La continuité pédagogique ne doit pas se faire au prix de la santé mentale des enfants (comme des parents).

continuité pédagogique au prix de la santé mentale enfants

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Le confinement, une situation exceptionnelle et particulièrement difficile pour les parents 

Un confinement est une situation inédite. Cette situation exceptionnelle est particulièrement difficile pour les parents qui jonglent entre leur activité professionnelle, le travail domestique habituel, la continuité pédagogique et l’incertitude liée au la durée de ce confinement et aux risques en termes de santé.

Entre les parents qui tentent de télétravailler, ceux qui vont vite épuiser leurs congés, ceux qui continuent à travailler à l’extérieur (soignants, personnel de magasin alimentaire, routiers…), chaque situation est différente mais un point commun peut les rassembler : la difficulté à faire face. Cette difficulté est éminemment compréhensible :

  • comment télétravailler avec des enfants de moins de 10 ans qui ne tiennent pas en place et tournent en rond dans un appartement sans jardin ni balcon ?
  • comment gérer le partage des écrans quand les plus enfants ont besoin de l’ordinateur pour faire le travail envoyé par les enseignants alors que le parent est supposé télétravailler ? et quand il y a 3 ou 4 enfants qui ont besoin d’utiliser l’ordinateur pour la continuité pédagogique, comment concilier les besoins de chacun si le nombre d’écran est insuffisant ?
  • comment ne pas angoisser à l’idée de savoir ses parents ou grands parents isolés, privés de visite ?
  • comment faire face aux disputes dans les fratries quand personne ne peut aller se défouler dehors ?
  • comment garder son calme au long cours quand on n’arrive pas à dormir la nuit à cause de l’angoisse ?
  • comment limiter les disputes intrafamiliales (y compris dans le couple) quand tous les membres sont éprouvés ?

Les mesures de confinement fonctionnent pour limiter la propagation de la pandémie et leur respect permet d’en limiter la durée dans le temps. Il s’agit d’un marathon au cours duquel il est important de conserver de l’énergie pour tenir à long terme. Cela passe par un nécessaire lâcher prise : la productivité n’est pas une obligation ! Il n’est pas nécessaire d’assurer des plats absolument équilibrés et faits maison à tous les repas; il n’est pas nécessaire de vouloir occuper chaque temps mort des enfants avec des activités pédagogiques et créatives extraordinaires; il n’est pas nécessaire d’imposer une routine stricte non négociable; il n’est pas nécessaire d’ajouter du travail scolaire aux enfants pour qu’ils ne prennent pas du retard; il n’est pas nécessaire de vouloir “profiter” de ce temps de confinement pour se mettre au yoga, au bricolage ou au grand ménage. Il n’est pas nécessaire non plus de se transformer en “gentil organisateur” du Club Med.

Télétravailler avec des enfants en bas âge est impossible. Assurer le travail scolaire d’enfants dans 3 niveaux différents quand on revient d’un service de garde de 24h ou qu’on a enchaîné 9 jours sans repos n’est pas la priorité. Gardons en tête cette phrase : A l’impossible nul n’est tenu.

Préserver des relations familiales harmonieuses est plus important que le travail scolaire

Les propositions d’activités ne sont que des propositions et il peut y avoir de la place et du temps pour ce type d’activités guidées… mais cela ne veut pas dire qu’il faut “rentabiliser” ce temps de confinement.

Jouer aux Lego toute la journée, c’est bien aussi (nous avons joué aux Lego toutes les deux avec ma fille pendant 2 heures minimum chaque jour de la semaine !). Décider de ne pas mettre le réveil les jours de semaine, faire une sieste, regarder un film avec les enfants en plein après-midi, pleurer, être maussade, c’est OK aussi. Les pâtes au beurre et les conserves de légumes ne sont pas le mal incarné; les écrans non plus ! Lâcher prise sur le temps d’écran des enfants, c’est se rendre compte que les enfants n’en deviendront pas plus bêtes (et peut-être même l’inverse !) et que, au bout d’un moment, les enfants finissent par faire autre chose… car même les écrans sont ennuyeux à un moment. La clé est la diversité des activités possibles plutôt que l’imposition d’horaires stricts.

Les enfants ont avant tout besoin de connexion physique (câlins, massages, portage…) et émotionnelle (se sentir compris, entendus). Ils sont eux aussi en difficulté : le confinement n’est pas facile car leurs besoins de mouvement peuvent être entravés, car ils peuvent souffrir de ne pas voir leurs amis, car le travail scolaire demandé peut être trop important, car ils peuvent avoir peur de ne pas réussir les exercices demandés par l’enseignant, car ils peuvent s’inquiéter pour leurs grands-parents ou arrière grands-parents, car l’ambiance générale est anxiogène. Par ailleurs, certains enfants sont eux-mêmes malades ou ont leurs parents malades.

Les enfants ont avant tout besoin de jouer et de rire avec leurs parents. L’ennui n’est pas un problème en soi. L’ennui peut devenir un problème quand le parent est supposé télétravailler ou quand cet ennui va susciter des conflits (l’enfant qui s’ennuie va embêter ses frères et sœurs juste pour s’occuper et tenter de créer du lien). Il y aura fatalement des moments de tension, de conflits, peut-être même des cris et cela peut cohabiter avec des temps de reconnexion, de chaleur, de tendresse.

Voici quelques ressources pour éviter de crier sur les enfants pour la période en cours et à venir :

éviter de crier sur les enfants

S’organiser permet de se préserver. Cela peut passer par le fait de garder des habitudes “normales” tout en respectant les mesures strictes de confinement (se faire un cinéma… à la maison en regardant un film encore jamais vu; prendre l’apéro avec les amis et la famille en caméra; permettre aux enfants de garder le lien avec leurs amis par email, par téléphone ou par vidéo). Tous les rituels sont à inventer tant qu’ils sont bons pour soi.

Nous pouvons également nourrir un sentiment de gratitude d’avoir les nôtres en bonne santé auprès de nous et faire preuve d’altruisme et de solidarité d’une manière ou d’une autre que nous trouverons en fonction de nos possibilités et préférences.

S’organiser efficacement pour se préserver

Par ailleurs, les enfants peuvent tout à fait contribuer à la bonne marche de la maison, à hauteur de leurs compétences. Il est possible de développer l’autonomie des enfants pour alléger notre propre charge mentale de parents. Tout le monde y sera gagnant : les enfants car ils gagnent en autonomie et les parents parce qu’ils peuvent redonner aux enfants ce qui leur appartient (prendre soin d’eux et de leurs besoins). Cette autonomie ne se décrète pas et se construit pas à pas, dans le respect des capacités et du rythme de l’enfant. Faire des choses à la place des enfants alors qu’ils en sont capables (pour aller plus vite, pour se sentir utiles en tant que parents…), c’est les infantiliser et les empêcher de développer leur confiance en eux et leur sens de la responsabilité (individuelle et collective). Une question peut nous guider dans ce processus : « À qui appartient ce problème ? ». Cela signifie que la personne à qui appartient le problème est celui qui s’en occupera. Elle peut demander de l’aide mais une aide n’est pas synonyme de faire à la place.

De même, les deux parents sont autant capables et responsables des soins donnés aux enfants et des tâches domestiques. Une manière de télétravailler efficacement est de former une équipe parentale : quand l’un télétravaille, l’autre s’occupe des enfants et de la charge de la maison à 100% puis les rôles sont échangés selon les modalités décidées ensemble. De même, le parent qui s’est occupé des enfants toute la journée a le droit de souffler quand l’autre rentre du travail selon des modalités à définir en couple.

Avec les enfants, les activités informelles sans visée pédagogique nourrissent profondément les liens : raconter (et même inventer) des blagues, des devinettes ou des charades; peindre sur différents supports (comme des galets ou des pots de fleurs);  dessiner avec ou sans modèle (ma fille adore les modèles Kawai trop mignons dont de nombreux tutoriels existent sur internet); cuisiner et faire de la pâtisserie; chanter; danser; jouer à des jeux de société (quitte à jouer des dizaines de fois au même jeu si cela correspond aux besoins des enfants); écouter les émotions; établir des temps de “rien”; lire des livres sous la couette; parler de nos propres limites personnelles et de nos besoins; faire des batailles d’oreillers (ou de pouces); créer de la musique avec les casseroles ou n’importe quel autre support; essayer de reconnaître les différents chants d’oiseau; écouter des livres audio; faire un puzzle à quatre mains (ou plus); organiser une chasse aux trésors dans la maison; jouer à 123 soleil ou à cache-cache…

C’est aussi OK de perdre son sens de l’humour, d’avoir besoin de temps calme, de traîner en pyjama, de se sentir abattu. En cas de pensées anxieuses, il est possible de prendre deux minutes pour un stop-think-go :

  • stop : faire une pause, arrêter ce qui est en cours
  • think : réfléchir aux émotions ressenties et aux pensées internes (celles de la petite voix)
  • go : agir

De manière concrète, cela consiste à s’arrêter dès qu’une émotion d’anxiété est perçue ou que des pensées commencent à tourner dans la tête. Puis il s’agit de répondre par écrit sur une feuille de papier aux questions suivantes :

  • sur les sensations : comment ça fait dans mon corps ?
  • sur les émotions : qu’est-ce que je ressens en ce moment précis ? – voir le vocabulaire des émotions
  • sur les pensées : qu’est-ce que je me dis en ce moment précis ?
  • sur la véracité du discours interne : est-ce que ce que je suis en train de me dire est bien vrai ? s’agit-il d’une hypothèse ou d’une certitude ? est-ce qu’il y a des preuves scientifiques qui contredisent cette façon de penser ?
  • sur les nuances à apporter : réagir de cette manière va-t-il m’aider ? est-ce si grave que ce que je m’imagine ? comment une personne extérieure jugerait-elle ce qui m’arrive ?
  • sur les aides utiles : que puis-je me dire d’aidant et de constructif ? quelles sont les compétences que je peux mobiliser dans cette situation ? quelles sont mes ressources internes pour faire face (exercice de respiration, recadrage des pensées…) ? et les ressources externes à ma disposition (amis, soutien, réseau…) ?

 

Une prise de conscience de la part des enseignants aussi

Préserver des relations familiales harmonieuses est plus important que le travail scolaire et il semble que de nombreux enseignants qui ont eu tendance à donner beaucoup de travail en début de semaine l’aient compris et aient diminué la pression.

Par ailleurs, le lien interpersonnel enseignant/ élève et élèves/ élèves semble plus important que la quantité ou la qualité du travail réalisé. Les enseignants savent bien que l’organisation de l’enseignement en cycle permet justement de reprendre les notions d’une année scolaire sur l’autre. Il n’y a donc pas de catastrophe à alléger la quantité de travail scolaire.

Quelques semaines de travail scolaire allégé ne mettent pas en jeu l’avenir professionnel des enfants. Il est essentiel de ne pas ajouter de stress à la crise sanitaire qui pourrait entraîner une crise de santé mentale dans son sillon.

Arrêter les devoirs en cas de conflit (quand on se sent perdre patience, prêt à dire des choses ou avoir des gestes qu’on pourrait regretter) est une mesure de santé ! La continuité pédagogique ne doit pas se faire au prix de la santé mentale des enfants (comme des parents). C’est d’autant plus vrai que les devoirs sont des temps de tension qui peuvent mener à des violences éducatives (tape, menace, punition, mots blessants).

Les enfants sont bien plus que des élèves

Faire du travail scolaire un temps plaisant

En tant que parents, nous avons beaucoup à gagner à garder en tête que les enfants sont bien plus que des élèves.  Les apprentissages peuvent passer par le jeu et le rire parce que l’intelligence grandit dans la joie.

>>> Voici quelques exemples pour jouer et apprendre : Les devoirs faits dans la douleur ne conduisent qu’à des inconvénients : comment rendre les devoirs ludiques et efficaces ?

Une “mauvaise” note ou des tensions au moment des devoirs ne doivent pas venir gâcher des soirées entières (et encore moins dégrader la qualité des relations familiales à moyen et long terme). Ainsi, mieux vaut éviter les sujets liés aux notes et aux devoirs pendant les repas parce que le repas doit justement être un bon moment où les membres de la famille prennent du plaisir à être ensemble et à créer des liens.

Il est préférable de restreindre le temps de travail scolaire à 2 heures maximum (quitte à ne pas tout faire et l’exposer clairement aux enseignants qui peuvent le comprendre dans les circonstances actuelles). Ces plages peuvent être découpées en plages plus petites et être entrecoupées de temps libres ou de loisirs.

Quand la séance de travail scolaire est terminée, il peut être utile de remplir le réservoir affectif des enfants ET des adultes. On va alors s’autoriser un petit rituel pour se défouler et se “reconnecter” (recréer du lien d’amour dans la joie).

A chaque famille de choisir ce qui lui convient : la danse des sioux autour de la table, le tour de stade du vainqueur, le cri de la joie ou de Tarzan, s’applaudir….

Ces rituels qui passent par le corps permettent de décharger les tensions et le stress accumulés pendant la séance de travail scolaire.

Ressources pour des apprentissages efficaces

Je vous propose une carte mentale pour aider les enfants et adolescents à faire leurs devoirs. Cette carte propose quelques stratégies d’apprentissage et de mémorisation efficaces (à retrouver ici):

faire devoirs confinement

apprendre-reviser-memoriser.fr

 

 

 

Je propose de nombreuses ressources pour accompagner le travail scolaire des enfants sur mon autre blog apprendre-reviser-memoriser.fr. Ces ressources peuvent être utiles en ces temps de confinement et de continuité pédagogique si difficiles à concilier :