Les jeux de chahut : un excellent moyen de renouer le contact et redonner confiance à l’enfant
Jouer à la bagarre sans violence avec un enfant en proie à la frustration, à la colère, à la perte de contrôle de soi peut l’aider à renouer avec sa vraie personnalité. Le genre de bagarre dont il est question vise à donner de l’assurance à l’enfant, à l’aider à prendre conscience de son pouvoir personnel. Cela peut être des jeux du type karaté chaussettes (enlever les chaussettes de l’autre), une bataille de coussins ou d’eau, une bataille de pouces ou un jeu de Stop and Go.
1. Veiller à la sécurité de tout le monde lors des jeux de chahut
Des règles à poser pour que personne ne se blesse (enfants et parents inclus) d’un point de vue physique et affectif :
- interdiction de frapper, de mordre, de serrer le cou, de donner des coups de pied…
- interdiction de se moquer, d’humilier, de rabaisser…
- mise en place d’un signal auquel le jeu cessera aussitôt (“stop” ou des mots absurdes comme “tarte à la banane”, “crotte de nez” ou “carabistouille”)
- la moindre blessure stoppe le jeu immédiatement
Les règles devront sûrement être répétées plusieurs fois au cours du jeu : savoir si le jeu peut continuer avec un simple rappel des règles du jeu dépend de votre appréhension de la situation (est-ce possible de continuer le jeu de chahut tout en assurant la sécurité de chaque joueur ?).
Le respect des règles est un apprentissage qui sera bénéfique à l’enfant dans toute autre sorte de situations.
2. Saisir la moindre occasion de contact
Lawrence Cohen écrit :
La différence entre jouer à la bagarre et taper dans un punching-ball tient en deux mots : contact humain.
Cette connexion physique peut prendre plusieurs formes :
- une pause câlin en cours de chahut,
- un regard droit dans les yeux (“Respectons l’antique coutume des guerriers de se regarder droit dans les yeux avant de se battre.”,
- au moment de reposer calmement les règles du jeu.
3. Chercher la moindre occasion d’accroître la confiance de votre jeune adversaire en son pouvoir personnel
Il s’agit de jouer à la fois le rôle de l’entraîneur et de l’adversaire, c’est-à-dire permettre à l’enfant de déployer sa force pour gagner plutôt que la ruse.
Le message fondamental à communiquer est :
Ta puissance est bienvenue, tu peux être fort et en contact, sans faire mal à qui que ce soit.
4. Saisir toutes les occasions de revenir par le biais du jeu sur des blessures anciennes
Lawrence Cohen explique qu’un enfant confronté à un défi qu’il n’a pas su relever appréciera de revenir dessus en se mesurant à ses parents. Le parent incarne alors la difficulté, l’agresseur, l’obstacle à surmonter. L’essentiel est que l’enfant montre ce qu’il a dans le ventre afin de se libérer de sa frustration, de son sentiment d’impuissance ou de sa honte.
La réactivation d’une blessure profitera à l’enfant, à condition que ni la peur ni l’impression de se retrouver démuni ne le paralysent.
5. Résister à l’enfant autant qu’il en a besoin, ni plus ni moins
Votre objectif ne consiste ni à l’emporter ni à forcément laisser l’enfant gagner, mais à lui fournir l’occasion de donner sa pleine mesure sans blesser quiconque. L’idéal est de lui résister assez pour qu’il ait conscience de votre présence et se sente fort, sans pour autant l’écraser ou le pousser à renoncer.
C’est donc une question de dosage, de feeling au cas par cas lors des jeux de chahut :
- certains enfants, peu confiants en eux-mêmes et en leur corps, ne pourront pas accepter de résistance : vous pourrez donc tomber en poussant des cris (de karatéka par exemple), en exagérant votre souffrance, en tombant théâtralement à la renverse dès qu’ils vous toucheront;
- d’autres enfants voudront trouver un adversaire plus coriace pour que leur victoire leur coûte un réel effort;
- les enfants qui essayent de faire mal ont besoin de beaucoup de résistance (douce mais ferme).
6. Rester très attentif
Quelque chose cloche quand l’enfant détourne le regard, renonce à la lutte, explose d’une rage aveugle ou cherche à faire mal. Dans ce cas là, plusieurs manières de réagir :
- mettre l’accent sur le contact (par le toucher et le regard),
- construire une plus grande confiance,
- ajuster le niveau de résistance,
- marquer un temps de pause.
La bagarre va souvent ouvrir des le portes à de nombreuses tensions refoulées et l’évacuation des émotions pénibles peut prendre du temps : la lutte peut alors devenir agressive, presque violente. Il s’agira de tenir bon , d’utiliser vos forces avec raison pour assurer que personne ne se blesse.
Une fois que les émotions négatives ont été libérées, la plupart des enfants changent du tout au tout : ils auront un regard franc, souriront et voudront essayer ce qu’ils refusaient auparavant sous prétexte que c’était trop dur.
7. Laisser l’enfant l’emporter (la plupart du temps)
Il est envisageable de demander à l’enfant s’il veut qu’on utilise toute notre puissance ou pas :
- si la réponse est positive, on fera en sorte que l’enfant sache qu’on s’est défendu du mieux qu’on pouvait, quitte à ce que la victoire nous revienne,
- si la réponse est négative, on laissera l’enfant gagner.
On peut aussi lui dire qu’il n’y a pas de perdant ou de gagnant dans ces jeux : on s’amuse et c’est tout.
8. Arrêter dès que quelqu’un se fait mal
Continuer à jouer quand on a mal ne forge pas le caractère mais une cuirasse, une carapace.
Personne, enfant ou adulte, garçon ou fille, ne devrait jamais entendre le message selon lequel il vaut mieux ignorer la douleur. Et c’est le rôle du parent d’assurer la sécurité de tous les membres de la famille. On préférera reprendre le jeu après une pause, d’écoute active (“ça fait mal quand/ tu as l’air de souffrir/c’est désagréable de…”) et de câlin.
Pour autant, on n’hésitera pas à encourager les enfants à reprendre le jeu après un petit bobo : une petite difficulté (qui n’est pas à nier) ne doit pas non plus devenir un prétexte pour baisser les bras systématiquement.
9. Interdiction formelle de chatouiller un enfant contre son gré !
Les chatouilles peuvent être amusantes mais il arrive qu’elles donnent à l’enfant l’impression de se retrouver à la merci d’un tiers, de perdre le contrôle.
Lawrence Cohen conseille de :
- circonscrire les chatouilles à un bref moment avant de laisser l’enfant reprendre son souffle (au lieu de le chatouiller sans le laisser reprendre son souffle),
- faire mine d’avancer pour le chatouiller avant de reculer au dernier moment (rires garantis sans effets secondaires),
- proposer une autre forme de contact physique (inventer des manières de “toper” dans les mains, fesse contre fesse, différentes manières de le porter, danser le rock acrobatique…).
J’ai d’ailleurs une anecdote personnelle à ce sujet : quand on se lance dans des séances de chatouilles avec ma fille de 5 ans, on définit d’abord un signal qu’elle prononcera et qui signifiera que je dois arrêter de la chatouiller (et je reste figée comme une statue) puis un autre qui signifie que je peux recommencer (l’autre jour, le mot de départ était Mickey et le mot de stop était chevreuil). J’en ai profité pour lui dire que c’est important que je respecte son non et que je le respecterai toujours.
L’autre jour, elle avait les mains froides et s’amusait à me les poser dans le dos. Comme je trouvais ça particulièrement désagréable, je le lui ai dit et lui ai demandé d’arrêter. Mais elle trouvait ça particulièrement amusant pour sa part… du coup, je lui ai rappelé nos jeux de chatouilles en lui disant que je m’attendais à ce qu’elle respecte mon “non” et mon corps autant que je respecte les siens.
Autant vous dire qu’elle a arrêté sur le champ : un bel apprentissage de la vie !
10. Ne pas laisser s’interposer nos états d’âme dans les jeux de chahut
C’est pour l’enfant qu’on joue aux jeux de chahut, pas pour soi.
Quand les adultes jouent à la bagarre, ils peuvent être envahis par des émotions anciennes liées aux traumatismes mal digérés de leur enfance. Ils peuvent éprouver une impulsion à humilier, chatouiller, taquiner ou dominer, reproduisant ainsi leur propre histoire. A moins qu’ils ne se sentent faibles ou démunis.
Il s’agit donc de mettre de côté nos états d’âme d’adulte pour se concentrer sur les 9 premières règles (par exemple, de refuser de jouer à des jeux de chahut quand on est fatigué, en colère, quand on est frustré, triste, inquiet…)
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