Les punitions n’ont aucune valeur pédagogique.
Nous pouvons légitimement nous demander si les punitions ont une valeur pédagogique. Un des exercices les plus efficaces pour comprendre l’inutilité et la nocivité des punitions est de remonter dans ses souvenirs d’enfance : en repensant à des grosses punitions reçues dans l’enfance ou l’adolescence, il y a de fortes chances pour que 1/ on ne se rappelle plus l’objet de la punition et 2/ que le souvenir gardé ne porte pas sur la règle ou l’éthique mais sur les sentiments éprouvés (humiliation, honte, impression de pas mérité d’être aimé, rejet, peur voire terreur, envie de rébellion, sentiment d’injustice, impuissance…).
Les enfants apprennent des choses quand ils sont punis (mais ce n’est pas ce que nous visons pour eux)
Dans son livre Le Cerveau de l’enfant expliqué aux parents, Álvaro Bilbao estime que les enfants font des apprentissages quand on les punit mais que ces apprentissages ne sont pas ceux que nous visons en tant qu’adultes (parents ou enseignants). Ainsi, les enfants punis apprennent que :
- lorsqu’on se sent frustré, on peut s’en prendre aux autres, en particulier aux plus faibles car ils ne pourront pas riposter,
- il faut souffrir et être atteint dans sa dignité pour apprendre à bien se comporter,
- s’excuser, même quand on le pense pas, suffit à réparer les dégâts provoqués : les apparences, bien que trompeuses, comptent plus que la réflexion,
- être puni lave de toute responsabilité ultérieure puisqu’on a payé pour ses méfaits, il n’y a donc pas besoin de chercher à développer une éthique des relations interpersonnelles,
- ne pas se faire prendre est plus important que se comporter avec respect des autres,
- lorsqu’un enfant se sent triste pour avoir fait quelque chose qu’il ne devait pas faire, ses parents lui pardonnent et l’aiment de nouveau. Simuler la tristesse est donc une bonne stratégie,
- seules la honte et la culpabilité sont des émotions utiles pour apprendre,
- lorsque les adultes punissent un enfant qui a désobéi, son cerveau utilise cette information pour façonner un « concept de soi ». Alvaro Bilbao écrit : “Un enfant qui se sait désobéissant, capricieux, égoïste ou paresseux n’aura d’autre choix dans la vie que de se comporter d’après ce qu’il sait de lui-même. En ce sens, peu de choses peuvent faire autant de dommages à ce « concept de soi » que les messages négatifs qu’il garde gravés dans sa mémoire.”
Les punitions-pièges
Alvaro Bilbao utilise le concept de “punition-piège” pour désigner le fait qu’une punition peut encourager des comportements inappropriés chez les enfants plutôt que les démotiver. Ces punitions-pièges apparaissent quand un enfant ne reçoit pas une attention suffisante en quantité et en qualité de la part des adultes proches de lui ou que ces punitions lui apportent un bénéfice plus fort que la souffrance induite par la punition (exemple : une image positive en classe, comme celui de clown qui fait rire ses camarades ou de rebelle qui suscite l’admiration).
Quand les parents passent peu de temps avec l’enfant ou qu’ils ne savent pas valoriser ses comportements positifs, l’enfant peut activer le levier des punitions pour rester en relation avec eux. Pour un enfant se sentant seul ou mal aimé, être grondé est toujours mieux que se sentir invisible car il y a contact avec le parent. C’est une des raisons pour lesquelles les punitions n’ont pas de valeur pédagogique.
La punition est la conséquence la moins agréable et la moins pédagogique que vous puissiez appliquer à un enfant. Parfois, l’enfant recherche l’affrontement ou la punition parce qu’il a besoin de sentir que ses parents lui prêtent attention. Il est très important que vous vous rappeliez que tous les enfants ont besoin de beaucoup de temps de jeu et d’attention de la part de leurs parents. En les fâchant, vous punissez seulement leurs besoins et vous renforcez leurs mauvais comportements. Il faut rechercher des alternatives efficaces pour ne pas entrer dans la dynamique des mauvaises conduites. – Álvaro Bilbao
Des alternatives à la punition qui ont une valeur pédagogique
Valoriser le positif et nourrir une relation de qualité
Plutôt que punir ou isoler un enfant qui frappe son frère ou sa soeur, il est possible de remarquer et valoriser les moments sans problème. Cela peut passer par le fait de remercier l’enfant qui a l’habitude d’embêter les autres quand il joue un petit moment avec son frère ou sa soeur (même si ce moment est bref).
En prévention, il est possible d’accorder à l’enfant qui cumule les comportements inappropriés un moment chaque jour, en tête à tête (par exemple, après avoir couché les jeunes frères et soeurs). Il s’agit tout simplement de choisir de valoriser ce qui rend la vie familiale plus belle, plutôt que signaler constamment le négatif, renforçant par là-même le négatif.
Enseigner des compétences
Eduquer, c’est enseigner des compétences plutôt que punir les erreurs ou les échecs. Face à un enfant qui a l’habitude de mordre, il s’agit d’être attentif aux signaux annonçant un débordement pour éviter le conflit et prévenir la morsure. L’adulte peut s’asseoir à côté de l’enfant sous tension et partager son calme plutôt que rejoindre l’enfant dans le chaos. L’accompagnement empathique et l’enseignement de petites techniques de régulation émotionnelle aideront l’enfant à développer ses compétences relationnelles.
Réparer les actions
Un des éléments clés de l’éducation est de faire passer aux enfants l’idée que reconnaître sa responsabilité (dans un dommage matériel ou une blessure causée à autrui, dans une insulte ou un accident) et manifester de la compassion est preuve d’intelligence et de grandeur d’âme, pas de faiblesse et encore moins d’humiliation.
Parfois, les enfants ne prennent pas en compte les autres parce qu’ils ont peur des conséquences. En effet, les punitions reçues auparavant ont pu conduire l’enfant à penser qu’il vaut mieux se cacher, mentir ou accuser quelqu’un d’autre que de prendre la responsabilité de ses actes.
Inciter à réparer au lieu de punir et manifester de l’amour paraissent plus efficaces dans une visée de développement du sens de la responsabilité individuelle et de l’éthique. L’objectif est que l’enfant mesure l’impact et la conséquence de ce qu’il a fait. S’il a renversé de l’eau, à lui de l’éponger au lieu d’être isolé dans sa chambre. S’il a oublié son cahier de cours, et qu’il apprend à faire un pense-bête pour s’en rappeler, cette action-la devient pédagogique, au lieu d’écrire cent fois : « je ne dois pas oublier mon cahier ». Il a cassé un objet, il apprend à le réparer ou il en achète un autre à son propriétaire avec ses sous, etc.
L’idéal serait de consulter l’enfant qui a commis une erreur, une maladresse, un manquement à la règle : comment pourrait-il réparer l’objet/ la relation ? Réparer est finalement facile et peut même être amusant puisqu’il s’agit de trouver des idées pour que les personnes à qui du tort a été causé se sentent mieux.
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Inspiration : Le Cerveau de l’enfant expliqué aux parents de Álvaro Bilbao (éditions Odile Jacob). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur les sites de ecommerce.
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