La vidéo originale que j’ai regardée et qui m’a inspirée cet article s’appelle : Prévenir les caprices par le jeu. Il s’agit d’une interview d’Isabelle Filliozat sur la manière d’utiliser le jeu pour prévenir et désamorcer les tensions familiales.

C’est quoi un “caprice” au juste ? Est-ce que ça existe vraiment ?

Dans cette vidéo, Isabelle Filliozat définit les “caprices” comme “un comportement que l’adulte ne comprend pas“. Le caprice est donc le jugement, l’interprétation et l’étiquette posée par un adulte sur le comportement qu’il ne comprend pas chez un enfant. Selon la psychothérapeute, les caprices n’existent pas : les adultes parlent de “caprices” quand ils ne comprennent pas les oppositions, les refus des enfants. On pourrait plutôt parler de tension ou d’opposition qui correspondent à un besoin non satisfait.

Le problème est que l’idée de “caprice” est très prégnante dans la société : même si les choses sont en train de bouger, on entend souvent qu’il faut se méfier des caprices, que les enfants cherchent à manipuler et à dominer les adultes, qu’ils ont des intentions négatives, voire perverses qu’il faut briser absolument. Or cette idée de caprice n’aide pas les parents.

Il est vrai que les enfants ont des comportements qui désarçonnent les adultes. Isabelle Filliozat indique que la meilleure façon de comprendre le besoin caché qui s’exprime derrière un caprice est de tenter de le comprendre : “qu’est-ce qui se passe ? pourquoi l’enfant agit-il comme ça ? quel est le besoin que l’enfant cherche à exprimer ?”

Cela ne passe pas forcément par le fait de poser ces questions à l’enfant car il est trop immature pour y répondre. En revanche, accepter, reconnaître et accompagner la détresse de l’enfant peut aider à le calmer :

“Quelque chose te dérange vraiment.”

“Cela à dû te faire peur/ te mettre en colère/ te rendre triste, jaloux…”

Les “pourquoi” des parents ne font qu’ajouter aux problèmes des enfants

Lla question “Pourquoi ?” ne fait que s’ajouter aux problèmes des enfants. Très souvent, ils ne savent pas pourquoi ils se sentent de telle manière, pourquoi ils ont réagi de telle façon, ils ne peuvent tout simplement pas analyser la cause et en fournir une explication raisonnable. Ou encore ils craignent que la raison soit ridicule aux yeux des adultes : “Tu pleures pour ça ?”

Rappelons que le cerveau de l’enfant n’est pas un cerveau d’adulte en miniature : il est en construction. Catherine Gueguen, pédiatre, écrit que le néocortex (cerveau supérieur du langage, de la conscience, des commandes motrices volontaires entre autre) est en formation durant les premières années de l’enfant. Il n’exerce pas encore un contrôle complet sur le cerveau archaïque (gestion des fonctions physiologiques comme le sommeil et la respiration et des réflexes de survie comme l’attaque ou la fuite) ni sur le cerveau émotionnel (cerveau des émotions tempérées par le néocortex pour ne pas être envahissantes).

Une grande partie du cerveau se forme au cours des cinq premières années de la vie mais sa maturation se prolonge jusqu’à la fin de l’adolescence.

Plutôt qu’interroger l’enfant sur ce qui ne va pas, plutôt que crier ou punir, les adultes peuvent tout simplement :

  • inviter l’enfant à parler si il ou elle veut (‘”Tu as l’air…”, “Tu sembles avoir passé une mauvaise journée”, “J’ai l’impression que…”);
  • recourir au jeu pour tourner la situation en rire, en contact physique et remplir le réservoir d’attachement, le “recharger en amour“.

3 manières d’utiliser le jeu pour prévenir et désamorcer les “caprices” 

A partir du moment où l’enfant refait les mêmes crises (oppositions, colères, rage, refus…) , c’est qu’il a une bonne raison de les faire et que son besoin n’a pas été entendu.

1. Avant la crise

Isabelle Filliozat conseille de remplir le réservoir d’attachement de l’enfant. Les enfants réagissent de la même manière que les adultes : quand on est stressé, la moindre chose qui ne va pas nous fait exploser. En revanche, les enfants n’ont pas les mêmes capacités que nous pour exprimer et canaliser leurs émotions : non seulement ils manquent de vocabulaire mais leurs circuits neuronaux ne leur permettent pas d’anticiper, de comprendre ni de réguler leurs émotions. Les enfants ont donc besoin du cerveau préfrontal (partie du néocortex) des adultes car ils sont proprement incapables de se contenir tous seuls.

citation attachement enfant

Le contact physique et l’attention portée à l’enfant pendant des séances de jeu permettent à l’enfant de nourrir son bol d’attachement.

Le contact déclenche une production d’ocytocine (hormone du bien-être) dans le cerveau de l’enfant et cette recharge en ocytocine l’aidera à affronter le stress de la vie quotidienne. Catherine Gueguen ajoute que les jeux de contact ont des effets bénéfiques naturels via la sécrétion d’endorphines.

l'amour est un carburant citation isabelle filliozat

 

2. Pendant la crise

En jouant avec un enfant, l’adulte parle son langage et lui démontre un intérêt profond. Par ailleurs, les contacts physiques lui permettent de se sentir bien à l’intérieur grâce à la sécrétion d’ocytocine, hormone du bien-être.

Par ailleurs, le jeu est un moyen pour l’enfant de réparer son sentiment d’impuissance. Par exemple, quand un enfant vient de subir une piqûre chez le médecin, il va vouloir faire une piqûre pour de “faux” à ses parents. Si cette piqûre lui est refusée, il risque de garder son mal-être lié à l’impuissance et celui-ci ressortira à un autre moment de la journée sous une forme qui pourra être prise pour un “caprice”.

3. Après la crise

Selon Isabelle Filliozat, le jeu permet de faire émerger des choses propres à l’enfant. A la différence d’une histoire racontée par les parents dans laquelle l’adulte met des mots sans être sûr qu’ils correspondent à ce que l’enfant a ressenti, l’enfant qui joue met en scène son ressenti. C’est important que l’enfant devienne le “puissant” dans le jeu (le médecin, la maîtresse, le papa, la maman) pour évacuer le sentiment d’impuissance ressentie dans la réalité.

Les jeux de chahut peuvent également être des moyens pour les enfants de se défouler par le rire. Ils permettent de répondre aux colères des enfants et de décharger leurs émotions.

Comment faire quand on n’aime pas jouer ou qu’on est pris par le temps ?

Catherine Gueguen prévient :

Si l’adulte dirige le jeu de façon autoritaire, s’il joue par devoir, l’enfant est stressé et peut se mettre en colère sans que l’adulte en comprenne la raison. […] L’adulte joue par devoir, ne s’amuse pas et l’enfant le ressent immédiatement. Alors il essaye maladroitement de stimuler l’adulte, pour qu’il entre dans le jeu et l’adulte s’agace.

Il revient donc au parent de :

  • trouver un jeu apprécié par lui-même et l’enfant,
  • trouver un laps de temps où il se SENT disponible,
  • définir le temps dédié au jeu (par exemple avec un minuteur ou un Time Timer),
  • accepter de jouer une position “basse” pour que l’enfant joue le rôle de l’adulte.

Dans ce cas, Isabelle Filliozat conseille le livre Qui veut jouer avec moi ? du Dr Lawrence Cohen qui soutient les parents dans toutes les situations du quotidien :

  • des idées pour jouer avec les enfants,
  • des explications sur les intérêts du jeu,
  • comment utiliser le jeu au quotidien avec un enfant,
  • comment oser jouer,
  • comment faire quand on aime pas certains jeux.

 

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Pour aller plus loin :
Qui veut jouer avec moi ? Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants de Lawrence Cohen