Comment présenter des excuses sincères (y compris envers les enfants) ?
La réparation de la relation passe par des excuses sincères.
John Gottman est un thérapeute spécialiste des relations de couple. Il estime que les tentatives de réparations après une maladresse ou une attaque (critique, jugement, mépris, reproches…) sont “l’arme secrète” des couples émotionnellement intelligents. Ces tentatives de réparation passent par des excuses sincères, et ceci est valable pour toutes les relations (parents/ enfants, amitié, travail…). Présenter des excuses prend soin de la relation et la préserve à long terme.
En cas de conflits, nous pouvons nous engager à résoudre le problème, à admettre nos maladresses et nos erreurs, à présenter des excuses et à décider de la façon dont nous allons y remédier. Cela requiert un certain niveau de compétences émotionnelles car il peut nous être difficile d’admettre, même à nous-mêmes, que nous avons commis une erreur… et encore plus de s’excuser et s’engager à prendre des mesures afin de ne pas recommencer. En effet, l’idée de présenter des excuses peut paralyser : peur de perdre la face, peur de passer pour quelqu’un de faible, peur de perdre son autorité, ou encore peur de l’humiliation.
Le fait de présenter des excuses ne doit pas pour autant être un moyen “facile” de se débarrasser d’un problème (exemple : je m’excuse auprès de mon enfant pour lui avoir hurlé dessus, mais je recommence le lendemain et les jours suivants). Par ailleurs, le fait d’avoir demandé pardon ne doit pas devenir en soi une excuse (“mais je t’ai demandé pardon donc c’est bon, c’est réglé”). Les excuses doivent à la fois être empreintes de respect envers l’autre et amorcer une démarche de changement personnel.
Les excuses sincères s’appuient sur la compassion, la lucidité et la constructivité.
Dans leur livre Déjouer les pièges de la mauvaise foi et de la manipulation, Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre nous invitent à assumer notre juste part de responsabilité dans un conflit. Ils ont créé une boucle de l’excuse inspirée par les travaux de Stephen Karpman (concepteur du triangle dramatique). Cette boucle, sous forme de l’acronyme AIR, aide à réparer la relation et s’appuie sur la compassion, la lucidité et la constructivité.
Le principe est simple et demande humilité et confiance en soi : mon excuse ne doit pas faire l’ombre d’un doute. – Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre
Oser s’excuser en tant que parents envers les enfants : un socle de l’éducation bientraitante
Comment (et pourquoi) présenter des excuses aux enfants ?
Claude Steiner, psychologue clinicien et pionnier de l’alphabétisation émotionnelle, reconnaît qu’il nous faut franchir de nombreux obstacles avant d’être capables d’assumer nos responsabilités et de présenter des excuses sincères.
Assumer nos responsabilités concerne les blessures émotionnelles que nous commettons envers d’autres (y compris les enfants) et consiste à reconnaître sincèrement, le cœur ouvert, ses torts :
- savoir s’excuser même envers les plus jeunes,
- réparer la relation (notamment en reconnaissant que nos enfants puissent être en colère contre nous quand leur manquons de respect),
- montrer aux enfants comment présenter des excuses, en démontrant nous-mêmes ces compétences relationnelles.
Bien peu de gens sont suffisamment compétents au plan émotionnel pour demander sincèrement pardon sans être sur la défensive. En résumé, bien peu de gens savent dire : “je suis désolé”. – Claude Steiner
Il y a une grande différence entre le fait de se pardonner une erreur occasionnelle (une punition, une fessée, une parole blessante, un abus de pouvoir…) puis de s’en excuser auprès des enfants avant de prendre des mesures pour ne plus recommencer, et celui de ne même pas avoir conscience que c’est effectivement une erreur (puisque cela porte atteinte à la dignité même des enfants). Ce dont les enfants ont besoin est que les parents reconnaissent leurs erreurs et utilisent ces “erreurs éducatives” comme des opportunités d’apprendre des choses sur les relations humaines et sur les moyens de prendre soin des relations.
Quoi que l’enfant ait pu dire ou faire, les adultes restent toujours responsables de la qualité de la relation et ont le devoir de trouver d’autres moyens que la violence pour accompagner les enfants. Il est à noter que les actes de violence ne se résument pas à la violence physique (tirer les cheveux de l’enfant ou ses oreilles, donner une claque ou une fessée, pincer…) mais les mots peuvent faire aussi mal que les coups (insultes, humiliations, rejet, retrait d’amour, menace, chantage…)
En tant que parents, nous pouvons accepter de nous montrer vulnérables devant nos enfants car la vulnérabilité est un antidote à la violence : «Quand cela se passe comme ça entre nous, je ne sais pas quoi faire. Je sens que je deviens très, très en colère et je préfère qu’on fasse une pause. J’en ai besoin pour me calmer. »
Assumer la responsabilité quand on a fait preuve de violence contre l’enfant (fessée, tape, humiliation, cris…)
Audrey Zucchi, spécialiste de la pédagogie Montessori, formule quelques suggestions pour assumer notre responsabilité après un acte de violence envers un enfant :
- Demander pardon à l’enfant: «Ce geste/ ces paroles ne sont pas acceptables. Il arrive que les parents fassent des erreurs, c’en est une très grave et je te demande sincèrement pardon.»
- Reconnaître sa souffrance physique et/ou psychologique : «J’ai du te faire peur/mal/te donner l’impression que je ne t’aimais plus…/ Tu dois être en colère contre moi et c’est bien normal, je n’avais pas le droit de te traiter comme ça. »
- Affirmer la prise de conscience que ce n’est pas ainsi que l’on résout les conflits
- Demander à l’enfant s’il accepte de pardonner et de rétablir un contact physique (un câlin, une main sur l’épaule). Si ce n’est pas le cas, il a peut-être besoin de temps. Il reviendra quand il en sera capable et que ce sera OK pour lui (on ne force pas le pardon).
- Prendre le temps, seul ou avec un conjoint, de réfléchir à ce qui s’est passé. Reconstituez le déroulé précis des événements, identifiez les déclencheurs, décidez précisément de ce que vous souhaiteriez faire une autre fois dans une situation similaire. Cette expérience est certes un échec, mais elle constitue clairement une opportunité qu’il nous faut saisir pour devenir un meilleur parent.
- Quand on est bloqué dans ce processus et qu’on répète des actes de violence, si on les justifie («Tu l’as pas volé, celle-là!») ou si les gestes sont prémédités («Tu vas prendre une fessée, tu ne viendras pas dire que je ne t’avais pas prévenu!»), il est utile et nécessaire de se faire aider par des professionnels, pour l’enfant comme pour l’adulte.