Ce que nous pouvons apprendre pour décoder les crises des enfants
Savoir que les enfants sont démunis pour nommer et gérer ce qu’ils ressentent
Dans son livre J’ai juste besoin d’être compris ! Comprendre les comportements dérangeants chez l’enfant et l’adolescent, Joël Monzée rappelle qu’il y a souvent de la maladresse chez les enfants pour gérer ce qu’ils ressentent. Non seulement les enfants manquent de compétences d’autorégulation émotionnelles (liées à leur manque d’expérience et à l’immaturité de leur cerveau), mais ils connaissent également beaucoup de situations où ils doivent se couper de leurs besoins et émotions, notamment lors du temps passé en collectivité (ex : se retenir pour aller aux toilettes, ne pas pouvoir boire à volonté, être dérangé par le bruit pour faire la sieste ou travailler, être bousculé ou mis à l’écart des jeux…). Les crises naissent parce que l’enfant n’a juste plus les moyens de gérer seul un excès d’émotions, nées de ces moments vécus avec difficulté.
Nous nous étonnons parfois du moment où ils manifestent un comportement dérangeant. Si nous nous rappelons que leur objectif est juste de se faire aimer, mais qu’ils n’arrivent pas toujours à bien gérer leurs enjeux relationnels, voire affectifs, nous mettrons moins de charge émotionnelle dans nos interventions. – Joël Monzée
Décrypter le sens des comportements dérangeants
Il est important de comprendre que les enfants ont autant besoin de lien que de distance.
Cela ne veut pas dire pour autant que tous les comportements sont acceptables (casser, taper, injurier ne le sont certainement pas) mais qu’il est nécessaire d’une part, de raisonner en termes de besoins pour les adultes et d’autre part, de donner accès à l’enfant au sens de ses gestes et aux compétences émotionnelles qui lui permettront de s’exprimer avec respect.
Ce double apprentissage est un processus de log terme. Les enfants ont non seulement besoin de temps, mais aussi d’une présence sécurisante.
Monzée rappelle que, malgré les apparences, l’adulte reste l’attrait le plus fort pour que l’enfant et l’adolescent se sentent en sécurité. Un enfant ou un adolescent préférera toujours une attention négative de la part d’un adulte que l’absence d’attention.
Un jeune qui ne se sent pas en sécurité se désorganisera et réagira de manière souvent inappropriée à un environnement perçu comme insécurisant ou dangereux. Il va chercher un équilibre entre une qualité de présence de l’adulte plus rassurante et des sanctions/ punitions pas trop éprouvantes. Il persévérera dans ses comportements dérangeants tant que le “gain” (en rapport avec ses besoins relationnels) sera plus fort que les désavantages (punition, sanction, répression…).
Remplacer la notion de “caprices” par l’identification des besoins (tant des enfants que des adultes)
Des motivations internes de l’enfant…
Si les comportements dérangeants d’un enfant persistent malgré les conséquences (punition à l’école, rejet par les camarades…), il est alors utile d’identifier l’avantage (conscient ou non) que ces comportements lui apportent. Même si les adultes punissent le comportement dérangeant, l’enfant persistera tant que son « bénéfice » sera plus important que les sanctions. Joël Monzée rappelle que de nombreux d’enfants préféreront être vus et entendus à travers des comportements inacceptables plutôt que d’avoir l’impression d’être inexistant, de disparaître ou de ne pas en valoir la peine.
Nous pouvons considérer les comportements comme des moyens de communication et partir à la découverte du message caché derrière une attitude ou un mot exprimé avec maladresse :
- Quelle est la peur de l’enfant ?
- Quel est le manque exprimé ?
- Quel est son besoin ? Quelle est la nature du besoin ? (-> voir la roue des besoins des enfants)
- Quel est le bénéfice que l’enfant trouve dans le comportement dérangeant qui perdure malgré les sanctions ?
… à la coresponsabilité des adultes dans les comportements enfantins
Joël Monzée nous invite à adopter une perspective de coresponsabilité et à regarder nos propres comportements. Pour ce faire, il propose quatre questions :
- Que puis-je offrir en tant que parent ?
- Comment je gère mes propres émotions ? Suis-je capable de nommer mes besoins, de les exprimer et d’élaborer des stratégies pour en prendre soin ?
- Comment puis-je mieux accepter (et gérer) mon impuissance et mon stress ?
- Si je ne transforme pas mes interventions pour mieux répondre aux besoins de l’enfant et pacifier nos relations, quels sont mes bénéfices ? qu’est-ce que j’y gagne (exemples : une légitimité pour me plaindre auprès d’autrui, une acceptation dans un groupe de parents démunis, un sujet de discussion avec mon conjoint qui s’éloigne de moi, une position de victime qui confirme ma vision du monde…) ?
Plus un adulte raisonne en termes de besoins et d’émotions en cherchant à comprendre ce qui se passe pour l’enfant, plus il est capable de faire preuve d’empathie à son égard, moins l’enfant a besoin d’adopter des comportements dérangeants.
A l’inverse, plus l’adulte considère les comportements comme des affronts ou des pathologies, plus il sera condamné à utiliser – voire abuser – des interventions coercitives (punitions, luttes de pouvoir, menaces, voire violence physique). Or ces mesures considérées comme éducatives induisent elles-mêmes d’autres comportements dérangeants et ne font que renforcer le cercle vicieux de l’autoritarisme et de l’incompréhension menant fatalement à une forme de violence (émotionnelle et/ou physique).
Pour autant, Joël Monzée rappelle que les lois et les règles se doivent d’être respectées et que tout l’art de l’approche bienveillante est de trouver un équilibre entre l’accueil inconditionnel des émotions et le rappel régulier des consignes.
Ce processus demande beaucoup de temps et d’attention de la part de l’adulte, car l’enfant ne peut pas s’exprimer comme un… adulte justement !
Des activités psychomotrices et du jeu pour cesser de “fabriquer” des comportements dérangeants
Monzée souligne l’importance des activités psychomotrices sur un mode ludique pour aider les enfants à prendre progressivement conscience d’eux-mêmes et des autres. Plus un enfant ou adolescent est conscient de ce qu’il vit dans son corps (ses sensations, ses émotions), mieux il peut nommer ses besoins et trouver un moyen d’expression approprié.
Cela peut par exemple passer par des jeux simples de ballon (échanger des passes au pied entre un adulte et un enfant). Il convient, dans un premier temps, de poser le cadre et les règles à respecter pour que le jeu perdure (ex : viser les jambes, jouer à l’extérieur ou dans une pièce adaptée sans choses précieuses à casser…).
Une approche ludique mettant en jeu le corps permet aux enfants et adolescents qui ne savent plus s’exprimer autrement que par des comportements dérangeants de mieux se comprendre eux-mêmes et d’ajuster leurs interactions avec les autres.
Pour aller plus loin : Réguler les émotions par le mouvement (enfants instables, excités, opposants)
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Source : J’ai juste besoin d’être compris ! Comprendre les comportements dérangeants chez l’enfant et l’adolescent de Joël Monzée (éditions Le Dauphin Blanc). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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