéma par le raisonnement

Une fois les deux premières étapes réalisées, Young conseille d’attaquer ce schéma rationnellement en démontrant la fausseté des croyances qui lui sont associées. L’idée est de bien réaliser qu’il y a matière à changement. Cette étape consiste à douter de la validité du schéma car, tant qu’on y croit, on est dans l’impossibilité d’y mettre fin.

La question clé de cette étape est : « Comment pourrais-je transformer cet aspect de ma personnalité ? ».

4. Écrire au parent, au frère ou à la sœur, à l’ami qui a contribué à la formation du schéma paralysant

Jeffrey Young insiste sur l’importance d’extérioriser la colère et la tristesse engendrées par ce qui est advenu dans le passé. Les émotions réprimées contribuent à paralyser l’enfant intérieur. L’objectif est de permettre à cet enfant de parler, d’exprimer sa souffrance.

Young propose d’écrire une lettre sans censure à la ou les personnes qui ont montré un comportement maltraitant ou négligent dans l’enfance. Il n’est pas obligatoire de faire prendre connaissance de cette lettre aux personnes impliquées. Ce qui compte, c’est de l’écrire en exprimant toutes les émotions douloureuses ressenties alors et encore maintenant.

5. Analyser en détail le schéma qui paralyse

La cinquième étape consiste en une analyse détaillées des manifestations du schéma qui affecte et fait souffrir. Cela nécessite de bien se renseigner sur les habitudes autodestructrices de chaque schéma et les stratégies de gestion (capitulation, fuite et contre-attaque) qui contribuent à en augmenter l’intensité.

La thérapie des schémas invite à faire des listes : énumérer les comportements néfastes et, en face, les moyens à mettre en œuvre pour les changer.

6. Changer de modes de comportements

Comme il sera impossible d’attaquer tous les comportements en raison des obstacles cités ci-dessous, Young conseille de choisir un schéma et deux ou trois comportements associés à ce schéma.

En s’appuyant sur les listes de la cinquième étape, il s’agit alors de mettre en pratique des actions réalistes visant à modifier ces comportements.

7. Persister

Il n’est possible de modifier un schéma qu’en y mettant le temps et les efforts nécessaires. Il est tentant d’abandonner, d’autant plus que des obstacles puissants se dressent contre le changement (même en sachant qu’il y a un bénéfice final).

Il y a des obstacles au changement.

Jeffrey Young avertit qu’il existe de nombreux obstacles au changement :

  • contre attaque au lieu d’admettre l’existence d’un schéma et d’en assumer la responsabilité
  • fuite
  • schéma non remis en question et persistance à tolérer rationnellement son existence (croyance persistante en la réalité du schéma)
  • choix d’un schéma trop difficile à modifier car lié à un manque de sécurité très ancien
  • compréhension rationnelle du schéma et de sa nocivité mais résistance émotionnelle
  • manque de discipline et d’organisation.
  • problème ancré trop profondément enraciné (impossibilité de changer par soi-même)

Le modèle des schémas précoces d’adaptation est une thérapie menée par un professionnel car, avant de consulter, de nombreux patients s’efforcent sincèrement d’améliorer leur vie par eux-mêmes mais échouent et se tournent vers une aide extérieure thérapeutique.

Jeffrey Young rappelle le rôle d’un thérapeute dans la thérapie des schémas et invite à se méfier des personnes qui se présentent comme des guérisseurs sauveurs :

Si vous étiez jugé trop sévèrement, votre thérapeute vous appuie et vous apprécie. Si l’un de vos parents s’immisçait trop dans votre vie, le thérapeute respecte les limites de votre territoire. Si vous avez été victime d’abus, le thérapeute vous rassure et vous protège.

 

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Source : Je réinvente ma vie de Jeffrey Young (Les Editions de l’Homme). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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