Vivre la pensée Montessori à la maison : la question des jouets
J’ai particulièrement aimé le livre Appliquer la pensée Montessori chez soi de Emmanuelle Opezzo et j’ai beaucoup accroché avec le passage sur les jouets. L’autrice commence par rappeler un fondamental avant d’aborder la question des jouets selon l’approche Montessori :
Nous ne devrions pas distinguer le jeu du travail pour les enfants car, à leurs yeux, ils sont une seule et même chose. C’est en jouant que les enfants se construisent. En réconciliant jeu et travail, nous aiderons notre enfant à prendre goût à l’activité et à l’effort, qui sont valorisants et porteurs de résultats.
C’est dans le jeu que les enfants développent leur motricité et leur intelligence, qu’ils s’ancrent dans la réalité pour une meilleure conscience d’eux-mêmes et de leur environnement.
Les jeux et jouets, les outils de travail de l’enfant qui l’aident à grandir
La question des jouets chez Montessori : choisir un jeu ou jouet
Des critères pour choisir
Les critères pour choisir un jeu ou jouet concernent ses objectifs d’une part et ses caractéristiques d’autre part.
- Les objectifs
- Aider à comprendre le monde et la réalité
- Développer la concentration
- Développer la pensée logique
- Affiner la motricité fine et globale
- Transmettre un concept
- Apprendre les règles et les consignes
- Socialiser
- S’amuser et rire
- Les caractéristiques
- Esthétisme (beauté, matériaux nobles et naturels)
- Sensorialité (lourd/ léger; doux/ rugueux; matières différentes; poids différents…)
- Un seul objectif, simple
- Répétition possible (début, développement, fin du jeu)
Savoir si un jouet acheté sert le développement de l’enfant
Emmanuelle Opezzo liste plusieurs indices qui laissent à penser si un jouet est utile à un enfant en observant l’intérêt de l’enfant :
- Combien de temps joue-t-il avec ? A-t-il l’air concentré ? Cet intérêt est-il seulement lié à la nouveauté et se maintient-il dans le temps ?
- L’enfant s’empare-t-il du jouet pour l’ausculter sous tous les sens ?
- L’enfant maintient-il son activité pendant un temps soutenu ?
- Recommence-t-il le jeu plusieurs fois pour se perfectionner ?
7 fonctions que les jouets assurent quand ils sont choisis en conscience
La question des jouets dans la pensée Montessori n’est pas anodine. En effet, jouer avec des jouets aide la progression de l’être tout entier de l’enfant, tant sur le plan physique que cognitif. À quoi servent les jouets ?
1. Se mettre en mouvement : exercer sa motricité globale dans ses déplacements
Le bébé met progressivement son corps en mouvement pour aller s’emparer des objets qui l’intéresse. Il commencera par regarder un mobile puis orienter son regard en direction de ce qui l’intrigue, le stimule. Plus tard, il ouvrira la main pour saisir un hochet ou une balle. Ensuite, il portera les objets qu’il tient dans sa bouche pour l’explorer. L’enfant cherche par là à donner du sens à ce qui l’entoure.
2. Comprendre le monde : y prendre part, s’adapter et gagner en autonomie
Quand un jeu ou un jouet n’apporte rien de la connaissance du monde, les enfants s’en désintéressent rapidement. Les jeux les plus intéressants de ce point de vue sont ceux qui ne nécessitent pas l’intervention de l’adulte, qui participent à construire aussi bien l’intelligence que l’indépendance. Un bon jeu permet idéalement à l’enfant de développer son autonomie grâce au contrôle de l’erreur et à l’auto correction (les puzzles en sont le meilleur exemple).
3. Favoriser la concentration
Emmanuelle Opezzo écrit :
La concentration est un processus de transformation qui rend l’homme plus intelligent, plus serein, plus éveillé socialement et donc plus heureux. Cet état de concentration peut être vécu très jeune si les jouets de l’enfant viennent nourrir ses besoins.
C’est la raison pour laquelle les enfants sont laissés libres de leur choix d’activité dans la pédagogie Montessori car seul l’enfant sait ce qui lui correspond le mieux : l’intérêt pour l’activité débouche alors sur la concentration.
4. Stimuler les cinq sens et la motricité fine pour un bon usage de la main
Les jouets les plus utiles au développement de l’enfant sont ceux qui stimulent et perfectionnent les 5 sens. La manipulation et le toucher sont, pour l’enfant, les sources d’information les plus importantes sur l’environnement extérieur. Trevor Eissler, éducateur Montessori, rappelle d’ailleurs que l’outil éducatif le plus important n’est pas technologique, mais que ce sont les mains des enfants. Nous devons permettre aux enfants d’explorer avec leurs mains, de construire, de toucher, de sous-peser, de se tâcher, de sentir des contours et des matières.
Quelques exemples de jouets recommandés dans la pédagogie Montessori (les tranches d’âge sont indicatives, la meilleure indication étant les goûts et les capacités de chaque enfant) :
- Pour un bébé : un grelot
- Pour un enfant de 12 mois : une boîte à formes évolutive, des petits cubes à encastrer sur une tige (sans chercher à discriminer les formes, les tailles ou les couleurs : le seul objectif est l’encastrement)
- Pour un enfant de 2 ans : une maison de serrures, un tap tap (jeux de marteau – comme celui-ci, jeux d’encastrement…)
- Pour un enfant de 3 ans : un loto des odeurs, des jeux de construction (types formes en bois, Kapla, Lego, attrimaths, Clipo…), des billes qui roulent dans un tube, des objets à trouver enfouis dans le sable…
5. S’adapter aux règles
Sans règles, il est impossible d’accéder aux jeux. Emmanuelle Opezzo prend l’exemple d’une toupie : même une toupie nécessite des manières de jouer, régies par des règles physiques. Pour qu’elle fonctionne, il faut la poser sur sa base et la faire tourner, et non pas la lancer.
Il est possible d’adhérer à des règles ou au contraire de les refuser, de les contourner. Il est également possible de détourner un jeu en s’inventant de nouvelles règles, mais pour que cela fonctionne, ces règles doivent être validées par tous les participants. Dans tous les cas, le jeu dépend de règles.
S’adapter aux règles contribue à structurer l’enfant tant dans son individualité que dans sa vie en collectivité.
6. Jouer dans la joie
Emmanuelle Opezzo conseille d’apprendre aux enfants à jouer dans la joie et la bonne humeur plutôt que dans la compétition : “focalisons nous sur le moment passé ensemble, le rire et les apprentissages, plus que sur l’issue de la partie”. Pour ma part, j’aime terminer nos séances de jeu par des phrases comme on a bien rigolé, merci pour ce bon moment, j’aime bien jouer avec toi, parfois, je gagne, parfois je perds mais, dans tous les cas, ça me fait plaisir de passer du temps avec toi.
7. Créer et imaginer
Dans l’esprit de Maria Montessori, la manipulation passe avant la création : le petit enfant en construction doit d’abord s’enraciner dans la réalité du monde pour se l’approprier et se l’adapter avant de créer son propre univers. Pour autant, des jouets comme les Kapla ou les Lego vont pouvoir à la fois affiner la motricité fine et stimuler l’imagination.
Ici, en dehors des traditionnels Kapla et Lego, on aime beaucoup ces jeux de construction :
- Les attrimaths (ici en plastique mais ils existent en bois)
Jouer sans jouets dans la pensée Montessori
Les objets de la vie courante
Emmanuelle Opezzo écrit que beaucoup de jouets vendus dans le commerce sont inutiles au jeune enfant de moins de 3 ans. Ce dernier peut s’éveiller sans. Jusqu’à 3 ans, l’intérêt de l’enfant sera plutôt porté vers des objets de la vie courante que vers des jouets véritables.
Il est alors possible de mettre à disposition de l’enfant des objets qui lui permettront exploration et manipulation :
- une petite casserole et une cuillère en bois pour faire un petit tambour,
- des bouteilles contenant des graines, des cailloux pour faire des maracas,
- des flacons contenant de l’eau colorées avec des colorants alimentaires pour un arc en ciel à manipuler,
- une boite à épices vide à travers le couvercle de laquelle l’enfant va insérer des cures dents (pointes coupées) ou des allumettes,
- une tirelire dans laquelle l’enfant va insérer des pièces ou des jetons,
- un entonnoir et une petite bouteille pour y verser de l’eau,
- des bandelettes de papier à froisser et déchirer (dès 2 ans),
- un panier à trésors : pince à linge, morceaux de tissus en différentes matières, petite balle en mousse, une brosse, des pommes de pin, des couverts en bois…
>>>Pour aller plus loin : Pourquoi les enfants n’ont pas besoin de jouets avant 2 ans !
Les instruments de musique
Les enfants apprécieront aussi les petits instruments de musique (des “vrais”plutôt que des mauvaises imitations) : clochettes, grelots, triangles, bâton de pluie, harmonica, maracas…
Les trésors de la nature
En complément, j’aime l’approche de la pédagogie Charlotte Mason qui préconise de passer le plus de temps possible dehors. Charlotte Mason estime que le premier devoir des parents est de s’assurer que les enfants passent le plus clair de leurs six premières années dehors ! Mais pour elle, pas besoin d’apprentissage scolaire précoce : “il s’agit simplement de laisser à l’enfant la liberté complète d’apprendre à connaître le monde et ses merveilles”. Charlotte Mason appelle cela “l’inaction magistrale“.
Dans le ebook La pédagogie Charlotte Mason de Laura Laffon, on peut lire qu’il est primordial de laisser l’enfant récolter seul une foule de petites expériences puis les connecter entre elles par lui-même. Toutes les observations faites pendant la petite enfance viendront remplir une formidable base de données qui servira de socle à tout ce que l’enfant apprendra durant le reste de sa vie. Par exemple, les parents peuvent envoyer les enfants en “mission d’exploration” : l’objectif est d’observer le plus de choses possibles à un endroit donné et en dire le plus à ce sujet.
Des réflexes pour choisir et présenter les jouets selon l’approche Montessori
Faire du tri
Emmanuelle Opezzo insiste : n’hésitons pas à nous séparer des jouets qui ne répondent pas à nos choix éducatifs ou esthétiques. Le mieux est encore d’anticiper en donnant des recommandations sur le type de jouets que nous préférons pour nos enfants. Pour autant, ne donnons ou ne revendons rien sans avoir consulté l’enfant : il est préférable de faire le tri ensemble. Pour ma part, il m’est arrivé à plusieurs reprises de donner des jouets à des œuvres caritatives et ma fille dit d’elle-même dorénavant quand elle se rend compte qu’elle n’a plus besoin d’un jouet : “on va le donner aux enfants qui n’en ont pas”. Par ailleurs, on pourra ranger les jouets que l’enfant veut garder mais qu’il n’utilise pas dans une caisse spéciale “jeux inutiles”. Il prendre plaisir à les redécouvrir de temps à autre.
Limiter les quantités disponibles et effectuer des roulements
Emmanuelle Opezzo écrit au sujet de la question des jouets Montessori :
Allégeons la quantité de jouets dans la chambre de notre enfant pour limiter le choix, favoriser son activité et lui laisser de l’espace. La solution est d’effectuer des roulements de jouets. Cela renouvelle l’intérêt de notre enfant pour des jouets qu’il prend plaisir à redécouvrir alors qu’il les avait négligés quelque temps auparavant.
Rendre les jouets accessibles
Deux raisons principales sous tendent l’idée de rendre les jouets accessibles à l’enfant sans l’aide d’un adulte :
- l’émergence de son autonomie (chercher, faire et ranger seul une activité),
- le renforcement de la concentration (libre choix de l’activité).
Ranger au fur et à mesure
La pédagogie Montessori insiste sur l’importance de l’ordre car une pièce bien rangée donne envie à l’enfant de se mettre en activité. Dans cette approche, les parents sont invités à apprendre à l’enfant à ranger dès qu’il a fini une activité pour marquer la fin de celle-ci. “Aller jusqu’au bout du processus soutient l’enfant dans sa capacité à achever ce qu’il entreprend et à ne pas abandonner en cours de route.” Cet enseignement se fait en plusieurs étapes :
- l’exemple accompagné de verbalisation pour les plus petits qui ne marchent pas encore : “Maintenant que tu as terminé, nous rangeons, tu pourras ensuite prendre un autre jouet”,
- la coopération (ranger ensemble une fois que l’enfant a acquis la marche),
- l’autonomie dans le rangement.
Apprendre à repérer les jouets à éviter
Dans la pédagogie Montessori, les jouets en plastique sont fuis. Les jouets aux matériaux naturels comme le bois ou le caoutchouc sont privilégiés. Les enfants sont sensibles à l’authentique (sans sur-stimulation sensorielle), au toucher agréable, aux couleurs naturelles.
Les jouets dits “tout-en-un”, “multiactivités” ou “évolutifs” sont également à éviter : “l’enfant se noie dans l’excès d’informations et de fonctionnalités dès l’exploration, et peut finir par se décourager. Il n’est pas en mesure de fixer son attention très longtemps car il n’appréhende pas les objectifs du jouet”.
En y repensant, je me souviens avoir acheté une super table d’activités à ma fille quand elle avait 1 an : il y avait un toboggan avec des balles de toutes les couleurs, des lettres qui s’allumaient et chantaient quand on appuyait dessus, des morceaux de tissus qui pendaient, une grenouille qui se levait et se baissait… elle y a très peu joué alors que ce jouet me semblait au top de l’éveil et je ne comprenais pas pourquoi. Ce jouet était en fait trop complexe et avait trop d’objectifs pour maintenir son intérêt. Je crois qu’on est nombreux à se faire avoir par le marketing quand on est jeune parent.
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Source : Appliquer la pensée Montessori chez soi d’Emmanuelle Opezzo (éditions Poche Marabout). Disponible en librairie, en médiathèque ou en ecommerce.
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