L’adolescence : prise de risque, créativité et sens du groupe, au service de l’évolution de l’humanité
L’essence de l’adolescence est marquée par des grands traits communs à tous les ados entre 12 et 24 ans : la sensibilité exacerbée, l’engagement social intense, la recherche de nouveauté et le besoin d’exploration créatrice.
Dans leur livre Zoobiquity, qui s’intéresse précisément aux nombreux points communs entre l’homme et l’animal, Barbara Natterson-Horowitz et Kathryn Bowers écrivent :
« Une plus grande tolérance au risque – ou plutôt, un plaisir nouveau à prendre des risques – propulse aussi bien les jeunes oiseaux hors du nid, les hyènes hors de la tanière familiale, les dauphins, les éléphants, les chevaux et les loutres vers des groupes de congénères adolescents, et les jeunes humains vers les centres commerciaux et les résidences universitaires. Avoir un cerveau qui vous rend moins craintif permet, voire encourage, la confrontation avec le monde extérieur, les dangers et les rivaux – autant de défis nécessaires à votre sécurité et à votre réussite. Une peur moindre, un plus grand intérêt pour la nouveauté et une impulsivité accrue se retrouvent ainsi d’une espèce à l’autre, et servent un objectif précis. D’ailleurs, la seule chose potentiellement plus dangereuse que la prise de risque au cours de l’adolescence l’adolescence est l’absence de prise de risque. »
La prise de risques par les adolescents a une fonction évolutive pour l’espèce humaine
L’adolescence est marquée par l’attrait du risque. Du point de vue du cerveau, cet attrait du risque pour les adolescents a une fonction positive.
Quitter le foyer familial est une prise de risque. Mais le risque qu’il y a à ne pas prendre de risque consisterait à ne pas partir, et donc à stagner, ce qui nuirait à la survie de l’espèce.
Daniel Siegel, neuroscientifique et auteur du livre Le cerveau de votre ado, écrit que le risque insuffle un nouvel élan vital à des comportements rigides. Le besoin de prendre des risques est inscrit dans les structures cérébrales des adolescents ; ils sentent profondément que c’est une question de vie ou de mort. A l’échelle de l’espèce humaine, il s’agit d’une question de survie.
Si le cerveau adolescent développe un biais positif, surestimant les avantages et sous-estimant les inconvénients d’une conduite à risque, c’est pour mieux préserver la grande famille humaine. – Daniel Siegel
L’importance du groupe chez les adolescents a également une fonction évolutive positive pour l’espèce humaine
Par ailleurs, l’adolescence est marquée par le besoin de tisser des liens avec d’autres jeunes du même âge qui, eux aussi, sont en train de partir à la découverte du monde.
Daniel Siegel explique que c’est parce que le groupe procure un sentiment d’appartenance rassurant. Aux débuts de l’espèce humaine, il valait en effet mieux être nombreux pour guetter les prédateurs, pour s’émanciper, pour partager et œuvrer à la création d’un monde nouveau nécessaire à la survie de l’espèce.
Les adolescents visent à être comme tous ceux qui essaient d’être différents. Tout se passe comme s’ils essayaient d’être comme n’importe quel individu qui essaie de ne pas être comme tout le monde.
Les ados pensent souvent qu’ils ont beaucoup plus besoin les uns des autres que les adultes. Ils sont notre avenir ; c’est par leur courage et leurs efforts, parfois outranciers mais créatifs, pour « ne pas être comme tout le monde » que l’espèce humaine a pu s’adapter. – Daniel Siegel
L’espèce humaine a besoin des caractéristiques des adolescents
Daniel Siegel va jusqu’à affirmer que si les humains veulent survivre sur cette planète fragile, ils vont avoir besoin de toute l’ingéniosité de l’esprit adolescent rebelle pour trouver des solutions aux problèmes causés par les générations précédentes.
Selon le neuroscientifique, le rejet des adultes manifesté par les adolescents n’est pas seulement inscrit dans leur cerveau, mais aussi dans tout notre ADN. Il suffit de repenser à notre propre adolescence : nous nous comportions comme eux quand nous étions nous-mêmes ados. Comprendre cela permet d’adopter une attitude à la fois ferme et bienveillante pour accompagner les adolescents et les aider à traverser ces années sans nuire à personne, ni à eux ni aux autres.
Un point crucial dans la relation adultes/ ados est donc de rester au maximum ouvert à la communication. Les outils proposées par la parentalité consciente et bienveillante peuvent donner des pistes pour y parvenir et permettre aux ados de passer « du seulement moi au nous aussi ».
Le rôle des adultes pour permettre aux adolescents de déployer leur potentiel
Daniel Siegel nous invite à reconnaître ce que les adolescents ont à offrir à notre monde avec leur motivation et leur ingéniosité.
Pour déployer leurs talents et faire naître des solutions au service de l’humanité, les adolescents ont besoin du soutien des adultes.
Ils ont besoin que l’on honore la capacité de leur esprit naissant à repousser les limites, et leur créativité exploratrice, qui promet des solutions inédites à ces temps difficiles.- Daniel Siegel
Ainsi, comprendre le cerveau des adolescents ouvre de nouvelles perspectives en termes de vie de famille.
Comment trouver un équilibre entre les choix personnels de nos adolescents et notre devoir de contrôle, nos inquiétudes de parents ? Comment soutenir nos adolescents sans leur dicter leur conduite ? Comment, en même temps, poser les limites, faire les mises en garde que nous souffle notre expérience ? Pour qualifier cette approche, les scientifiques parlent d’une « juste » autorité parentale : les parents savent à la fois se montrer chaleureux, fixer des limites et encourager l’autonomie de leurs enfants en fonction de leur âge.
Cette approche équilibrée favorise également un attachement sécurisant dans l’enfance qui sera un socle utile à l’adolescence: être présent, tout en accompagnant la séparation ;protéger l’enfant tout en l’incitant à aller explorer le monde qui l’entoure, faire le maximum pour permettre aux enfants de se sentir vus, en sécurité (au sens de « protégés », « à l’abri du danger »), apaisés et sécurisés (rassurés intérieurement). Daniel Siegel rappelle que c’est ce type d’attachement sécurisé qui permet ensuite aux adolescents de “descendre les rapides de la vie avec agilité”.
Accompagner des adolescents au quotidien est une tâche difficile sur le plan émotionnel ; il faut savoir tantôt parler, tantôt se taire ; tantôt contraindre, tantôt autoriser ; oser la proximité lorsque l’adolescent doute ou n’est pas sûr de lui ; être là pour le rassurer et le réconforter lorsqu’il rencontre des problèmes. Daniel Siegel reconnaît l’importance d’un soutien extérieur, d’un espace de réflexion pour traverser cette période difficile pour les parents.
Cela nous a pris du temps, mais, après maintes disputes et bien des larmes de part et d’autre, nous avons appris qu’en exprimant d’abord ce qui se passait à l’intérieur de nous – comment chacun voyait les choses, ce que chacun ressentait, pensait, espérait et entendait de l’autre –, nous pouvions ensuite être attentifs au vécu intérieur de l’autre, et à ce qui se cachait derrière ces coups de gueule, pour ne pas dire ces véritables déclarations de guerre. Il a fallu de la réflexion, de l’introspection et du dialogue. Sans ces échanges entre nous, nous aurions fait de ces années d’adolescence une expérience très différente. – Daniel Siegel
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Source : Le Cerveau de votre ado de Daniel Siegel (éditions les arènes). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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