Les bases de l’accompagnement des émotions des enfants

aider enfants en colère

Dans leur livre Faire face aux crises de colère de l’enfant et de l’adolescent, Nathalie Franc (pédopsychiatre) et Raphaëlle Scappaticci (psychologue clinicienne) rappellent que l’accompagnement des émotions des enfants se fait progressivement et qu’il n’est jamais trop tard pour poursuivre et améliorer cet apprentissage.

L’accompagnement des émotions des enfants passe par le fait de mettre des mots sur les émotions et de les valider sans chercher à les censurer ou les minimiser. En effet, quand un adulte est confronté à un enfant qui explose, se plaint, accuse, se ferme, voire insulte ou tape, il n’est pas possible de nommer et accueillir les émotions de base tant elles semblent excessives. Quand la colère d’un enfant semble provenir d’un motif futile, nous, adultes, avons plutôt avoir tendance à nous agacer (qu’à faire preuve d’empathie).

Parfois, les émotions sont si fortes que l’enfant ne peut plus dire ce qu’il ressent et ce qu’il veut.

Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci soulignent qu’un enfant en colère est débordé par ses émotions et ne sait plus faire la part des choses. Par exemple, un enfant excité à l’idée de recevoir ses amis pour sa fête d’anniversaire peut ne plus savoir s’il est content ou énervé d’être content car les émotions se mélangent.

C’est la raison pour laquelle il est si important de mettre des mots sur ce qui se passe pour lui : « Tu vois, tu as invité huit camarades à la maison pour ton anniversaire, cela fait des semaines que tu nous en parles et des jours que tu y penses constamment, et maintenant qu’ils vont arriver tu es tellement content que c’est presque comme si tu étais en colère. Comme tu es excité, il va falloir faire attention à ne pas trop t’énerver avec eux ». Le fait que les parents mettent des mots sur ce qui se passe à l’intérieur de l’enfant est déjà une stratégie de régulation émotionnelle en soi. Cela montre aussi à l’enfant que son parent le comprend dans sa difficulté, et ne le dénigre pas.

En parallèle, en dehors des moments de crise émotionnelle, il est utile de doter l’enfant de stratégies pour réguler l’intensité de l’émotion. Les adultes peuvent apprendre aux enfants à respirer par le ventre ou à bouger de manière à libérer l’énergie de colère.

Les risques d’escalade émotionnelle sont réels en famille.

Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci estime que la difficulté principale des parents est de prendre de la hauteur pour ne pas réagir en miroir avec l’enfant et basculer dans l’escalade émotionnelle (« Il est énervé donc ça m’énerve et je m’énerve contre lui, ce qui alimente sa colère à lui »). Cette escalade nourrit un cercle vicieux qui risque de finir en violence (verbale et, parfois, physique).

Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci considèrent que les parents peuvent servir à de “traducteurs” aux enfants. Cela signifie que les premiers  vont intégrer et traiter pour les deuxièmes les informations relatives à la situation, les analyser et leur en faire un retour. Ce rôle parental nécessite de rester calme et posé en tant qu’adulte et cela signifie que les parents ne peuvent pas attendre des enfants une régulation émotionnelle dont eux-mêmes ne sont pas capables.

Il n’est ni souhaitable ni possible que les enfants ne se mettent plus en colère.

Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci regrettent que de nombreux parents émettent le souhait que leur enfant ne se mette plus en colère. Pourtant, la colère a une fonction : elle est protectrice et réparatrice. Ce n’est pas l’émotion qui pose problème mais la réaction tant des parents (inconfort face à cette émotion, impression d’être défié par l’enfant en colère ou d’être un mauvais parent…) que des enfants (risque de taper, de jeter, de casser, d’insulter, de se mettre en danger…).

La première étape avant de gérer une émotion est de la reconnaître. Vous ne pouvez pas résoudre un problème si on ne vous a pas donné l’énoncé, et bien pour votre enfant c’est pareil. Il ne faut pas se centrer uniquement sur la colère mais bien sûr toutes les émotions (car comme nous l’avons dit, même si la mauvaise régulation de la colère est la plus gênante au quotidien c’est bien l’ensemble de la gestion émotionnelle qui est problématique). – Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci

3 approches pour aider les enfants à apprivoiser leurs émotions en général (et la colère en particulier)

1. Parler avec l’enfant de son quotidien

Quand un enfant raconte un événement de son quotidien, c’est une occasion pour développer sa conscience émotionnelle. Il est utile de parler des émotions régulièrement à propos de petits événements (et pas seulement à propos de gros dérapages). En effet, il est plus facile pour un enfant d’analyser et de repérer ses émotions lors de moments ordinaires où il n’a pas été complètement débordé. Il sera aussi plus enclin à communiquer, car il faut comprendre que reparler des vraies crises est souvent très douloureux pour lui.

Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci proposent un exemple de ce type d’échange sur le quotidien émotionnel :

— Aujourd’hui je me suis disputé avec Paul.

— Ah bon pourquoi ?

— Il m’a traité de nul.

— Pour quelle raison a-t-il dit ça ?

— Parce que j’ai fait perdre mon équipe au foot, il m’a fait une passe et j’aurais dû marquer mais j’ai raté mon tir.

— Tu devais déjà être déçu…

— Oui j’étais dégoûté et là quand il m’a dit ça j’avais envie de le frapper.

— Ça t’a fait quoi qu’il dise ça ?

— Ben j’étais super énervé parce que j’avais pas fait exprès de rater mon tir.

— Oui du coup tu as trouvé que ce n’était pas juste de dire ça.

— Oui ça m’a mis en colère.

— Donc tu avais envie de le taper ?

— Oui mais je ne l’ai pas fait, on nous regardait.

— Et tu t’es senti longtemps en colère ?

— Toute la récré mais après il est venu et m’a dit que c’était pas grave en fait on avait gagné quand même.

— Et maintenant tu es encore en colère.

— Non ça va mais si j’y pense ça m’énerve.

2. Mettre des mots sur nos propres émotions en tant que parents

Les adultes (et en particuliers les parents) sont des modèles pour les enfants. Cela signifie qu’apprendre aux enfants à exprimer leurs émotions passe d’abord par le fait d’exprimer les nôtres.

Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci regrettent que, souvent les parents pensent à exprimer leurs émotions quand elles sont en rapport direct avec l’enfant : « je suis déçue que tu ne m’aies pas écouté, je suis en colère que tu m’aies mal parlé, je suis contente que tu aies vidé le lave-vaisselle »… le problème de ce type d’expression émotionnelle est qu’elle ressemble à un reproche déguisé et révèle un but dirigé vers l’enfant : qu’il se conforme aux exigences pour ne pas déclencher d’émotions négatives chez les adultes.

Il apparaît plus intéressant de parler de nos émotions d’adultes dans un contexte neutre.

Contrairement à ce que l’on a tendance à penser, le parent a le droit de montrer aussi qu’il peut être victime de ses émotions, et qu’il doit aussi chercher des stratégies pour y faire face, cela ne l’affaiblit pas dans sa position parentale, au contraire. Il ne faut pas non plus se leurrer : les enfants colériques voient bien leurs parents qui perdent le contrôle face à eux ! – Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci

3. Valider le ressenti émotionnel de l’enfant

Un exemple connu de validation des émotions est celui de la peur. Dire « N’aie pas peur » à la personne qui a peur est tout bonnement inefficace. Ce type de remarque nie l’émotion ressentie et dit à la personne qui la ressent que son expérience n’existe pas, que son vécu est insensé.

Si quelqu’un vous explique qu’il a peur de l’avion, vous allez vouloir le rassurer en expliquant que c’est un moyen de transport très sûr. Mais tout le monde le lui aura déjà dit, évidemment, sauf que visiblement cela ne l’a pas rassuré. Cela s’applique dans toutes les situations. Si l’enfant a peur du noir, vous ne réglerez pas le problème en lui expliquant qu’il ne peut rien arriver et qu’il a tort de s’inquiéter. Rien ne se passera tant que le ressenti initial n’aura pas été validé. – Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci

L’idée forte à garder en tête face aux émotions fortes des enfants est de ne pas les dénigrer avec des phrases du type “Mais non, c’est pas grave”, “Ne pleure pas pour si peu” ou “Pas la peine de s’énerver pour ça“. Cela vaut pour l’ensemble des émotions, y compris la colère donc. Pour nous parents, la tentation est forte d’invalider la colère pour l’éteindre au plus vite : « Ne t’énerve pas pour un si petit truc/ Tu n’as aucune raison de te plaindre”. De même, mieux vaut éviter les jugements moraux (« c’est mal d’être en colère/ tu es moche quand tu pleures »).

La première aide à porter à l’enfant est un travail de longue haleine pour l’aider au quotidien à repérer et exprimer les émotions. Le parent doit s’appuyer sur l’échange (interroger l’enfant et témoigner lui-même) pour aider l’enfant à mettre des mots sur ses émotions, et valider son ressenti même s’il semble excessif. – Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci

…………………………………………..

Source : Faire face aux crises de colère de l’enfant et de l’adolescent de Nathalie Franc et Raphaëlle Scappaticci (éditions Ellipses). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

Commander Faire face aux crises de colère de l’enfant et de l’adolescent sur Amazon, sur Decitre, sur Cultura ou sur la Fnac