Pourquoi dit-on que les jeunes enfants sont naturellement curieux ?

curiosité naturelle jeunes enfants

La curiosité et la créativité sont souvent emmêlées de manière inextricable. C’est l’habitude de se demander “Pourquoi” et “Et si…”. Il est commun de dire que les enfants sont naturellement curieux. Pourtant, cette habileté naturelle et spontanée disparaît au fur et à mesure qu’ils grandissent.

Ken Robinson explique que les personnes les plus douées pour la pensée divergente sont… les enfants de moins de 5 ans ! Les personnes les plus créatives au monde sont les enfants de maternelle !

Il décrit un test mené pour évaluer le potentiel en termes de pensée divergente : 98% des enfants de moins de 5 ans évalués sont considérés comme des génies en termes de pensée divergente. Ce pourcentage diminue régulièrement quand les enfants vieillissent.

Ken Robinson en tire deux conclusions :

  1. Nous possédons tous une capacité naturelle à penser de manière divergente,

  2. Cette capacité se détériore avec le temps.

Le système scolaire traditionnel participe en partie à cette détérioration. Les enfants y apprennent que :

  • il n’existe qu’une seule solution à la question,
  • il vaut mieux se concentrer sur le résultat que sur le processus,
  • ils ne savent pas ce qui est bon pour eux : ce sont les adultes qui savent ce qu’ils doivent apprendre, quand et comment,
  • ils doivent la trouver par eux-mêmes sans s’aider de livres ni demander d’aide à l’enseignant ou aux camarades. Ken Robinson remarque au passage que la triche à l’école est considérée comme de la collaboration en dehors de l’école !

Po Bronson et Ashley Merryman écrivent dans le livre The Creativity Crisis: Reinventing Science to Unleash Possibility :

Les enfants d’âge préscolaires posent en moyenne 100 questions par jour à leurs parents. Pourquoi, pourquoi, pourquoi – souvent les parents souhaiteraient que ce torrent de pourquoi s’arrête. Et de manière tragique, il finit par s’arrêter. A l’âge du collège, les enfants ont quasiment arrêté de poser des questions. Ce n’est pas une coïncidence que la motivation et l’implication des enfants chutent vertigineusement à cette même période de leur vie. Ils n’ont pas arrêté de poser des questions parce qu’ils se désintéressent de tout : c’est plutôt l’inverse. Ils ont fini par perdre l’intérêt parce qu’ils ont arrêté de poser des questions.

 

On fait une faveur aux jeunes enfants quand on les engage dans la construction du savoir plutôt que leur servir le savoir de manière passive. Cultiver l’esprit de curiosité et l’art de poser des questions permet de maintenir ardentes les braises de l’apprentissage que chaque enfant porte en lui.

8 idées pour cultiver la curiosité naturelle des jeunes enfants

1.S’émerveiller et prendre le temps

Que ce soit par la reconnaissance d’un beau paysage, d’une pièce de musique, d’une oeuvre d’art, d’un talent particulier chez une personne, apprécier la beauté et l’excellence permet à l’être humain de se connecter à quelque chose de plus grand que lui. – Julie Bazinet

L’expérience émotionnelle d’admiration et d’émerveillement sublime l’ordinaire en extraordinaire et rend la vie plus savoureuse, pleine de ces micros moments de bonheur. Cette expérience émotionnelle repose sur l’aptitude à trouver, à reconnaître et à prendre plaisir à s’émerveiller face à toute forme de beauté et face à ce qui touche la sensibilité.

Einstein disait qu’il existe 2 façons de vivre : l’une en faisant comme si rien n’est un miracle, l’autre en faisant comme si tout est un miracle.

Il suffit juste d’un peu d’obstination et un optimisme de volonté pour faire émerger ce qu’il y a de plus beau en soi et dans le monde : notre manière de voir et de regarder les événements qui nous touchent ! – Malek Boukerchi

Malek Boukerchi, conteur, coach et sportif, propose d’ajouter un examen d’émerveillement à nos examens de conscience : chaque jour, émerveillons-nous !

 

2.Poser des questions et alimenter la source des “pourquoi”

Il est vital d’impliquer les enfants dans nos discussions. On peut le faire de plusieurs manières :

  • montrer l’exemple en nous interrogeant nous-mêmes sur des choses du quotidien (“je ne sais pas faire cela, où est-ce que je vais pouvoir trouver l’information ?”, “qu’est-ce que ça donnerait si je faisais ça comme ça ? “),
  • demander l’avis des enfants sur ce qu’ils voient, les histoires qu’ils entendent, les événements qui se déroulent autour d’eux : “et toi, qu’est-ce que tu en penses ?”,
  • engager les enfants dans des discussions du quotidien : “tiens, le bus est en retard, est-ce que tu aurais une idée pourquoi ? qu’est-ce qui a pu arriver ?”,
  • pratiquer la philosophie de manière plus ou moins formelle et poser des questions à valeur métaphysique (l’important est la capacité à se poser des questions, à s’engager dans une réflexion poussée, à accepter de se contredire et d’être contredit, à savoir que le processus est finalement plus important que la réponse).

ateliers-philo-enfants

3.Passer autant de temps que possible dehors au contact de la nature

Dans son dernier livre « La famille buissonnière », Marie Gervais encourage la (re)connexion avec la nature pour vivre une vie plus autonome, plus réfléchie, plus intense car reliée au monde qui l’entoure et la nourrit.

Elle regrette que la majorité des enfants rentrent chez eux après l’école et passent de l’intérieur à l’intérieur : école, voiture, maison, écran.

Le temps passé dehors permet aux enfants de créer leurs propres scénarios, de faire leurs propres expériences, de détourner des objets et matériaux sans crainte du regard adulte, d’initier seuls leurs propres activités.

La capacité de transformer l’existant et la débrouillardise seront des outils précieux pour sa vie entière ! – Marie Gervais

 

4.Explorer, faire des expériences et créer

Les premiers pas sont de s’émerveiller et de s’interroger, mais le deuxième est d’agir. On peut mettre en action les idées imaginées : et si on remplaçait le beurre par de l’huile de coco ou les oeufs par des bananes dans la recette ? Qu’est-ce que cela donnerait ? Essayons pour voir !

On peut proposer des opportunités aux enfants d’observer physiquement les résultats de leurs hypothèses.  L’exploration et le passage à l’acte fournissent souvent de nouvelles questions et nourrissent de nouvelles idées à tester au cours de nouvelles expériences.

Exposons les enfants à de nouvelles idées et ils créeront de nouvelles questions !

parcours sensoriel

5.Soutenir et encourager les passions

Il n’est pas nécessaire d’attendre que les concepts ou thèmes soient “au programme” de l’école pour nourrir la soif de connaissance des enfants.

Soutenir et encourager les passions des enfants (en proposant des livres, des sorties, des rencontres, des documentaires, des voyages en rapport avec ce qui enthousiasme les enfants) a un double effet bénéfique :

  • cela renforce la relation en créant des liens émotionnels forts via des souvenirs partagés et la preuve pour l’enfant que son avis compte pour l’adulte,
  • cela consolide la motivation intrinsèque des enfants (on n’apprend pas pour un examen ou une date butoir dans un objectif précis, mais on apprend par joie de comprendre et de penser, par l’élan qui satisfait un profond contentement de l’âme).

 

6.Autoriser les erreurs

La curiosité ne peut s’épanouir qu’à la condition que les enfants se sentent autorisés de faire des erreurs. Thomas Edison disait déjà en son temps : “Le simple fait qu’une chose ne se passe exactement de la manière dont vous l’aviez prévue ne signifie pas qu’elle soit inutile. ”

Au cours du processus de recherche pour créer l’ampoule électrique, Thomas Edison a toujours refusé de voir dans ses échecs successifs des échecs personnels, mais il les a vus comme le processus même qui le rapprochait, petit à petit, de l’objectif final.

On peut au contraire faire l‘éloge de l’erreur et encourager un état d’esprit de développement chez les enfants. Les échecs sont instructifs : ils sont un appel à s’améliorer et apprendre. Ce que les enfants apprennent ne cesse jamais d’être un travail, un chantier en cours. La réussite personnelle, c’est faire tout son possible pour devenir meilleur.e.

 

7.Le jeu libre et ouvert

Les petits d’homme sont les mammifères qui jouent le plus naturellement ! On peut cultiver la créativité naturelles des jeunes enfants de bien nombreuses manières :

  • les laisser jouer dans la nature,
  • mettre à disposition des jeux de construction divers et variés, à commencer par des blocs en bois,
  • provoquer des opportunités de créations artistiques (des classiques crayons de couleur à l’argile en passant par la peinture ou le collage),
  • proposer des loose parts (les loose parts sont des petits objets mobiles, des matériaux naturels ou synthétiques, qui ont été trouvés, ramassés, achetés ou bien recyclés et qui peuvent être touchés, manipulés, transformés, transportés à travers le jeu. Les loose parts n’ont pas d’usage déterminé et donnent lieu à des jeux libres.),
  • laisser les enfants jouer avec des “non jouets (le panier à trésors fait de pommes de pin, d’un fouet de cuisine, de couvercles en plastique et de foulards; la fameuse boîte en carton d’emballage; les reflets de la lumière à travers une vitre ou sur un disque…).

fusée en carton enfant construction en carton enfant

8.Lire des livres vivants

Dans la pédagogie Charlotte Mason, le choix des livres qui seront lus aux enfants est le point clé de l’acte éducatif. La pédagogie Mason insite sur les idées : les esprits des enfants ont besoin de nourriture sous forme d’idées.

Notre travail d’éducateur est d’exposer l’enfant à un maximum de belles et grandes idées : il a besoin d’une grande quantité de matière noble pour bâtir sa propre vie. (source La pédagogie Charlotte Mason par Laura Laffon)

Charlotte Mason estime qu’un des grands rôles de l’éducateur est de mettre à disposition des enfants des sources d’inspiration et de toujours veiller à ce que l’enfant soit entouré de belles idées nobles et inspirantes.

Pour elle, l’enfant a besoin de livres vivants en abondance. Ils sont vitaux pour le développement de sa vie intellectuelle car la vie intellectuelle a besoin d’idées vivantes

Or les histoires prévisibles, les listes, les résumés ne nourrissent pas l’esprit. Les meilleurs livres, poèmes et chefs d’oeuvre sont ceux qui créent la surprise chez celui qui les découvre.

Dans la pédagogie Mason, il est primordial d’immerger les enfants dans un bain d’excellents exemples de nature, de vie, d’amour, d’héroïsme… et de les laisser piocher ce qu’ils veulent. Leurs esprits sont indépendants, ils feront leur propre sélection parmi ce qu’on leur propose.

L’enfant doit avoir à sa disposition en grande quantité :

  • des livres de fiction, de poésie, de voyages, d’aventure, de récits historiques et de biographies stimulantes,
  • des livres avec des idées vivantes, pour nourrir l’esprit,
  • des idées nobles, qui placent le devoir comme une belle valeur et la nature comme quelque chose d’omniprésent,
  • des idées toujours exaltantes dans tous les domaines d’étude : géographie, grammaire, histoire, astronomie…

 

Le fait de garder intacte la curiosité naturelle des jeunes enfants a plus de chance de soutenir leurs performances “scolaires” ultérieures que le fait de les immerger dans un bain de “préparation” à l’école primaire à travers des activités trop structurées. Quand un enfant apprend à s’interroger, à faire des expériences, à tirer des leçons de ses erreurs et qu’on le laisse jouer librement, le reste suivra :).