La codépendance problématique : quand vouloir aider les autres rend malade

La codépendance problématique intervient quand vouloir aider les autres engendre de la souffrance. La codépendance n’est pas un mal en soi parce qu’elle est la manifestation de l’empathie humaine et les codépendants commettent de bonnes actions (soins, défense des droits des opprimés, aide…). En effet, la dépendance affective est inhérente à la nature humaine car c’est la manière qu’a un bébé pour établir un lien solide de confiance avec son entourage.

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Définir la codépendance 

Melody Beattie, autrice du livre Vaincre la codépendance, écrit que la codépendance correspond aux manières dont un (ou plusieurs) membres d’un groupe s’adapte(nt) au dysfonctionnement d’un des autres membres de ce même groupe (famille en particulier). Ce dysfonctionnement peut prendre diverses formes : alcoolisme, dépression, maltraitance, dépendance aux jeux, boulimie, anorexie… Des groupes variés peuvent être touchés par la codépendance :

  • les adultes enfants d’alcooliques,
  • les proches de malades chroniques ou de personnes atteintes de troubles affectifs et mentaux,
  • les parents d’enfants souffrant de troubles du comportement,
  • des professionnels du soin et de l’aide (infirmiers, assistantes sociales, thérapeutes…).

Melody Beattie définit les personnes codépendantes comme celles qui se sont laissées affecter par le comportement d’un autre individu et qui en viennent à vouloir contrôler le comportement de cet autre individu (par exemple en cachant les bouteilles d’un alcoolique ou les paquets de gâteaux d’une personne boulimique). Cet autre peut être un enfant, un adulte, un amant, un conjoint, un frère ou une soeur, un parent ou un grand parent, un patient, un ami…

La codépendance n’est pas forcément problématique mais peut le devenir.

Melody Beattie rappelle que le problème réside dans la façon dont la personne codépendante se laisse affecter par le comportement des autres et dans les voies qu’empruntent les tentatives de prise de contrôle des codépendants sur les autres. Les codépendants s’attachent solidement au besoin que les autres ont d’eux… quitte à s’en rendre malades et à en vouloir aux autres de les mettre dans cet état.

Votre codépendance, c’est votre problème à vous. – Melody Beattie

Beattie parle de “démarche obsédante, dominatrice, obsessionnelle visant à aider, jouer sans cesse les nounous, les gardes-malades, cette piètre opinion de soi qui frise la haine, le refoulement, le débordement de colère et de culpabilité, la dépendance spéciale envers des gens spéciaux, l’attirance pour une étrange préoccupation de l’autre”. Tant qu’une personne n’a pas pris conscience de sa codépendance, elle peut éventuellement mettre fin à une relation avec une personne dysfonctionnelle, mais risque de reproduire des comportements de codépendance dans une nouvelle relation.

La dépendance affective devient problématique quand elle dévie de la gratuité du sentiment. S’il n’y a plus d’échange, mais des “stratégies inconscientes de troc” (expression de Brigitte Allain-Dupré), alors il y a pathologie de la relation (que ce soit en couple, dans la relation parents/ enfants ou toute autre relation). La dépendance peut même devenir persécution quand la personne qui apporte du soin estime que la personne soutenue n’est pas assez reconnaissante. Il y a prise de pouvoir sur l’autre qui est objectivé et utilisé dans un rapport de dépendance.

Les souffrances engendrées par la codépendance problématique

La codépendance pose problèmes quand le niveau de souffrance engendre des conséquences sur la personne qui prend soin :

  • les codépendants ont l’impression de ne jamais en faire assez et éprouvent une grande culpabilité,
  • les codépendants ont tendance à s’entourer de malades/ personnes malheureuses “à sauver” pour parvenir au bonheur par des chemins malsains,
  • les codépendants se donnent un mal fou pour ne pas blesser les autres, pour les sauver et, ce faisant, se blessent eux-mêmes,
  • les codépendants finissent par éprouver de la haine envers les personnes qu’ils veulent aider parce qu’ils considèrent que ces personnes ne font pas leur part, ne font pas ce qu’ils savent être bons pour eux.

La codépendance est un phénomène évolutif : à mesure que le problème de son proche s’aggrave, le codépendant réagit de plus en plus intensément jusqu’à s’isoler, déprimer et se rendre physiquement malade.

Si votre préoccupation tourne à l’obsession, si de simple témoin compatissant vous êtes devenu un ou une garde malade; si vous prenez soin des autres sans prendre soin de vous-même… alors la codépendance vous crée sans doute des ennuis. Chacun doit chercher seul à savoir si sa codépendance est problématique. Chacun doit décider seul de ce qu’il va falloir changer et du moment où doit intervenir ce changement. – Melody Beattie

Les origines de la codépendance

Selon Melody Beattie, la codépendance peut trouver ses sources dans divers origines :

  • des comportements de codépendance appris dans l’enfance,
  • des comportements de codépendance appris plus tard par nécessité, pour se protéger,
  • une interprétation de textes lus (religion notamment).

Un point commun des codépendants semble être une enfance en contact avec un parent malade/ vulnérable (alcoolique, dépressif, violent, dépendance de toute nature type dépendance au jeu…) et d’avoir souffert de négligence, voire de maltraitance.

Avoir trop besoin des gens peut être source de problèmes. Les autres deviennent la clef de notre bonheur. Je crois que cette concentration sur les autres, cette vie où tout tourne autour d’eux, va de pair avec la codépendance et naît de l’insécurité affective, ainsi que la quête constante de l’approbation à laquelle nous nous laissons aller. Même chose pour les bons sentiments : moins nous en trouvons en nous, plus nous en cherchons chez les autres. Ce sont eux qui ont tout et nous rien. Notre existence à nous ne compte pas. On nous a si souvent abandonnés, négligés, que maintenant nous nous abandonnons nous-mêmes. – Melody Beattie

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Quelques caractéristiques pour reconnaître la codépendance problématique

Melody Beattie listes quelques tendances des codépendants en souffrance (liste non exhaustive) :

  • investissement personnel (les codépendants se sentent responsables du destin des autres; ils se sentent contraints de résoudre les problèmes des autres même quand les autres ne leur ont pas demandé d’aide; ils se fâchent quand leur sollicitude restent sans effet; ils endossent plus que ce qui leur incombent)
  • mauvaise opinion de soi (les codépendants s’accusent toujours de tout; ils refusent les compliments mais souffrent en parallèle de l’absence de compliments; ils craignent d’être rejetés; ils ont peur des erreurs et de l’échec)
  • refoulement (les codépendants repoussent leurs pensées et émotions en dehors de leur champ de conscience à cause de leur peur et de leur culpabilité; ils finissent par craindre de s’autoriser à être ce qu’ils sont)
  • obsessions (les codépendants pensent beaucoup aux autres; ils ont des insomnies fréquentes; ils dirigent toute leur énergie vers les autres et leurs problèmes; ils essayent de prendre les autres en flagrant délit de mauvaise conduite)
  • attitude dominatrice (les codépendants ont côtoyé des personnes qui leur ont fait du mal et les ont déçus; ils finissent par craindre de laisse les autres être ce qu’ils sont et les événements survenir de manière naturelle; ils se croient mieux placés que les autres pour savoir la tournure que devraient prendre les choses et le comportement que devraient adopter les gens)
  • dénégation (les codépendants s’affairent en permanence pour ne pas avoir le loisir de réfléchir; ils s’embrouillent et font des dépressions; ils se demandent pourquoi ils ont l’impression de devenir fous)
  • dépendance (les codépendants ne se sentent ni heureux, ni satisfaits ni en paix avec eux-mêmes; ils croient que les autres ne les aiment pas ou ne peuvent pas les aimer; ils recherchent désespérément l’amour et l’approbation; ils rechercher souvent l’amour auprès de personnes incapables d’en donner; ils mangent trop)
  • problèmes de communication (les codépendants font des reproches, supplient, soudoient, donnent des conseils; ils pèsent soigneusement leurs mots afin d’obtenir l’effet désiré; ils mentent pour protéger les autres et se protéger)
  • colère (les codépendants pensent que ce sont les autres qui les font enrager; se sentent dominés par la colère des autres; ils ont peur de leur propre colère mais présentent de violents accès de mauvaise humeur; ils éprouvent de plus en plus de rancune et d’amertume; ils se demandent s’ils réussiront jamais à ne plus être en colère)
  • escalade (les codépendants se sentent déprimés, s’isolent, se sentent impuissants et désemparés, tombent malades, ont des idées de suicide)

Que les codépendants aient l’air fragiles et impuissants ou solides et plein de ressources, ce n’en sont pas moins des enfants craintifs, vulnérables et sans cesse en demande, avec un besoin déchirant d’amour et d’attention. – Melody Beattie

Dépasser la codépendance quand elle cause de la souffrance

Melody Beattie estime que la première étape du changement est la prise de conscience des mécanismes de la codépendance et de la souffrance liée à ce mode de fonctionnement relationnel. La deuxième est l’acceptation de prendre soin de soi. Une réflexion sur la codépendance peut aider les personnes qui en souffrent de faire évoluer leur position intérieure, c’est-à-dire grandir à partir d’une certaine immaturité reconnue et acceptée, simplement. Beattie invite les codépendants à travailler sur le respect de soi-même afin de réapprendre à vivre et à aimer. Par exemple, elle consacre un chapitre entier à la colère et à la manière de laisser cette émotion exister en la nommant et l’exprimant à autrui. La libération de la codépendance problématique passe nécessairement par le fait de (ré)apprendre à penser par soi-même, à se fixer ses propres objectifs, ainsi qu’à respecter ses limites personnelles (notamment en écoutant son corps et ses émotions).

Dépasser la codépendance qui fait souffrir peut passer par :

  • un processus de consolation de l’enfant intérieur
  • un processus d’alphabétisation émotionnelle
  • une libération des tensions dans le corps 
  • une meilleure compréhension de l’émotion de colère pour ne plus en avoir peur. Il n’y a pas de raison de craindre ou réprimer l’émotion de colère ni chez les adultes ni chez les enfants parce que la colère n’est pas synonyme de violence. 
  • un développement de l’estime de soi
  • une modification des croyances au sujet de l’amour et des relations
  • un groupe de soutien et d’écoute bienveillante.

Melody Beattie expose dans son livre des ressources et des outils pour se libérer progressivement de la codépendance à travers un programme de reconnexion à soi-même. On y retrouve des éléments de communication qui se rapprochent de la Communication NonViolente, des explications théoriques du triangle Victime/ Bourreau/ Sauveur ou encore des manières de prendre soin de l’enfant intérieur.

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Vaincre la codépendance : comment ne plus assumer les problèmes des autres pour vivre pleinement de Melody Beattie (éditions Pocket) est disponible en médiathèque, en librairie ou sur les sites de ecommerce.

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