Les compliments descriptifs : des outils efficaces pour la bienveillance éducative

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Je vous propose un nouveau format d’article sur le blog. Il s’agit d’interviews menées par Ingrid van den Peereboom, animatrice de l’émission radio Vers une parentalité bienveillante sur RCF et spécialiste du portage physiologique. Ses interviews donneront la parole à des penseurs et des penseuses de l’accompagnement respectueux des enfants qui aborderont des thèmes peu évoqués par ailleurs. Aujourd’hui, Ingrid s’entretient avec Marlène Martin, qui a traduit le livre J’élève mes enfants avec bienveillance (même quand c’est difficile !) de Noël Janis-Norton pour les éditions L’Instant Présent. Noël Janis-Norton développe l’idée des compliments descriptifs dans le cadre d’une éducation bienveillante.

Présentation de l’interviewée

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Observant que violence physique et verbale se montrent inopérantes – sauf pour faire des dégâts sur les relations familiales – Noël Janis-Norton propose dans son livre J’élève mes enfants avec bienveillance (même quand c’est difficile ! ) un outil innovant et proactif favorisant des relations respectueuses et non-violentes : le Compliment Descriptif. Marlène Martin, qui a traduit ce livre pour les éditions L’Instant Présent, s’entretient avec Ingrid van den Peereboom afin de nous aider à bien comprendre la démarche proposée dans cet ouvrage, que Noël Janis-Norton pratique depuis de nombreuses années.

>>> En complément, retrouvez le podcast d’une autre interview de Marlène Martin par Ingrid van den Peereboom sur le livre de Noël Janis-Norton à ce lien.

La formulation des compliments descriptifs passe par le fait de :

  • remarquer ce que l’enfant fait bien, ou au moins suffisamment bien (même un enfant très irritant fait chaque jour beaucoup de choses appropriées),
  • dire à l’enfant exactement ce qu’on constate,
  • éliminer toute forme de compliment évaluatif.

Questions/ réponses sur les compliments descriptifs

Noël Janis Norton explique que le compliment descriptif a le pouvoir de transformer la vie de famille : “Il améliore le comportement de l’enfant et également celui du parent, en apaisant les relations conflictuelles.” Mon questionnement face à cette méthode est qu’elle s’appuie sur la motivation extrinsèque. On veut éveiller le désir de l’enfant de faire plaisir à ses parents et à ses enseignants. Qu’en est-il du désir de l’enfant ? S’appuie-t-on sur son désir d’être accepté pour le formater ? Voilà ce qui m’inquiète.

Je travaille à la Lab School. Elle met en œuvre des pédagogies qui sont en lien avec les résultats de la recherche. Alfie Kohn (Note : Le mythe de l’enfant gâté, éditions L’instant Présent) est plus un philosophe de l’éducation que quelqu’un qui s’appuie sur des résultats de recherches. J’ai vraiment trouvé que c’était l’effet que m’avait fait Jan Hunt (Note : auteure de La véritable nature de l’enfant, éditions l’Instant Présent). J’avais trouvé ce livre très hors sol par moments, voire très culpabilisant.

Je me souviens d’un passage où elle explique que si on fait des courses et que l’enfant est fatigué, on pourra faire des courses une autre fois. À l’époque, j’avais trois jeunes enfants, elle était maman célibataire avec un seul enfant. Je ne me voyais pas, dans certains cas, simplement quitter le supermarché alors que le frigo était vide, parce qu’un de mes enfants n’aurait pas été, à ce moment-là, d’humeur à faire des courses… La vie n’est pas toujours aussi simple.

Je trouve Noël Janis-Norton beaucoup plus ancrée dans la vraie vie. C’est ce qui m’a plu dans son approche. Son message me parait plein de bon sens, centré sur les besoins essentiels des enfants : répondre à leurs besoins de base en nourriture, sommeil, contact avec la nature, temps de qualité avec chacun des parents, etc. Apprendre aux enfants à faire des choses par eux-mêmes, les accompagner dans le fait de faire : aider à la maison, ranger, cuisiner… L’expérience de la réussite construit chez les enfants un sentiment de compétence très précieux. Je pense aux travaux de Hattie (Note : L’apprentissage visible – ce que la science sait de l’apprentissage, John Hattie et Gregory C.R. Yates, éditions l’Instant Présent). Ce qui nourrit la motivation, c’est la récupération en mémoire par le cerveau des souvenirs d’actions réussies car cela génère un sentiment de bien-être qui est le souvenir positif de réalisations réussies.

Prenons un exemple fictif. J’arrive avec mes bagages d’adulte qui a beaucoup été manipulé et élevé avec des méthodes behavioristes. Comment puis-je m’y retrouver avec Noël Janis-Norton ?

C’est un sujet dont on a parlé entre familles non scolarisantes, où beaucoup parmi les parents avaient souffert de leur éducation contraignante, où ils n’avaient pas été encouragés dans leur autonomie. Leur approche était très peu directive avec leurs enfants. Je n’ai pas eu une éducation aussi contraignante et je n’étais pas dans la bascule inverse à ce point-là. Mais un certain nombre de ces enfants étaient assez difficiles en collectivité car leur notion du respect auquel on était en lieu de s’attendre pour des enfants de leur âge n’était pas adaptée. Parce qu’on n’avait pas suffisamment attiré leur attention sur le fait de considérer les autres.

L’enfant a besoin d’être accompagné dans son besoin d’apprendre à attendre par exemple. Noël Janis-Norton nourrit les besoins primordiaux de l’enfant, souligne que la prise en compte par l’adulte des besoins de l’enfant est essentielle et première. Les besoins des enfants peuvent passer avant ceux des parents. Ensuite, c’est plutôt le côté rendre l’enfant conscient progressivement des besoins des autres, une fois les siens assurés… Ça ne veut pas dire être le bon petit mouton obéissant, mais plutôt permettre à l’enfant d’avoir des expériences positives en société en s’ajustant aussi aux autres. Accompagner l’enfant à cet ajustement aux autres est pour moi central dans l’éducation. Ça peut entrer en conflit avec d’autres préoccupations.

Je me souviens par exemple d’une maman avec son petit de deux ans, qui aimait jouer sur les ordinateurs dans les années 2000. Un soir, assez tard, l’enfant réclamait de jouer, il s’énervait. La maman le remettait sur l’ordinateur et il s’énervait encore plus. Pour moi, le rôle du parent dans cette situation est de voir quels sont les besoins primordiaux de l’enfant et de les distinguer des envies de l’enfant. Il avait besoin de dormir et il avait envie de jouer. L’adulte peut faire la distinction entre les besoins et les envies. Parfois, ils sont contraires. À l’âge adulte, on peut privilégier nos besoins par rapport à nos envies. En tant que parent, on peut avoir un rôle éducatif respectueux des enfants. Il y a une part rébarbative dans les apprentissages. C’est aussi comme ça que l’enfant construit ses capacités de persévérance. Si on ne l’accompagne pas dans le franchissement de certaines étapes un peu rébarbatives, on ne le prépare pas à la vie. Parfois il faut aussi savoir différer ses satisfactions immédiates.

En attendant que l’enfant devienne mature, c’est le rôle du parent de l’aider à accepter d’attendre parfois, de ne pas réussir du premier coup... Ce courant qui souhaite préparer l’enfant à la réalité de l’existence est intermédiaire entre l’éducation hyper rigide et celle où on est très peu directif, le minimum étant que les enfants respectent les besoins de leurs parents. Noël Janis-Norton assume que les parents soient des éducateurs, qu’ils aient une plus grande expérience de la vie et qu’ils aient une légitimité à guider les enfants.

Ce n’est pas dans la même ligne que d’autres publications des éditions l’Instant Présent ?

Notre critère est que les besoins des enfants soient respectés. Voir le côté positif en eux, avoir de la patience envers eux, l’importance du sourire, de la bonne humeur. Cela me semble plus réaliste et plus applicable. Certains enfants sont plus difficiles à élever que d’autres. Certains sont plus sociables, d’autres plus râleurs. Les gens qui défendent les approches très peu directives ont parfois des enfants qui sont plus faciles et changent de point de vue quand ils ont un enfant qui a un caractère un peu différent.

C’est un vaste débat ! Que les enfants respectent les besoins des parents tandis que les parents respectent les besoins des enfants, c’est un rééquilibrage essentiel pour un adulte qui n’a pas forcément été respecté ?

C’est progressif et croissant. Un enfant de 4 ans qui hurle pour demander, ça agresse le parent. On demande sans hurler. Ce que l’enfant doit apprendre à respecter, c’est le besoin et le droit du parent qu’on lui parle de manière respectueuse. L’enfant est en apprentissage. Les discussions préparatoires, qui consistent à échanger avec l’enfant sur la façon appropriée de se comporter dans certaines circonstances, aident à ce que l’expérience de l’enfant soit par la suite plus gratifiante. Dans certaines situations où le parent a constaté que c’était difficile pour l’enfant de faire une chose nécessaire, comme se préparer le matin, se comporter correctement dans un magasin, etc., on anticipe la scène. Dans la vie réelle, on doit trouver une part d’ajustement avec les autres et cet ajustement se fait en ayant de la considération pour les autres personnes. On anticipe les difficultés pour que la situation potentiellement problématique se passe mieux. Cela renforce le sentiment de compétence de l’enfant. Le besoin de compétence est un des besoins psychologiques fondamentaux parce que cela nourrit la confiance en soi. La confiance en soi est le carburant nécessaire au fait d’oser ouvrir son univers. Se préparer en anticipant des difficultés aide la situation à se passer mieux que la fois précédente et l’enfant en tirera un sentiment plus positif de lui-même.

Les compliments descriptifs des outils efficaces pour la bienveillance éducative

Le besoin de reconnaissance et de faire plaisir est fondamental. On le met un peu en opposition avec le besoin d’autonomie. Or on est tous extrêmement interdépendants. On arrive à une forme de valorisation réciproque. Quand l’enfant a un comportement qui convient dans une situation, il renvoie au parent une image de bon parent. Les attitudes inappropriées à l’extérieur peuvent être gênantes. On est heureux de faire plaisir à nos enfants, par exemple en les emmenant en sortie ou en leur préparant des repas qu’ils aiment, on ne considère pas pour autant qu’on leur est assujetti ou qu’on est manipulé…

C’est réciproque ?

C’est sain. On dit parfois qu’il n’y a pas d’amour, seulement des preuves d’amour…

À propos de la discussion préparatoire, ce que Noël Janis-Norton propose est un échange véritable qui n’a rien à voir avec des menaces ou du chantage, comme par exemple : si tu fais ça, tu n’auras pas de dessert.

Oui, tout à fait. L’idée est de décrire la manière adéquate d’aider l’enfant. Certains enfants oublient certaines choses et prendre le temps de se préparer avec eux les aide. Elle insiste en disant que c’est l’enfant qui doit expliquer lui-même ce qu’il doit faire. Ça l’aide. C’est proche des techniques de visualisation : on s’imagine dans la situation en train de faire tout bien, et cela favorise le bon déroulement de l’événement.

C’est un échange authentique de qualité.

C’est toujours ce qu’elle préconise. Le parent prend vraiment le temps et il est à l’écoute ; mieux les choses se passent, plus l’enfant est content de lui-même. La gratification vient du fait que les choses se passent bien et que tout le monde passe un bon moment. On est très loin de si t’es sage, t’auras un bonbon ; si t’es pas sage, tu seras puni. L’approche de Noël Janis-Norton est la suivante : si un enfant qui est fatigué se retrouve dans les transports ou au supermarché, c’est au parent de faire en sorte que les besoins de l’enfant soient respectés.

Les compliments descriptifs rappellent aussi le fait que l’on a tendance à se conformer aux étiquettes dont on nous affuble. On explique de plus en plus qu’il est judicieux d’éviter les étiquettes. Et ici, dans cette méthode, on propose d’en employer. Par exemple : tu es autonome, tu es serviable , tu es fiable, etc. Alors comment faire pour bien faire, finalement ?

Les étiquettes sont généralement négatives. C’est bien ce que Noël Janis-Norton propose de ne plus jamais dire. C’est plus de l’ordre de la description. Elle propose que l’on dise quelque chose d’adapté à la situation. On peut dire tu as fait preuve d’autonomie mais cela s’inscrit dans la diversité des actions ponctuelles et précises de l’enfant. Quand un enfant est minutieux, il fait preuve de minutie pendant tel atelier. Je ne vois rien de négatif à dire qu’il a été minutieux pendant un atelier. Les étiquettes sont limitantes. Dire qu’un enfant est minutieux ou autonome, ce n’est pas limitant. Le fait que ce soit attaché à une action ponctuelle change la donne. On n’est pas dans le même risque à mon avis.

Noël Janis-Norton observe que lorsque les parents commencent à utiliser cette approche proactive, ils se rendent très rapidement compte du fait qu’ils ne sont plus aussi stressés, et presque plus tentés de critiquer, de répéter, de rappeler, de menacer, de faire du chantage, de hurler… ou de frapper. Et c’est bien là l’objectif de la démarche : faire du bien, communiquer de façon respectueuse, non violente, constructive.

C’est aussi lié à des questions de contagion émotionnelle. Souvent, on est dans des escalades négatives de contagion émotionnelle. L’enfant s’énerve, le parent s’énerve et le parent craque. Ne plus s’attacher aux comportements inappropriés est une manière de couper l’herbe sous le pied à cette escalade émotionnelle négative. Cela rejoint la psychologie positive : voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, dont il est prouvé que cela a des effets cognitifs.

Y a-t-il des ateliers qui promeuvent cette méthode ?

À ma connaissance, il y a en France une coach parentale, Anne Peymirat; formée par Noël Janis-Norton en Angleterre, avec laquelle on a uniformisé certaines appellations dans la traduction française du livre pour être sur la même ligne. C’est une maman de quatre enfants qui a aussi pratiqué pour elle-même. Elle est revenue vivre en France après quelques années. Elle proposait du coaching et des formations en entreprise à ces approches relationnelles.

Le livre a quelques années. Les recherches actuelles viennent confirmer l’approche de Noël Janis-Norton. Elle est pragmatique, réaliste, abordable pour tous les parents, au contraire d’autres approches inapplicables et éloignées de la vraie vie. Ça ne rend service à personne de préconiser des méthodes qui ne sont pas accessibles à tout le monde. Noël Janis-Norton est pragmatique et abordable, elle s’adresse à l’ensemble des parents. Elle donne des outils permettant d’initier un cercle vertueux dans lequel chaque parent, chaque enfant aidé permettra d’avancer vers des relations harmonieuses.

Aborde-t-elle l’adolescence dans d’autres ouvrages ?

À ma connaissance, non. Elle cite un témoignage au sujet d’un adolescent à la fin du livre. Elle dit qu’on peut laisser des petits mots aux ados, si on les voit peu. Elle donne un exemple d’un garçon qui, au moment de partir faire ses études, avait parlé à sa mère du fait qu’il avait toute une collection de petits mots que sa mère lui avait écrits et qu’il avait pris soin de garder. Ce n’est pas parce que les adolescents ne disent rien que par exemple les compliments descriptifs n’ont pas d’influence ou d’effet sur eux.

Il y a mots et mots. Si je comprends bien, ces mots-là étaient écrits dans l’esprit décrit dans le livre.

Oui, c’étaient des marques de reconnaissance, des marques d’affection, ce qu’elle appelle des compliments descriptifs. Noël Janis-Norton suggérait d’écrire cela et de laisser des petits mots. L’idée était de faire cela quand on croise moins les ados, qu’ils sont calfeutrés dans leur chambre, ou toujours à l’extérieur et qu’ils prennent leur autonomie mentale et psychique. Noël Janis-Norton propose de persévérer en leur communiquant des marques d’affection et de reconnaissance.

C’est un sujet très pointu, finalement, que de réfléchir à la manière dont on s’adresse à ses enfants. Ça demande parfois une réflexion par rapport à la façon dont on nous a parlé lorsque nous étions enfants et qui ressort de façon automatique sans contrôle par moments.

On parle d’une déprogrammation, puis d’une reprogrammation de nos réflexes.

Vous pratiquez cette méthode des compliments descriptifs, Marlène Martin ? Quel impact a-t-elle sur votre expérience de mère et d’enseignante ?

C’est un rappel régulier. Ce n’est hélas pas une tendance générale ni naturelle. En tant que parent, j’ai beaucoup utilisé des petits mots, ou cette manière d’exprimer de la gratitude, ou d’expliquer les procédures de manière descriptive. On a la même approche avec les élèves à la Lab School, où je travaille. On détaille les qualités mises en œuvre pour souligner ce que nos élèves ont réussi. On appelle à l’empathie, par exemple.

C’est parfois plus compliqué avec son conjoint, ce qui veut dire aussi que ce n’est pas quelque chose d’extrêmement naturel. C’est un outil parmi d’autres. À certains égards, la relation avec les enfants est plus totale. La plupart des parents feraient tout pour leurs enfants, y compris s’astreindre à changer la manière de leur parler. Je me sentais et me sens une responsabilité absolue envers mes enfants. Le sentiment de responsabilité envers un conjoint n’est pas le même. On se jetterait au feu pour ses enfants. On réfléchirait peut-être avant de le faire pour son conjoint ! (rires) Ici interviendrait la question : duquel de nous deux les enfants ont-ils le plus besoin ? (rires)

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