Peut-on pleurer devant ses enfants ?
Voici la question qui m’a été posée par une lectrice du blog. J’ai pris plusieurs jours avant de pouvoir y répondre bien que ce soit une question que je m’étais déjà posée… et ce n’est qu’une tentative de réponse en fonction de mon vécu.
J’ai déjà pleuré devant ma fille : pleuré d’épuisement, de nerfs qui lâchent, d’impuissance, de ras le bol. C’est arrivé à l’occasion de nuits difficiles qui s’enchaînaient lors d’une grosse phase de remise en question professionnelle et personnelle. Beaucoup de changements et d’incertitude pour moi + un gros manque de sommeil + des oppositions systématiques de ma fille pour dormir = une impossibilité à me maîtriser.
J’ai expliqué à ma fille que j’étais épuisée, que je ne pouvais pas me retenir à cause du manque de sommeil, que ce n’était pas sa faute à elle. Je l’ai ensuite prise dans mes bras en lui disant que je l’aimais.
Je pense que les deux idées principales à garder en tête quand cela arrive sont :
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se donner l’autorisation de ressentir et verbaliser les émotions
La tristesse (comme lors d’un deuil) et la colère (comme suite à une forte pression professionnelle, à une insatisfaction personnelle, à une insécurité financière…) sont des émotions normales.
La fatigue est un état physique qui est fréquent et tout aussi normal.
Les pleurs et les larmes ne sont donc pas anormaux. Si les larmes sont considérées comme anormales par le parent, alors elles le seront par l’enfant… qui n’osera plus exprimer ses émotions, qui se coupera de ses sensations corporelles, qui n’arrivera pas à verbaliser ce qu’il ressent.
Les parents pourront en profiter pour expliquer pourquoi les humains pleurent. Pleurer soulage : les larmes libèrent.
Il est essentiel de ne pas réprimer ses émotions (ni celles de ses enfants). Une émotion non exprimée risque de resurgir dès qu’un élément commun aux scènes du souvenir se présente : cris d’enfants, porte qui claque, sonnerie de téléphone, etc. Le cerveau est alors parasité tant que l’émotion et le stress n’ont pas été libérés (par les pleurs notamment).
>>>Lire cet article sur les émotions élastiques pour comprendre les enjeux des émotions non exprimées qui reviennent avec force plus tard : Les émotions élastiques : quand les réactions parasites prennent le contrôle de nos comportements
Par ailleurs, les enfants ont le don de pressentir quand les parents sont en colère, tristes, fatigués, irritables et ils auront tendance à se sentir insécurisés (voire coupables) tant qu’ils n’auront pas reçu d’explications.
Le feedback des parents sur l’émotion éprouvée et sur les causes de cette émotion est alors bénéfique à la fois pour le parent et pour l’enfant.
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mettre en place un plan d’action en écoutant le message porté par les larmes
Les parents montrent l’exemple à l’enfant quand ils écoutent le message porté par leurs sensations et leurs émotions. Si les parents s’écoutent eux-mêmes, l’enfant saura qu’ils auront la capacité de toujours l’écouter quand lui-même pleurera. Un plan d’action pourra prendre la forme de repos, d’une recherche des causes en cas de bouffées d’angoisse ou de colère, d’anticipation des situations « à risques » en famille (coucher, repas, matins…), d’un changement dans l’organisation (horaires de travail, déménagement pour diminuer les temps de trajet…).
L’idée est que l’enfant comprenne que tout le monde ressent des émotions et que même les adultes ont des limites physiques et émotionnelles.
Les enfants peuvent également venir réconforter le parent triste; l’entre-aide dans la famille peut aller dans les deux sens tant que le parent ne fait pas porter la charge de ses émotions sur l’enfant en le culpabilisant (“c’est de ta faute si je pleure, tu m’épuises”) ou en l’utilisant (“viens me réconforter, je suis si seule au monde, toi au moins tu seras toujours là pour moi”).
Comment prendre soin de soi ?
Si vous sentez que les pleurs qui montent vont se transformer en grosse colère contre l’enfant ou en gestes violents, il serait alors plus judicieux de prévenir l’enfant que vous avez besoin de calme pour reprendre vos esprits et que vous allez vous isoler quelques instants. Vous pourrez alors boire un grand verre d’eau, pratiquer quelques exercices de respiration
Si vous vous sentez à bout, que vous avez envie de pleurer souvent, peut-être êtes-vous sur le point d’entrer en burn out parental. Dans ce cas, vous avez besoin de vous entourer, de demander de l’aide au quotidien.
Si vous vous reconnaissez dans ce cas de figure, je vous propose des ressources pour prendre soin de vous : Burnout parental : que faire pour ne pas craquer ?
Pour résumer :
- Toutes les émotions sont normales.
- L’apprivoisement des émotions commence par l’identification, l’acceptation puis l’expression ou la verbalisation.
- Il est indispensable d’expliquer à l’enfant qu’il est hors de cause et par conséquent de communiquer sur tout le processus.
- Ne rien dire sur ses émotions ou cacher leur expression serait envoyer le message que les émotions sont honteuses et culpabilisantes.
- Les 3 ennemis des parents sont la fatigue, le stress et l’isolement. L’épuisement (ou burn out) commence là où le stress s’arrête.