Comment cultiver la persévérance chez les enfants ?

Comment cultiver la persévérance chez les enfants

Il y a quelques années, ma fille faisait du judo et a voulu arrêter en milieu d’année. Je m’étais posée la question de comment réagir : est-ce que je la laisse arrêter ou est-ce que je l’incite à continuer ? La laisser arrêter, c’est se mettre à son écoute et l’inciter à continuer, c’est lui inculquer le goût de l’effort et de la persévérance. En lisant le passage sur la persévérance dans l’ouvrage de Guillemette Faure Le meilleur pour mon enfant, je me suis replongée dans ma décision face à ce dilemme à la lumière de ce que j’ai pu lire depuis.

J’ai envie d’aborder 10 points qui me semblent clés dans la manière dont on va enraciner ou pas l’art de la persévérance chez les enfants.

1.Développer un état d’esprit en développement

L’état d’esprit en développement, tel que proposé par Carol Dweck, consiste à :

  • encourager les efforts, le travail, le processus plutôt que compliment le résultat (“c’est beau/ c’est bien”) ou les capacités intellectuelles (“tu es intelligent/ tu es douée”);
  • insister sur la notion de “pas encore“, de “bientôt” : les apprentissages se font dans le temps et nécessitent de l’entrainement (“tu n’y arrives pas encore“, “tu vas bientôt y arriver”);
  • envisager les erreurs de manière positive et constructive : qu’est-ce que tu as appris de cette erreur ? que vas-tu faire différemment la prochaine fois ?

Ainsi, il est possible de découper une tâche en petites tâches pour réduire les risques de découragement face à un apprentissage perçu comme difficile. Pour aider les enfants qui ne se sentent pas capables d’affronter une tâche, nous pouvons les aider en leur proposant une échelle du courage. Les enfants seront invités à identifier les étapes nécessaires pour maîtriser les notions ou les compétences en jeu. Ensuite, chaque idée qui va leur permettre de gagner progressivement en compétence et en confiance en soi correspondra à un barreau de l’échelle. Chaque étape doit amener l’enfant de plus en plus près de son objectif final, sans lui demander un effort décourageant (une étape que l’enfant est capable de faire sans que ce soit ni trop facile ni inatteignable).

Il est possible d’accompagner cette échelle du courage avec une évaluation du degré d’anxiété ressenti qui devrait normalement diminuer à chaque étape. L’enfant verra alors que non seulement il gagne en compétence mais qu’il a la pouvoir de maîtriser son anxiété.

L'échelle du courage

 

2. Accueillir les émotions

Les enfants qui se découragent ont besoin d’être entendus, reconnus et que leur souffrance soit validée : “c’est vrai que ça peut être difficile de…”, “tu as raison, ce n’est pas facile”, “tu es tellement déçu.e car tu avais beaucoup travaillé”, “ça te rend triste de…”, “tu es complètement découragée car…”.

Une fois que les émotions ont été accueillies, on pourra passer à des questions d’exploration : “qu’est-ce que tu peux faire pour… ?”, “de quoi as-tu besoin ?”, “comment est-ce que je peux t’aider ?”, “qui d’autre pourrait t’aider ?” ,”qu’est-ce que tu dirais de…?”.

Dans le cas d’un enfant qui veut arrêter une activité en cours d’année, on pourra s’interroger sur les raisons qui le poussent à vouloir abandonner :

  • peut-être est-ce dû à un échec, à des objectifs non atteints et dans ce cas, on pourra rappeler que seul l’entrainement et la répétition permettent de progresser, d’apprendre et de réussir mais que cela demande des efforts et que ce n’est pas tant l’entrainement qui procure du plaisir mais la maîtrise finale;
  • peut-être est-ce dû à un problème relationnel avec les autres enfants ou l’entraineur(se). C’était le cas pour ma fille l’an dernier au judo : elle me disait qu’elle voulait arrêter le judo parce qu’il y avait un autre garçon de sa classe dans son groupe et qu’elle n’avait pas envie de le voir. Je pensais que c’était juste parce qu’il lui rappelait l’école mais je me suis rendue compte au fil des mois en me mettant à son écoute que c’était plus que ça. Ce garçon la poussait à l’école, lui piquait son bonnet à la récré et il continuait au judo : il la tenait parfois fort, il lui faisait des croches pattes…

 

3.Assurer un environnement stable et positif

La confiance dans les capacités de l’enfant et un environnement familial bienveillant ont des impacts éminemment positifs :

  • accélération de la maturation du cortex préfrontal de l’enfant, lui permettant de mieux gérer ses émotions, sa frustration et d’inhiber son impulsivité;
  • construction d’une estime de soi saine et forte;
  • attachement secure lui permettant d’explorer en se sachant en sécurité.

 

4.Incarner un modèle de persévérance

Les enfants apprennent par imprégnation de l’exemple que nous leur montrons. Incarner un modèle de persévérance peut prendre plusieurs formes :

  • travailler devant les enfants : ne pas imposer une frontière trop hermétique entre la vie professionnelle et personnelle peut être bénéfique car les enfants voient se dérouler sous leurs yeux le processus des efforts qui mènent aux résultats (à deux conditions : que le travail soit fait avec un minium d’enthousiasme et qu’il n’empiète pas trop sur le temps en famille). Si ce n’est pas possible pour une raison ou une autre, ce travail peut prendre la forme d’une passion : on pourra s’y adonner en présence des enfants et les inviter à la partager avec nous. C’est l’enthousiasme qu’on y mettre qui fait toute la différence;
  • verbaliser nos actions : on pourra parfois penser à dire devant nos enfants que tels efforts ont conduit à telle réussite (“j’ai enfin réussi à réparer XXX, ça m’a pris trois jours mais j’ai réussi, je suis bien content.e”);
  • envoyer des signes positifs : si le fait de mener les enfants à leurs activités appairait comme une corvée, cela risque de les démotiver; si c’est au contraire l’occasion de se retrouver pour partager un moment d’intérêt authentique, cela renforce l’envie de bien faire.

 

5.Mettre les enfants dans l’état de flow aussi souvent que possible 

Le flow (ou expérience optimale) est une notion de psychologie positive. Telle que définie par Csikszentmihalyi , l’expérience optimale est une fin en soi. Elle est recherchée pour elle-même et non pour d’autres raisons que l’intense satisfaction qu’elle procure.

Csikszentmihalyi propose 8 caractéristiques majeures pour définir l’expérience optimale :

  • La tâche entreprise est réalisable mais constitue un défi et exige une aptitude particulière
  • L’individu se concentre sur ce qu’il fait
  • La cible visée est claire
  • L’activité en cours fournit une rétroactivation (ou feedback)
  • L’engagement de l’individu est profond et fait disparaître toute distraction
  • La personne exerce le contrôle sur ses actions
  • La préoccupation de soi disparait mais, paradoxalement, le sens du soi est renforcé à la suite de l’expérience optimale
  • La perception de la durée est altérée

Adultes et enfants peuvent apprendre à :

  • se récompenser eux-mêmes (et cela peut commencer dès la petite enfance grâce à une éducation sans récompense ni punition)
  • trouver de la joie indépendamment des conditions externes
  • s’ouvrir à toutes sortes d’expériences
  • se donner des loisirs appropriés qui seront une véritable re-création (des loisirs actifs plutôt que passifs comme l’est la télévision)

 

6.Favoriser l’optimisme et la résilience

Au cours de ses recherches scientifiques, Martin Seligman, psychologue américain, a constaté que les pessimistes réussissent moins bien que les optimistes. Or la réussite est mère du bien-être. L’optimisme repose sur la façon dont on considère les causes des événements qui nous arrivent.

Un enfant dont le style explicatif est pessimiste a plus de chance de tomber en dépression. Un enfant dont le style explicatif est optimiste se remet mieux d’un échec et résiste mieux à la dépression.

On peut enseigner les compétences qui alimentent le style explicatif optimiste aux enfants en travaillant sur chaque dimension de l’optimisme :

  • temporaire (la cause de l’échec est modifiable ou transitoire)

Le style explicatif optimiste est fondé sur la croyance que les causes des événements négatifs sont temporaires. Un enfant qui pense à ses échecs en termes de « parfois » ou de « dernièrement » est de style optimiste.

  • ciblée (la cause de l’échec ne touche que quelques situations)

Les enfants qui s’accrochent à des explications générales pour leurs échecs baissent les bras dans tous les domaines lorsqu’ils échouent dans un seul (« je suis nul dans telle matière donc je suis nul dans tout »).

Les enfants qui croient aux explications particulières peuvent se sentir impuissants dans un domaine précis, néanmoins ils poursuivent leur vie et peuvent entreprendre dans d’autres domaines.

  • impersonnelle (la cause est liée à des circonstances particulières)

La personnalisation est le fait de décider qui est fautif.

Le premier objectif pour tenter de changer le style explicatif d’un enfant est de s’assurer qu’il assume des responsabilités réalistes. Le second objectif est de l’inciter à blâmer son comportement, plutôt que lui-même en général.

Lire pour aller plus loin : Pourquoi et comment favoriser l’optimisme chez les enfants ?

 

7.Engager les enfants dans les tâches du quotidien familial

Le fait d’engager les enfants dans des tâches assimilées à des “corvées” (ménage, rangement, repas…) développe leur sens de la responsabilité et leur apprendre à faire des choses même quand ils n’en ont pas envie.

Pour ma part, mes parents étaient viticulteurs et je me souviens avoir toujours participé aux vendanges dans mon enfance et mon adolescence. Mes parents avaient bien compris que je n’aimais pas aller dans les vignes alors j’avais le “droit” de rester en cuisine… je me rappelle bien les soirées de septembre passées à laver à la main les 40 couverts des vendangeurs, avant de mettre la table du petit déjeuner du lendemain pour ces 40 mêmes personnes ! C’est d’ailleurs assez drôle parce que j’ai passé quelques jours chez mon père pendant les vacances de la Toussaint avec ma fille et il se trouve que mon frère et mon père devaient étiqueter des bouteilles et les mettre en cartons pour une grosse commande. Je disais à mon frère que cela me rappelait les mercredis et samedis après midis passés à mettre des bouteilles sur l’étiqueteuse pour aider nos parents et que ce n’était pas forcément de bons souvenirs… au même moment, ma fille courait de partout pour les aider, pour ranger les bouteilles, pour pousser les cartons sur la chaîne, pour ramasser des étiquettes ou des capsules tombées par terre :) ! Je devrais plus m’inspirer de ce que mes propres parents ont fait !

 

8.Proposer des activités longues 

Dans les écoles Waldorf Steiner, les enfants sont invités à effectuer des activités de longue haleine (coudre un vêtement, réaliser une sculpture sur bois ou un panier en osier…). Cela participe à développer le sens du travail à long terme et à donner du sens aux petits efforts qui, cumulés, donnent une grande réalisation.

On pourra insister sur l’importance des “petits pas” : chaque petit pas compte et toute grande réalisation n’est jamais que la somme de ces petits pas.

kaizen

 

9.Insister sur le collectif

Dans certaines activités, l’appartenance à un groupe peut servir de levier pour cultiver la persévérance. L’engagement envers le collectif prime sur la volonté individuelle car d’autres comptent sur nous.

Par ailleurs, faire partie d’une équipe peut nourrir le besoin d’appartenance et d’utilité.

 

10.Assumer si on choisit de recourir à la contrainte pour forcer les enfants à persévérer dans une activité

Il est possible d’estimer en tant que parent que forcer un enfant à continuer une activité lui fera du bien. On pourra expliquer à l’enfant les bénéfices perçus pour son futur et peut-être même le motiver en mentionnant des champions, des personnes célèbres ou des héros.

Cependant, cette contrainte peut se retourner à un moment ou à un autre. Quand on force quelqu’un à faire quelque chose qu’il ne veut pas, on risque de le payer. Les risques majeurs sont :

  • la rancœur (contre le parent, contre l’entraineur(se) );
  • la rébellion;
  • le retrait (la petite flamme qui disparaît, la motivation intrinsèque sapée, la boussole interne qui fait office de conscience et de guide niée);
  • le dégoût (voire la haine viscérale) éprouvée à l’égard de l’activité en question.

 

Je conclurai en revenant à ma fille et au judo : elle a commencé à vouloir arrêter en février et a finalement abandonné en mai. J’ai estimé que c’était acceptable et “ajusté” à la situation pour plusieurs raisons : 1) j’ai fini par comprendre que le garçon qui l’embêtait était plus qu’un simple “embêteur” et qu’on était à la limite du harcèlement (je suis d’ailleurs allée voir le professeur), 2) le judo était son troisième choix car il n’y avait plus de place à la danse à la rentrée et qu’elle était trop jeune pour faire du cirque (ses deux premiers choix), 3) le judo est un sport individuel et ma fille n’avait pas d’engagement envers une équipe.

Mais personne d’autre que vous ne peut dire ce qui est ajusté, ce qui correspond à un besoin (plutôt qu’à une peur ou une croyance limitante) à votre place.

 

Des livres qui peuvent servir de médiateurs pour cultiver la persévérance chez les enfants :

livres persévérance enfants

……………………………………………………………………………………………………………………….

Article inspiré en partie par le livre Le meilleur pour mon enfant de Guillemette Faure (éditions Les Arènes). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.